Cours d’agriculture (Rozier)/CHANCRE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 677-679).
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CHANCRE, Médecine rurale. Le jardinage a emprunté ce mot de la médecine. Il faut donc parler du chancre relativement à l’homme & aux animaux, & relativement aux arbres.

Le chancre est un petit ulcère qui vient à la bouche, aux lèvres & aux parties naturelles des deux sexes ; il jette un pus jaune, vert ou gris ; il est entouré de petits vaisseaux sanguins gonflés, semblables aux pattes d’un petit cancre.

Le chancre est simple ou compliqué. Le chancre simple vient souvent de mal-propreté ; & en lavant la partie sur laquelle il est placé, avec de l’eau & du vinaigre, il disparoît. Le chancre compliqué est un effet de la vérole. (Voyez ce mot) M. B.


Chancre, Médecine vétérinaire. La bouche du bœuf, du cheval & de l’âne, & sur-tout la langue, sont le siège de ce mal. Il s’annonce par une tumeur remplie d’une humeur rousse & fluide, qui se fait jour d’elle-même, & produit une cavité dont la grandeur augmente en très-peu de tems, souvent jusqu’à détruire les parties circonvoisines. Les aphtes remplis de sérosités, & quelquefois terminés par une pointe noire, sont des vrais chancres. Étant ouverts, ils rongent promptement la langue ou les parties voisines, si l’on n’arrête pas leurs progrès. (Voyez Aphtes).

On guérit les chancres en les râtissant avec un instrument quelconque, pour en faire sortir le sang, & en lavant souvent la plaie avec du vinaigre, dans lequel on a fait infuser de la rue & de l’ail, en ajoutant à la colature un peu d’eau-de-vie camphrée. Les animaux qui en sont atteints, guérissent aisément par cette méthode. En 1773, nous vîmes beaucoup de chevaux & de mulets attaqués de ce mal. Plusieurs perdirent leur langue entre les mains des maréchaux, parce qu’ils ne connurent point le remède.

Cette maladie est ordinairement épizootique : alors on l’appelle chancre volant, pustule maligne, charbon à la langue. (Voyez Charbon à la langue)

Le mouton est exposé à des petites vésicules d’une humeur rousse, qui attaque les tégumens du col ; elles excitent au commencement une vive démangeaison. Lorsqu’elles sont ouvertes, elles s’étendent au loin, & détruisent les tégumens & les muscles voisins. Nous appelons cette espèce de chancre feu Saint-Antoine, feu céleste. (Voyez Feu S. Antoine)

Quant au chancre qui survient dans le nez des chevaux attaqués de la morve, & qui est un signe univoque de cette maladie, on parvient à le déterger avec une once d’une injection faite d’une drachme de sublimé corrosif, dissoute dans environ dix onces d’esprit de vin camphré, le tout étendu dans une livre de décoction de graine de lin. (Voyez Morve) M. T.


Chancre des Oreilles, Médecine vétérinaire. De tous les animaux, il n’y a que le chien dont les oreilles soient attaquées de cette espèce de chancre, & cela arrive sur-tout lorsqu’il a eu ou qu’il a encore la gale, ou lorsqu’en chassant il s’est écorché les oreilles dans les broussailles.

Dans le premier cas, pour remédier à ce mal, il convient plutôt de guérir la gale avant que d’entreprendre la cure du chancre. (Voyez Gale des Chiens)

Dans le second, c’est-à-dire, quand le vice n’est que local, il suffit de toucher le chancre avec la pierre infernale, ou avec l’esprit de vitriol. Si loin de céder à ces topiques, l’ulcère s’agrandit & fait des progrès, le plus court parti est d’emporter l’oreille avec des ciseaux à l’endroit qu’occupe le chancre, & d’appliquer tout de suite le feu pour arrêter l’hémorragie. M. T.


Chancre, Jardinage. Les végétaux, ainsi que nous, sont soumis à la même loi. Naître, végéter, souffrir & mourir, tel est le fort de tout ce qui respire. Rendons à l’arbre les mêmes soins que le médecin donne à l’homme, le vétérinaire à l’animal, &c. ; il sera reconnoissant de nos attentions, ou plutôt notre jouissance sera prolongée.

Une humeur âcre & corrosive détruit peu-à-peu l’organisation intérieure d’une branche ou d’un arbre, & forme un chancre. Suivant la qualité & la quantité de l’humeur mordante, les progrès du chancre sont plus ou moins rapides, & le chancre est plus ou moins profond ; les cerisiers, pêchers, amandiers, abricotiers, en un mot, les arbres gommeux y sont plus sujets que les autres.

I. Du chancre des arbres non gommeux. L’écorce se gerce, se dessèche dans la partie affectée par le chancre, le mal va toujours en augmentant ; souvent un côté entier d’un arbre en est affecté ; enfin il périt si on n’apporte du secours. Le plus prompt, dès qu’on s’en apperçoit, est le mieux. Les poiriers de bon-chrétien, de bergamotte, &c. y sont fort sujets, sur-tout, lorsqu’ils sont plantés dans des terrains humides ; l’opération est indispensable, si on veut en prévenir les suites funestes. À cet effet, cernez avec la serpette ou avec tel autre instrument tranchant proportionné au volume de l’arbre, toute l’écorce endommagée ; mettez à nud la partie ligneuse affectée, & enlevez-la jusqu’au vif ; il vaut mieux emporter même une portion d’écorce & de bois sain que de craindre de faire une trop large plaie. Si le chancre n’est pas complétement détruit, c’est ne rien faire. Après l’opération, remplissez l’ouverture avec l’onguent de Saint-Fiacre. (Voyez ce mot)

L’époque la plus favorable pour l’opération, est au renouvellement de la sève du printems ; l’écorce disposée à s’étendre par l’affluence continuelle de la sève, couvrira la plaie peu-à-peu, & l’arbre se rétablira.

II. Du chancre des arbres gommeux. On sait que la gomme est une sève extravasée ; que lorsqu’elle s’extravase l’arbre souffre, & meurt si elle est trop abondante. La sève qu’on laisse séjourner sur une partie d’un arbre, y bouche les pores de la transpiration, cause des élévations à la peau : la matière perspirable s’y corrompt, ronge & carie les parties ligneuses qu’elle imbibe : voilà pour l’intérieur. À l’extérieur, le suc prend une forme solide & concrète en desséchant, & forme la gomme ; enfin ces deux causes réunies concourent à établir un véritable chancre. Si les chancres sont placés sur de petites branches, détruisez dans le tems ces branches par la taille. Si les petites taches noires, livides & chancreuses ne sont pas considérables, saisissez le premier jour de pluie ; lorsque la gomme sera bien détrempée, enlevez-la avec la pointe d’un instrument tranchant, & avec ce même instrument, détruisez l’écorce & le bois chancreux ; la branche reprendra bientôt sa première vigueur : opérez de la même manière sur des chancres placés sur les grosses branches, & remplissez la cavité des plaies, ainsi qu’il a été dit, avec l’onguent de Saint-Fiacre.

On doit à M. Roger-Schabol l’observation suivante. Les chancres naissent aussi des queues des pêches qui demeurent sur les arbres plus d’une année après qu’elles sont cueillies ; ces queues se sèchent, meurent & durcissent.