Cours d’agriculture (Rozier)/FONTAINE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 685-692).
◄  FONGUS
FORÊT  ►


FONTAINE, Histoire Naturelle. Les sources & les fontaines sont des objets trop intéressans à la campagne, pour que nous ne nous y arrêtions pas un instant. Sans ces uniques ressources pour des cantons privés de rivières ou de grands ruisseaux qui portent la fécondité sur leurs rives, le malheureux habitant de la campagne voit un trésor précieux dans ces fontaines qui lui offrent de quoi abreuver ses bestiaux, & de quoi fournir à tous ses besoins. Placées ordinairement dans des vallons, ombragées par des arbres qui croissent sur leurs bords, perpétuellement rafraîchies par l’eau nouvelle qui y afflue sans cesse, animées par le chant des oiseaux qui viennent y chercher, & un abri contre l’ardeur du soleil, & une eau limpide pour se désaltérer & s’y baigner ; communément les sources & les fontaines sont des endroits si charmans, qu’il n’est pas étonnant que l’imagination vive & créatrice des poëtes anciens, ne les ait considérées comme des lieux consacrés par la présence d’une divinité bienfaisante. Les offrandes de fruits & de fleurs, faites à la naïade qui y présidoit, étoit un juste tribut de reconnoissance pour les biens qu’on croyoit en recevoir. Laissons-leur ces douces illusions, & mollement assis sur le tapis de gazon & de fleurs qui bordent l’enceinte de la fontaine, jettons un œil philosophique sur son origine, sur le moyen d’en découvrir de nouvelles, & sur les soins de leur entretien. Nous confondons ici sous le nom de fontaine, les sources & généralement tous les filets d’eau qui sortent de terre, quoique certains auteurs aient voulu établir une distinction particulière entre la fontaine & la source, qu’ils aient considéré la dernière, simplement comme le canal naturel qui sert de conduit souterrain aux eaux, à quelque profondeur qu’il soit placé ; & la fontaine, uniquement comme un bassin placé à la surface de la terre, & qui verse au dehors l’eau qu’il reçoit par des sources, ou intérieures ou voisines.

§. I. Origine des fontaines. On a imaginé une foule de systêmes pour expliquer l’origine des fontaines : on peut les réduire à deux principaux. Suivant le premier, il existe dans la terre des cavernes souterraines remplies d’eau fournie par des canaux qui le propagent jusqu’à la mer : la chaleur centrale fait exhaler ces eaux sous forme de vapeurs à travers les différentes couches de la terre, où elles se condensent & se convertissent en filets d’eau qui s’échappent par les différentes ouvertures qu’ils rencontrent à la surface de la terre. La réfutation de ce systême se déduit naturellement de l’impossibilité de démontrer l’existence, 1°. de ces canaux souterrains depuis la mer jusqu’au milieu des terres ; 2°. de ces cavernes dont les routes font l’office d’alambic ; 3°. des dépôts immenses de sels que l’eau de la mer laisseroit & dans les canaux & dans les cavernes, & qui à la fin devroient tellement obstruer tous les passages, qu’il seroit impossible à de nouvelles eaux de filtrer, de se rendre dans ces prétendus réservoirs, de s’y volatiliser & de former des fontaines. 4°. Les plus habiles naturalistes, accoutumés à observer dans les plus profonds souterrains, creusés naturellement, ou par la main des hommes, ont toujours trouvé que la chaleur y étoit de dix degrés & un quart du thermomètre de Réaumur, à moins que quelques circonstances purement locales n’y fassent augmenter le degré de chaleur : or, il est bien démontré que cette chaleur de dix à onze degrés, n’est pas capable de réduire l’eau souterraine en vapeurs.

Dans le second système, aucune supposition difficile à admettre, & les difficultés sont nulles, ou presque nulles. La masse du globe est composée, comme on le sait, du moins jusqu’à une certaine profondeur, de différentes couches, & l’on peut même dire qu’excepté les masses de granit & d’autres roches de même nature, toutes les substances terreuses sont disposées par couches. Cette vérité est très-sensible : si l’on jette les yeux sur une montagne, sur un ravin très-profondément creusé, l’on apperçoit facilement ces différentes couches. Tantôt elles sont parallèles à l’horizon, tantôt elles lui sont inclinées suivant différens degrés ; on les voit quelquefois descendre avec la montagne, traverser le vallon & se relever avec la colline voisine, en décrivant ainsi une courbe ou un siphon renversé. Ces couches sont de nature différente de la terre végétale, de pierres, du sable, de l’argile, &c. &c. Parmi ces couches, les unes sont perméables à l’eau, comme celles de terre, de sable, de graviers, de pierres de nature poreuse, &c. ; les autres, comme celles de pierres dures & d’argile, ne se laissent pas pénétrer par l’eau ; elle coule par-dessus, ou par filet ou par nappe, jusqu’à ce qu’elle arrive à l’extrémité de la couche, à la surface de la terre d’où elle sort, sous forme de source ou de fontaine.

D’où vient cette eau si abondante, qu’elle donne naissance, non-seulement aux sources & aux ruisseaux, mais encore à ces fleuves immenses qui, traversant une partie du globe, se précipitent du haut des montagnes & roulent leurs flots majestueux jusqu’à la mer ? Cette quantité d’eau si considérable est fournie par l’évaporation continuelle des fleuves eux-mêmes, des lacs, des étangs, des mers, &c. ; en un mot, de tous les amas d’eau. La chaleur de la surface de la terre, celle de l’atmosphère, l’action du soleil, des vents, &c, élèvent une quantité d’eau très-considérable dans le haut des airs, d’où elle retombe sous forme de pluie, de neige, de brouillards, de rosée. Cette eau pénètre les couches de la terre, & étant naturellement fluide, elle cherche toujours à descendre, s’insinue dans les intervalles que ces couches laissent entr’elles, jusqu’à ce qu’elle rencontre une couche d’argile. Alors, comme elle ne peut pas la traverser, elle s’arrête & coule sur cette couche suivant son degré d’inclinaison. Sa force augmentant en raison du degré de vitesse qu’elle acquiert, & de sa masse qui s’est augmentée, elle se fait jour dans les endroits de la montagne, de la colline, de la plaine même où elle trouve moins de résistance, pour former des ruisseaux qui, devenant plus considérables par leur réunion avec d’autres ruisseaux, donnent naissance aux grands fleuves. La portion d’eau qui s’est arrêtée à la surface de la terre, ou qui n’a pénétré qu’à une certaine profondeur, sert à nourrir les arbres & les plantes qui, à leur tour, par leur transpiration, rendent presque la même quantité à l’atmosphère. Cette circulation existant nécessairement depuis l’origine du monde, a entretenu & entretiendra jusqu’à la fin les sources & les fontaines.

Telle est en peu de mots l’origine des fontaines, & dans ce système il est très-facile de rendre raison de tous les phénomènes qu’elles présentent. Ces phénomènes regardent la nature des eaux qui coulent, & la manière dont elles coulent. L’eau étant un des plus grands dissolvans de la nature, attaque presque toujours les substances sur lesquelles elles coulent : elle en prend ou la couleur ou le goût, & souvent en charie avec elle, une certaine quantité de molécules. De là les différentes eaux minérales. (Voyez ce mot)

Parmi les fontaines, les unes coulent toute l’année & toujours ; les autres ne coulent que pendant un certain temps, s’arrêtent de temps à autre périodiquement pour recouler ensuite. Ces dernières portent le nom de fontaines périodiques. Nous allons donner l’explication de dissidentes espèces d’intermittence.

Les fontaines intermittentes, proprement dites, sont celles dont l’écoulement cesse & reparoît à différentes reprises en un certain temps, & on a donné le nom d’intercalaires à celles dont l’écoulement, sans cesser entièrement éprouve, dans leur quantité d’eau, des retours d’augmentation & de diminution, qui se succèdent après un temps plus ou moins considérable. L’interruption de certaines fontaines dure quelquefois plusieurs mois de l’année ; elles commencent à couler vers le mois de mai jusqu’à l’automne, & finissent l’hiver ; dans d’autres, elles ne durent que quelques heures ou quelques jours.

Pour entendre le mécanisme de ces intermittences, il faut se ressouvenir que les filets d’eau qui coulent dans l’intérieur de la terre, sont retenus par des couches d’argile, ou des bancs de pierre, & qu’ils pénètrent au contraire les couches de terre, de sable &c. ; que souvent ces couches sont interrompues & forment des vides, des trous, des cavernes, &c. ; que souvent elles sont inclinées dans différens sens, qu’elles s’affaissent & se relèvent ensuite, de manière qu’elles offrent des espèces de conduits à différentes courbures ou de siphons plus ou moins renversés ; de plus, dans quelques couches il se trouve souvent des espèces de terres très-fines & très-dissolubles dans l’eau qui, étant facilement emportées par des filtrations réitérées, formeront à la longue des cavités ou tuyaux de conduite, par lesquels l’eau coulera comme dans les branches d’un siphon. Ainsi, nous considérerons comme un vrai siphon, un assemblage de petits conduits recourbés, pratiqués naturellement entre les couches de glaise, ou bien entre des rochers fendus & entr’ouverts suivant une infinité de dispositions.

On conçoit que, si une montagne élevée renferme dans son sein de pareilles cavités, elles se rempliront d’eau après la saison des pluies & la fonte des neiges ; alors les fontaines où viennent aboutir les conduits de ces cavernes donneront de l’eau dans cette saison, & elles couleront tant qu’elles en fourniront. Durant l’été, la pluie étant infiniment moins abondante & la neige ne tombant plus sur la surface de la montagne, ces grands réservoirs souterrains se déchargeront sans se remplir de nouveau. En automne & à l’entrée de l’hiver ne fournissant plus d’eau, la fontaine cessera de couler, & ne reprendra son cours fourni par le retour des pluies & de la neige, qu’aux mois de mai ou d’avril suivans. Voilà pour les fontaines intermittentes ordinaires, dont l’intermission est de plusieurs mois.

Si la caverne ou réservoir, au lieu d’avoir un canal direct d’écoulement, renferme dans son sein un siphon naturel, (voyez ce que nous avons dit plus haut) dont la plus petite branche plonge dans le bassin, & la plus grande va se terminer à la surface de la montagne, alors ce siphon peut être dans trois proportions différentes ; ou il est moins considérable, c’est-à-dire, il laisse couler une quantité d’eau moindre que celle qui entretient le réservoir plein, ou il est égal, ou il est plus considérable : dans le premier cas, l’écoulement sera toujours le même ainsi que dans le second, parce que l’eau qui remplira le bassin, sera égale à celle qui en sortira ; dans le troisième, au contraire, l’eau cessera de couler jusqu’à ce que le bassin soit rempli de nouveau. La petite branche étant supposée monter le long des parois du bassin, ou du moins jusqu’à ses bords, il faut nécessairement que l’eau vienne jusqu’à la hauteur du coude du siphon, pour qu’elle puisse couler dans la grande branche. Le temps que l’eau mettra à remplir le bassin jusqu’à cette hauteur, sera précisément le temps que doit durer l’intermission.

Rendons ceci sensible par un exemple. On connoît cet instrument dont on se sert pour soutirer les vins, les cidres &c., & auquel on a donné le nom de siphon ; il est composé de deux branches l’une plus courte que l’autre. On met la plus courte dans le tonneau, & on aspire l’air par la plus longue ; le vin monte dans la petite branche, passe pardessus le coude, coule par la plus longue branche & ne cesse de couler, que lorsqu’il n’y a plus de vin dans le tonneau. Remettez du vin dans le tonneau, de façon qu’il parvienne jusqu’au coude ; il coulera de nouveau : ce qui vient d’avoir lieu sous nos yeux dans le siphon & le tonneau, se passe exactement dans le sein de la terre. Le réservoir est le tonneau, & les conduits souterrains sont le siphon. On n’aspire pas l’air dans la grande branche, mais il suffit que l’eau monte dans la petite jusqu’au coude, ou jusqu’à l’endroit le plus élevé de la réunion des deux branches.

Les fontaines peuvent être intercalaires, lorsqu’il se joint un siphon qui joue à plusieurs reprises au produit d’un courant d’eau continuel & uniforme : tandis que l’eau coulera continuellement par le tuyau de conduite, la grande branche du siphon y ajoutera la quantité d’eau qu’il fournira de temps en temps, ce qui fera que le jet de la fontaine, quoique continuel, sera de temps en temps plus considérable.

Il n’est pas rare de voir varier les fontaines intermittentes & intercalaires ; mille circonstances particulières peuvent y influer. La sécheresse ou la pluie plus considérable dans une année que dans une autre, doivent nécessairement faire changer les temps & les heures de ces fontaines.

Cet apperçu, ces simples notions suffiront pour rendre raison, en général, des fontaines & des phénomènes qu’elles offrent, & elles peuvent servir à indiquer quelques moyens pour les trouver & les amener au grand jour.

§. II. Moyens pour trouver des sources nouvelles. D’après ce que nous avons dit, on croiroit qu’il est assez facile de rencontrer des sources & d’ouvrir des fontaines, mais si l’on n’a pas quelque connoissance du terrain & des environs, l’on risque souvent de faire des fouilles inutiles.

Dans certaines provinces, où la bonne foi & la simplicité sont dupes de l’adresse & de la charlatanerie, lorsqu’on veut découvrir une source, l’on s’adresse à des imposteurs, qui, sûrs de la crédulité & de l’argent de la personne qui les consulte, prononcent hardiment, &, leur baguette à la main, prétendent voir jusque dans les entrailles de la terre, & suivre, sur sa surface, toutes les sinuosités des eaux qui circulent dans son sein. Aussi peu embarrassés sur la profondeur que sur la direction, il ne leur en coûte pas plus de décider la distance que la force du courant. Les rencontres qu’ils font leur assurent de l’argent & la vogue ; & sans s’inquiéter des nombreuses occasions où ils se sont trompés, ils ne calculent que les dupes qu’ils peuvent faire. Nous ne nions pas ici que très-souvent ils réussissent, & que le hasard ne serve bien leur hardiesse ; mais ils ont grand soin de couvrir du voile du mystère les connoissances naturelles qu’ils ont des terrains en général, tant ceux sur lesquels ils sont, que ceux qui les environnent ; de la manière dont les eaux sont disposée par rapport à la nature du sol, à son inclinaison, à sa direction, &c. &c. connoissances, ou plutôt, si l’on peut s’exprimer ainsi, tact qu’ils doivent à une longue habitude & à un séjour perpétuel à la campagne, & auquel un philosophe parviendroit par la réflexion & le raisonnement. On peut consulter ce que nous avais dit à ce sujet au mot Baguette devinatoire. Dans le temps qu’on imprimoit cet article, nous soupçonnions ce qui a été démontré ensuite à Paris, aux yeux d’une foule de gens sensés.

En général, on ne trouvera point de sources dans un terrain sablonneux ou de gravier, si au-dessous il ne se trouve aucune couche en état d’arrêter les eaux qui filtrent à travers ce terrein léger. Rarement S’en trouve-t-il au-dessus des montagnes composées de bancs de pierres calcaires, parce que l’eau coule par les fentes dont ces bancs sont parsemés jusqu’au pied de la montagne, où des lits d’argile & de marne peuvent les arrêter ; c’est aussi là que l’on trouve beaucoup de sources, & qu’on les voit sortir. Il ne faut pas croire cependant qu’il n’y ait point de sources sur les hauteurs, si elles sont commandées par d’autres hauteurs, & si leurs couches de terre communiquent avec celles de la montagne supérieure ; alors il pourra s’y rencontrer des sources vives, des filets d’eau, & quelquefois même des amas assez considérables.

Les endroits bas, quoiqu’ils ne soient pas en plaine, s’ils sont adossés contre une montagne, ou dominés par des collines sablonneuses & de terre légère ; les plaines que de grandes rivières traversent, ou qui sont environnées de coteaux élevés & étendus, sur-tout si les uns & les autres ont, à une certaine profondeur, des couches d’argile & de terre forte, offriront abondamment des sources à ceux qui les chercheront.

On a observé que sur les coteaux, les sources & les fontaines étoient plus abondantes sur les revers exposés au couchant ou au midi, que sur ceux du nord ou du levant.

C’est déjà beaucoup d’avoir des idées justes sur la nature du sol & sur ses rapports avec les terrains voisins ; il faut encore pouvoir être sûr qu’en creusant on rencontrera précisément ou une source ou un amas d’eau : rien n’est si hasardeux ; & comme les sources roulent ordinairement dans des conduits assez resserrés, il arrive très-souvent que l’on fouille à côté sans les rencontrer. On a quelques indices généraux de l’endroit où elles peuvent se trouver, & quoiqu’ils se trouvent insuffisans quelquefois, nous les rapporterons toujours ici, parce qu’ils peuvent servir en plusieurs occasions. La présence des eaux souterraines s’annonce par des plantes aquatiques, telles que le trèfle d’eau, le souchet, le souci d’eau, l’épi d’eau, le cresson des prés, la reine des prés, la prêle, le roseau d’eau, &c. &c. Cet indice sera assez certain, si l’on ne rencontre point de ces plantes dans les environs, & qu’au contraire le terrain soit sec, tandis qu’il est humide à l’endroit où elles croissent. Cependant il peut y avoir des sources cachées dans certains endroits, sans qu’aucune de ces plantes s’y trouve, parce que des couches d’argile ou de terre glaise recouvrant la source, empêchent la vapeur de l’eau de s’élever jusqu’à la superficie de la terre.

Quelques auteurs citent encore deux autres indices, celui de l’odorat & de l’ouie, & prétendent qu’une personne qui a ces sens très-délicats, peut, le matin ou le soir, quand il fait sec, distinguer un air humide de celui qui ne l’est pas, sur-tout en ouvrant la terre dans différens endroits ; & même entendre, en prêtant une oreille attentive dans ces trous, le bruit des eaux qui roulent au-dessous ; mais ces indices sont trop peu certains pour que nous nous y arrêtions.

Le moyen, sans contredit, le plus sûr, & qui mérite toute la confiance pour trouver des sources, est de se servir de la sonde. Les précédens sont avantageux pour fixer l’endroit où l’on emploiera la sonde, & cet instrument indiquera la profondeur où sera la source.

Nous ne pouvons mieux faire que de copier ce qu’on lit dans le Dictionnaire de Physique de M. Brisson, sur la manière la plus avantageuse de se servir de la sonde pour les sources.

Lorsqu’on s’est assuré qu’il y a une source dans un endroit, il convient de connoître différentes choses avant que de penser à creuser la terre, pour la chercher & la conduire où l’on voudra. 1°. Il importe de connoître de quelle espèce est la source, si c’est une eau qui coule ou qui est arrêtée, si c’est une source vive, ou un filet d’eau, ou un réservoir ; 2°. à quelle profondeur elle est, pour voir si elle ne seroit point plus basse que le lieu où on a le dessein de la mener ; 3°. enfin, de quelle nature est la couche dans laquelle elle se trouve. Il est bon de connaître tout cela pour prévenir des dépenses inutiles ; & la sonde est un moyen très-sûr pour y parvenir ; car elle met sous les yeux la nature du terrain d’un pied à un autre, & à une grande profondeur.

Pour remplir ces vues, on fait agir la sonde de cette manière.

Après l’avoir fait descendre jusqu’à la profondeur où l’on conjecture que la source se trouve, ou que la terre que l’on a sortie fait déjà connoître, on attache une éponge à la cuiller de la sonde, qu’on fait descendre jusqu’au fond du trou qui paroît toucher à la source, cette éponge ne doit remplir qu’à moitié la cuiller, en laissant le vide au-dessus. Quand on est arrivé à l’eau, si c’est une source vive & abondante, peu profonde, ou qui ait assez de chute, & sur-tout si elle est couverte par une couche d’argile ou de terre glaise, elle montera par l’ouverture comme dans un tuyau ; mais si c’est un filet d’eau, l’éponge placée dans la cuiller de la sonde, se remplira entièrement d’eau ; si c’est un réservoir d’eau, l’éponge se remplira pareillement, mais en même temps il se mettra, sur-tout dans la partie supérieure vide, de la terre de l’espèce de celle sur laquelle ce réservoir d’eau se trouve assis. Toutes ces découvertes mettent en état d’exploiter ces sources de la manière la plus avantageuse & la moins dispendieuse. S’il s’agit d’une source vive, peu profonde, qui ait une chute suffisante, on peut la faire sortir par sa propre force, comme par un tuyau, sans y rien faire de plus. S’agit-il, au contraire, de divers filets d’eau, on peut juger par la situation du terrein & par la pente de la surface qui est au-dessus, d’où ils viennent ; & ou ils vont, par la pente & la direction de la surface qui est au-dessous ; ce qui met en état de décider de l’endroit où l’on peut creuser avec le plus d’avantage & le moins de dépense. S’agit-il d’un réservoir d’eau ? l’on sait qu’il faut le percer de côté, par le moyen d’une galerie qui y mène, & le mieux sera de la prendre par l’endroit où il y a plus de pente ; &, dans ce cas, il ne sera pas nécessaire que la galerie soit aussi exactement mesurée que si c’étoit un filet d’eau.

En second lieu, il est nécessaire pour faciliter l’ouvrage, de s’assurer à quelle profondeur la source se trouve. Est-elle sur une petite éminence ? il faut savoir si lorsqu’elle sera creusée, on pourra lui donner assez de chute pour la conduire au lieu de sa destination ; sans cela on s’exposeroit à des dépenses inutiles. Est-elle sur un terrein très-élevé ? il faut prendre garde de pratiquer une galerie qui réponde exactement à cette hauteur, & qui aille rencontrer juste la source, sur-tout si c’est un filet d’eau, & qu’il soit dans la même direction avec elle ; car si l’on va ou trop haut ou trop bas, ou de côté, on ne sait plus où l’on en est, & il faut souvent fouiller toute une colline.

C’est ici encore où la sonde est d’un grand usage ; & l’on découvre cette profondeur en même temps qu’on s’assure des différentes couches de terre & de la nature de la source, sans que l’on ait besoin d’un nouveau genre de travail.

Si l’on veut connoître la nature d’une source, il faut aussi faire descendre la sonde jusqu’à ce qu’elle l’atteigne ; en même temps que l’on parvient au premier but, on atteint le second, & l’on connoît exactement cette profondeur en mesurant la longueur de la sonde. Dès que l’on a cette profondeur, on peut, par son moyen, tirer aussi une ligne horizontale qui réponde exactement à cette profondeur, de manière que l’on dirigera la galerie avec la plus grande précision.

En troisième lieu, il importe beaucoup de savoir, non-seulement quelle est l’espèce de terre dans laquelle la source se trouve, mais encore de quelle nature sont les couches au-dessus & au-dessous, dans lesquelles elle est renfermée. De cette connoissance dépend le degré de certitude qu’on a du succès ; elle sert à régler le plus ou moins de dépense ; car si l’on pratique, par exemple, une galerie dans une terre légère & graveleuse, elle ne sera jamais sûre ni de durée.

La connoissance de la nature & de la disposition des couches qui entourent la source, indiquera à celui qui la cherche, la meilleure méthode de construire la galerie au-dessus & au dessous de la source, suivant que les couches sont d’argile ou de sable.

§. III. De l’entretien des sources ou fontaines. Une fois la source trouvée & conduite à l’air, elle demande encore beaucoup de soin pour son entretien & sa conservation. Elle peut avoir plusieurs destinations, ou comme abreuvoir, ou pour faire mouvoir des machines, ou pour servir à l’agrément d’un jardin, ou simplement pour fournir à la boisson & aux différens besoins économiques ; elle demande pour chaque objet un soin particulier. M. M.

Quant à l’arrosement des parterres, des jardins, des prairies, consultez le mot Arrosement.