Cours d’agriculture (Rozier)/ARTICHAUT (supplément)

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ARTICHAUT. Au procédé que Rozier indique, pour mettre cette plante, si susceptible du froid, à l’abri de la gelée, nous en ajouterons un qui nous paroit moins minutieux, plus commode, et qui remplit également son objet. Il a d’ailleurs en sa faveur une grande autorité, c’est M. Vilmorin qui l’a indiqué ; il mérite donc d’être pris en considération.

Dans les pays où l’on se procure facilement des pots a fleurs, rien n’est plus commode, ni plus certain, pour la conservation des artichauts, que d’avoir un grand pot pour chacune de ces plantes : on le renverse dans les cas indiqués ci-dessus, et il est appuyé sur la bulle ou sur des fourchettes posées convenablement. Lorsque la gelée augmente, on jette de la paille froissée ou de la grande litière sur le pot, et même sur la butte, en proportion de l’intensité du froid. Aussitôt que le temps le permet, on met la paille de côté, et on enlève le pot ; on le replace et on le recouvre au besoin. À défaut de pot, on rapproche les petites feuilles du milieu de la plante, on les garnit de paille ou de feuilles sèches, et on les couvre d’une grande tuile, d’une ardoise, d’une pierre plate ou d’un bout de planche ; on change de litière et on donne de l’air, ainsi qu’il vient d’être indiqué.

On connoit les diverses formes sous lesquelles les artichauts crus ou cuits paroissent sur nos tables ; c’est un mets tellement recherché, qu’on est parvenu à en prolonger la jouissance pendant toute l’année. Les moyens proposés à cet effet sont nombreux, mais tous ne parviennent pas au but ; les uns sont insuffisans, les autres exigent trop de soin et de dépense. Aucun ne paroît plus simple et ne conserve à ces fruits une partie des avantages qu’ils possèdent dans l’état frais, que celui qui est pratiqué à Laon et dans ses environs. Il consiste à faire cuire les artichauts à demi, à séparer les feuilles et le foin, qui n’est autre chose que les fleurons commençans ; à réserver la partie charnue qui se trouve à la base des écailles du calice, qu’on appelle les culs d’artichauts, à les jeter encore chauds dans l’eau froide, pour leur faire prendre du corps ; c’est ce qu’on appelle blanchir. On les arrange, ensuite sur des claies pour les exposer jusqu’à quatre fois au four, dès que le pain en a été tiré ; ils deviennent minces, durs et transparens comme la corne, et ne reprennent leur première forme que dans l’eau chaude. On a remarqué que, pour obtenir une livre de culs d’artichauts de grosseur commune dans cet état, il falloit quarante têtes. Une fois sèches, on les tient toujours dans un lieu à l’abri de l’humidité, afin qu’ils ne contractent pas de goût de moisi.

Il a été recommandé, dans plusieurs ouvrages d’économie rurale, de donner aux bestiaux les feuilles d’artichauts ; mais il faut prendre garde que les vaches n’en mangent une certaine quantité, parce que l’amertume qui caractérise cette plante est du genre de celle qui se transmet au lait.

Les fleurs d’artichauts, indépendamment de la propriété qu’elles ont de coaguler le lait comme toutes les plantes de cette famille, renferment un principe tannant qui a déterminé un particulier à appliquer l’eau qui a servi à la cuisson du fruit, au tannage des peaux, et il assure que ce moyen lui a aussi bien réussi que s’il se fût servi de galles blanches. Combien de substances végétales sont reconnues maintenant pour exercer, à un degré plus ou moins éminent, la propriété dont il s’agit ! (Parmentier.)