Cours d’agriculture (Rozier)/FENTE DES ARBRES

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 459-460).


FENTE DES ARBRES. Les fentes ont lieu sur les arbres sains & vigoureux, & sur les arbres abattus lorsqu’ils commencent à sécher. Deux principes opposés produisent ces espèces de fentes ; dans le premier cas la fente est dans l’écorce, & dans le second, elle divise l’écorce & pénètre dans la substance du bois. Il faut distinguer ces fentes de celles dont il est question à l’art. Dégel, (voyez ce mot) parce que celles-ci sont occasionnées par le froid.

1°. Des fentes des arbres sains. La peau se déchire, se divise en deux, & suit communément la perpendicularité de l’arbre, à moins qu’il ne se trouve sur sa route des nœuds formés par l’origine des branches qui ont été précédemment coupées, & dont l’écorce a dans la suite recouvert la plaie. Alors la fente se détourne pour l’ordinaire, fait un contour, & très-souvent reprend au-dessus du nœud sa direction perpendiculaire. La fente suppose de toute nécessité une végétation vigoureuse dans l’arbre, & l’écorce de celui qui n’a pas assez de nourriture précisément dont il a besoin, n’éclata jamais pendant la belle saison. Elles surviennent, pour l’ordinaire, aux arbres que l’on taille dans l’été, & à ceux qui sont exposés à de trop continuels arrosemens. Dans l’un & l’autre cas il y a surabondance de sève ; l’ascendante ne peut dissiper son superflu par les branches, par les feuilles, &c. au moyen de la transpiration ; (voyez ce mot) & l’absorption de l’humidité de l’air, faite la nuit par les feuilles, augmente encore ce volume de sève lorsqu’elle redescend aux racines, depuis que le soleil est couché jusqu’à ce qu’il se relève. La résistance de l’écorce se trouvant plus foible que l’impulsion de la sève, est forcée d’éclater dans l’endroit le plus aminci & le plus délicat. Aussitôt qu’on apperçoit ces fentes, que l’aubier est à découvert, il faut se hâter de les remplir avec l’onguent de St. Fiacre ; (voyez ce mot) parce que l’air agit sur le bois comme sur une plaie du corps humain qui reste soumise à son action. La cicatrice de l’écorce en sera plus prompte, & à la longue les deux bords de la plaie, après avoir formé le bourrelet, s’étendront, parviendront à s’unir &c à faire corps ensemble.

La texture du bois une fois attaquée, ne se régénère pas ; mais comme cette portion parvient, à la longue à être recouverte par l’écorce, & par conséquent mise à l’abri du contact de l’air, la partie affectée ne pourrit plus.

Ces fentes sont plus préjudiciables aux arbres à fruits à noyaux, qu’à tous autres : il s’établit le long de la fente, des amas de gomme, qui ne sont autre chose qu’une lève extravasée, & dont la partie aqueuse s’est évaporée ; d’où il résulte une multitude de chancres très-pernicieux. (Voyez le mot Chancre)

II. Des fentes des arbres abattus. Elles sont en raison de la qualité intrinsèque de l’arbre. Moins l’arbre renferme d’humidité, plus il travaille en séchant, toutes circonstances égales ; ainsi, un chêne des provinces méridionales, venu dans un terrein sec & au midi, se fendra plus que celui qui aura pris sa croissance dans une exposition au nord, ou un terrein humide quoique dans le même pays. Cette comparaison a également lieu pour les chênes du midi & du nord du royaume ; il en est ainsi des autres arbres.

Lorsqu’un arbre est abattu, il se dessèche, diminue de volume, & à mesure qu’il se resserre, les fentes paroissent & augmentent en raison de la séparation des fibres ligneuses, toujours proportionnée au plus ou moins de rigidité, & cette rigidité tient au plus ou au moins d’humidité qu’elles renferment.

Si l’arbre abattu reste exposé au gros soleil, si la dessiccation est rapide, les gerçures ou fentes seront plus grandes que si le même arbre s’étoit dessèche lentement.