Cours d’agriculture (Rozier)/ÉLANCER, S’ÉLANCER
ÉLANCER, S’ÉLANCER. Lorsqu’un arbre a été trop élagué par le bas, (voyez ce mot) sa tige s’élance, monte, & reste toujours maigre & fluette, de manière qu’il ne se trouve aucune proportion entre sa grosseur & sa hauteur : cet arbre sera toujours languissant.
Quelquefois la sève s’élance au sommet de la tige, & laisse le bas sans nourriture ; quelquefois elle s’élance dans une branche particulière, & abandonne les voisines ; quelquefois enfin, elle se porte toute ou presque toute à droite ou à gauche d’un espalier, d’un arbre en buisson, &c. le reste devient rachitique. Dans le premier cas, c’est toujours la faute de l’élagueur, parce que, ainsi qu’il a été dit, il a sottement supprimé les bourgeons du bas ; dans le second, le simple coup-d’œil prouvera que la branche qui s’élance, part de la ligne perpendiculaire ; au lieu que si elle avoit pris naissance sur une mère branche inclinée vers l’angle de quarante-cinq degrés, la sève ne seroit pas montée avec une fougue pareille. Dès qu’on s’en apperçoit, il faut aussitôt coucher cette branche & la tirer, autant que faire se peut, vers la ligne horizontale ; ce moyen bien simple modérera l’impétuosité de la sève. Alors la sève gênée dans son cours par la pression des canaux, & par leur moins grand diamètre, est obligée de refluer dans les branches voisines. Cette branche ainsi couchée sera peut-être désagréable à la vue pendant toute la saison ; mais il vaut mieux qu’elle soit ainsi, que de perdre l’arbre en entier. À la chute des feuilles, on verra si on doit la supprimer ou la conserver lors de la taille. Les jardiniers peu instruits cherchent moins de façon ; la branche leur déplaît, eh bien, ils la suppriment, la coupent impitoyablement. Il résulte de cette mauvaise opération, que l’arbre souffre dans toutes ses parties, jusqu’à ce que la sève se soit distribuée dans les autres branches ; & comme elle afflue en grande abondance vers l’endroit coupé, les bourgeons sans nombre ne tarderont pas à pousser, & ils appauvriront les branches qu’on vouloit enrichir. Si ces bourgeons ne poussent pas, à coup sûr il se forme un chancre dans cette partie, ou un amas prodigieux de gomme, si l’amputation est faite sur un arbre à noyau. Règle générale, l’inclinaison des branches modère le cours de la sève, & les bourgeons sagement ménagés au bas & le long de la tige, lui donnent la facilité de prendre consistance & de ne pas s’élancer.