Cours d’agriculture (Rozier)/GIVRE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 302-303).


GIVRE, Physique ou GELÉE BLANCHE, est cette gelée, ou plutôt cet amas de petits glaçons que l’on voit dans l’hiver s’attacher à différens corps, aux arbres, aux herbes, aux cheveux. Nous confondons ici givre & gelée blanche, parce que c’est essentiellement la même chose, quoique communément on les distingue entr’elles, & qu’on donne le nom de gelée blanche à celle qui est produite seulement par la rosée réduite en glace, tandis que le givre paroît plus particulièrement dû à toutes les vapeurs aqueuses qui flottent dans l’air, & qui, surprises par le froid, se congèlent sur tous es corps où elles s’attachent.

Pour produire du givre il ne faut que deux choses, une humidité abondante & du froid. Cette humidité est due non-seulement aux brouillards, mais encore aux particules aqueuses qui s’élèvent de la terre & y retombent sous le nom de Rosée, (voyez ce mot) mais encore à celles qui doivent leur naissance à la transpiration des animaux & même des végétaux. De-là viennent tous les phénomènes du givre. On le voit recouvrir de glaçons quelquefois très-considérables par la longueur, les branches des arbres & les tiges des plantes, qu’ils fatiguent beaucoup de leur poids, les cheveux des hommes, le poil des animaux, surtout ceux dont les bœufs & les chevaux ont les naseaux garnis ; l’humidité de la respiration s’attacha à ces poils, & tout d’un coup saisie par le froid, elle se convertit en glace.

Il y a encore deux espèces de givres, dont l’explication est assez facile à comprendre : 1°. le givre ou espèce de neige qui tapisse les murailles après de longues & fortes gelées ; 2°. ces réseaux de glace qui recouvrent quelquefois les vitres des fenêtres. Le premier a lieu parce qu’en général les corps solides & denses s’échauffant moins promptement que l’air, les murailles conservent plus long-temps le froid qu’elles ont acquis ; si ce froid va jusqu’au terme de la glace, toute l’humidité qui s’attache à leurs parois, sera nécessairement convertie en glace ; cette glace est rare, spongieuse comme de la neige, parce que l’humidité ne forme que des gouttes isolées sur le mur, & non pas une surface continue. Par rapport au givre des vitres, voici comme il est produit. Pendant la gelée l’air de la chambre est beaucoup plus chaud que l’air extérieur : si elle est habitée, cet air échauffé dissoudra & tiendra en suspens une certaine quantité d’humidité ; tant qu’il conservera le même degré de chaleur, cette humidité ne se déposera & ne s’attachera à aucun corps ; dans la nuit cet air se refroidit, soit parce que la chambre n’est pas habitée, soit parce qu’on n’y fait point de feu ; alors il ne sera plus en état de tenir en dissolution cette quantité d’humidité : elle se déposera sur tous les corps qu’elle rencontrera ; toute celle qui s’attachera aux vitres, trouvant un corps froid, & d’autant plus froid que l’air extérieur le sera davantage, elle s’y congèlera subitement. Aussi remarque-t-on que dans un appartement sec, qui n’est point habité dans l’hiver, ne se trouve point de givre sur les fenêtres.

En général, le givre ne fait pas de grands maux aux plantes & aux arbres, à moins que le temps humide ne dure depuis long-temps, & que l’humidité n’ait pénétré l’épiderme & même l’écorce ; alors il fait des ravages, parce que cette humidité se convertissant en glaçons, soulève, écarte & déchire les petites cellules où elle étoit renfermée. (Voyez Froid, Gelée). M. M.