Cours d’agriculture (Rozier)/ÉLECTRICITÉ

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 172-191).


ÉLECTRICITÉ, Physiq. Œcon. Anim. & Végétale. Plus les connoissances humaines s’étendent, plus l’étude de la nature s’approfondit, & plus aussi l’homme retire d’avantages de ses travaux. Une étincelle, une foible lueur, une simple clarté peut devenir la cause & la source d’une grande lumière, qui distribue l’éclat & la vie de tous côtés. Qui jamais auroit cru que cette puissance, par laquelle les corps légers étoient attirés par un morceau d’ambre, pût être un jour reconnue pour un des grands principes que la nature met en action pour animer, entretenir & soutenir ses ouvrages ? Quelle chaîne immense il y a entre cette attraction & ces foudres terribles qui menacent l’univers entier d’une destruction prochaine ; entre ces mêmes météores effrayans & ce principe doux & tranquille, qui, s’insinuant à travers tous les corps animés, fait circuler plus librement tous les fluides, & avec eux la vie & la santé. Les phénomènes les plus opposés, les plus contraires en apparence, doivent ici leur origine à une même cause, l’électricité. Que l’on se peigne ces orages épouvantables, qui répandent de tous côtés l’effroi : un nuage sombre s’élève de l’horizon, étend son voile épais sur l’azur des cieux & dérobe à la terre les rayons d’un soleil bienfaisant. L’obscurité marche avec lui, il porte le ravage & la mort ; la terreur le précède, & la désolation le suit. Son sein s’entrouvre, mille feux étincelans s’en échappent, s’élancent, se précipitent sur la terre. Un bruit sourd & perpétuel gronde dans les airs ; il n’est interrompu que par des éclats déchirans : la foudre est partie, & déjà ces chênes orgueilleux dont la tête altière affrontoit les tempêtes, sont réduits en poussière ; déjà ces superbes édifices qui sembloient défier la main du temps & insulter sa faux tranchante, deviennent la proie des flammes dévorantes. Mais ce n’est pas encore assez que le ciel en courroux lance de toutes parts ses foudres vengeresses ; la terre sert encore sa colère, elle répond à sa voix, & vomit des feux qui vont à leur tour embraser les airs.

Détournons nos regards de ces scènes d’horreur. Quel est ce malheureux paralytique ? Couché sur le lit de douleur, les membres engourdis refusent de le servir ; plus de circulation, plus de fluide bienfaisant ne distribue le mouvement dans ses bras & ses jambes desséchés. Il est presque mort ; la moitié de son existence est descendue au tombeau. Mais quoi ! je le vois sourire, déjà un rayon d’espoir anime son visage altéré, un principe vivifiant circule dans ses veines ; ses membres s’agitent, ses forces reviennent, le mouvement s’établit, il revit tout entier, & le premier usage qu’il fait de cette nouvelle vie, c’est d’élever ses bras, qui peu d’instans auparavant étoient morts, vers l’être bienfaisant qui lui a rendu l’existence.

L’orage à la fin se dissipe, les arbres & les plantes, abattus sous le poids de la tempête, penchent tristement la tête vers la terre, L’état de souffrance où ils ont été, les conduiroit nécessairement vers le dépérissement, si ce même principe qui a semé l’épouvante, plus atténué & plus divisé, ne venoit pas leur rendre la santé & la force. Les nuages s’évanouissent, le bel azur reparoît, le soleil rend à la terre la joie & la sérénité, les gouttes de pluie qui humectent les branches & les feuilles s’évaporent ; mais le principe dont cette eau est imprégnée, s’insinue à travers les pores de la plante, & circule avec tous les fluides. Les plantes se redressent, reprennent de la vigueur, & ce rétablissement s’annonce par une nouvelle vivacité de couleur.

Est-ce donc le même principe qui produit tour à tour la mort & la vie ? sans doute, & déjà mieux connu, il n’est plus à craindre. Ô homme ! Sois fier de l’être, il est un philosophe, ton semblable, qui t’a appris à ne le plus redouter, à enchaîner, à maîtriser, à guider même ce ministre de la mort. Francklin ! ton nom sera béni par la postérité : il vivra autant de temps que la reconnoissance sera une jouissance pour les âmes sensibles, & que le nom de liberté remplira d’enthousiasme les cœurs fiers & généreux !

Il est donc bien intéressant de nous occuper de l’électricité, puisqu’elle a tant d’influence sur tous les êtres vivans & animés. Cherchons à bien connoître sa nature, ses principaux phénomènes, nous pourrons suivre beaucoup plus exactement son action & son influence sur toute la nature.

Plan du travail sur l’Électricité.
Section Première. Électricité artificielle, ou considérée physiquement.
§. I. Définition de l’Électricité.
§. II. Précis historique des découvertes sur l’Électricité.
§. III. Manière d’électriser.
§. IV. Principaux Phénomènes électriques ; attraction & répulsion ; communication & propagation ; étincelles & aigrettes ; commotion.
Sect. II. Électricité naturelle ; identité de l’Électricité naturelle, & de l’Électricité artificielle.
Sect. III. Électricité atmosphérique.
Sect. IV. Électricité considérée par rapport à l’économie animale.
§. I. Électricité animale.
§. II. Ses causes internes.
§. III. Ses causes externes.
§. IV. Électricité animale positive ; maladies qui en dépendent.
§. V. Électricité négative ; maladies qui en dépendent.
Sect. V. Électricité regardée comme remède.
Sect. VI. Électricité considérée par rapport à l’économie végétale.

Section Première.

Électricité artificielle, ou considérée physiquement.

§. I. Définition de l’Électricité.

L’électricité est un fluide répandu généralement dans tous ses corps ; tant qu’il y est en équilibre & dans un état d’inertie, on ne s’aperçoit point extérieurement de son existence ; mais, dès que cet équilibre est rompu, & qu’on augmente ou qu’on diminue sa quantité, alors sa présence devient sensible par quantité de phénomènes, dont le premier & le principal est l’attraction & la répulsion des corps légers.

§. II. Précis historique des découvertes sur l’Électricité.

Cette propriété de l’électricité a été reconnue très-anciennement, & l’on n’ignoroit pas que l’ambre jaune ou succin en étoit particulièrement doué. Il paroît que ce fut Thalès qui, cinq cents ans avant J. C, fit le premier cette observation ; Théophraste après lui, ainsi que Pline, Strabon, Dioscoride & Plutarque, parlent de ce phénomène, qu’on avoit encore découvert dans plusieurs autres substances, entr’autres dans le jayet. Cependant, comme il paroissoit que l’ambre jaune, électron en grec, jouissoit de la vertu d’attirer les corps légers plus énergiquement, on le désigna sous le nom d’électrum, d’où vient le mot d’électricité. Il en fut de cette découverte comme d’une infinité d’autres, on la négligea & on n’en tira aucun avantage ; & quoique la nature renouvelât tous les jours les phénomènes qui en dépendoient, il s’écoula plus de deux mille ans avant qu’on songeât à s’en occuper & à chercher s’il n’existoit pas quelqu’autre corps dans la nature qui fût doué d’électricité. Ce fut Gilbert, médecin Anglois, qui, sur la fin du dernier siècle, s’occupa de cet objet, & reconnut la vertu électrique dans un très-grand nombre de corps. Bientôt après, les travaux des Gassendi, Otto de Guericke, Boile, Hauxbée, Gray & Dufay, firent faire à l’électricité des progrès très rapides. On inventa alors plusieurs moyens ingénieux pour rendre cette vertu sensible ; le frottement fut la base de tous. Mais en même temps que l’on imaginoit de frotter les corps dans lesquels on vouloit développer la vertu électrique, on s’aperçut que certains corps se refusoient à ce procédé, tandis qu’ils n’électrisaient très-bien par communication. De-là, on divisa tous les corps électrisables entre corps qui n’électrisent par frottement, ou idio-électriques & corps qui n’électrisent par communication, ou an-électriques.

Le fluide électrique étant un fluide naturel & universellement répandu dans tous les corps, il étoit assez dans l’ordre des loix de la nature qu’il se trouvât accumulé naturellement dans de grands réservoirs ou dans des endroits isolés où on pourroit le reconnoître facilement. La terre & mieux encore la lumière qui occupe tout l’espace, & qui pénètre tous les corps, paroît être le grand réservoir ; & quelques animaux en sont tellement imprégnés, qu’ils offrent des signes évidens d’une électricité permanente & naturelle.

Il ne faut pas croire cependant, que nous distinguions ici deux électricités, la naturelle & l’artificielle. Il n’y a qu’un seul fluide électrique, qui est par tout & en tout, & qui donne plus ou moins de marques de sa présence, lorsqu’il est plus ou moins accumulé ou en action dans les corps.

Le premier phénomène électrique que l’on découvrit, fut donc l’attraction, ou cette propriété par laquelle un corps électrisé en attire un autre ; mais nous verrons plus bas qu’un corps non électrisé qui se porte vers un corps électrisé ou qui le touche, le devient lui-même, & qu’alors il en est repoussé ; la répulsion ne tarda pas à être observée, & ce fut Oto de Guericke qui découvrit le premier ce phénomène. Ce fut encore ce savant qui s’aperçut le premier que la vertu électrique se transmettoit d’un corps idio-électrique à d’autres corps, en les approchant seulement d’un corps électrisé, sans qu’il fût besoin de les frotter. Il vit même avec surprise, que cette vertu pouvoit se transmettre, par le moyen d’une corde, à une certaine distance. Les physiciens nommèrent ce phénomène la communication & la propagation du fluide électrique.

En poussant ses recherches encore beaucoup plus loin, M. Gray s’apperçut que l’électricité non-seulement répandoit de la lumière, mais encore qu’elle produisoit une étincelle bruyante & piquante, qui, entre les mains de M. Ludolf, académicien de Berlin, parvint à enflammer différentes liqueurs inflammables : on observa ensuite les aigrettes & les points lumineux.

Dans ces circonstances, Mussenbroeck, Professeur de physique expérimentale à Leyde, ayant électrisé une masse d’eau considérable, par le moyen d’une chaîne qui descendoit dans un vase qu’il tenoit à la main ; & ayant voulu tirer ensuite une étincelle de la chaîne, avec l’autre main, se sentit si rudement frappé sur les deux bras & la poitrine, qu’il avoue dans la lettre à M. de Reaumur, où il lui fait le détail de cette expérience, qu’il ne voudroit pas la répéter pour la couronne de France. Ce phénomène nouveau fut désigné sous le nom de commotion électrique, & son explication a donné lieu au développement de la belle théorie sur l’électricité du Docteur Francklin.

Enfin, M. Francklin à Philadelphie, démontra l’analogie qui existe entre le tonnerre & l’électricité, & le pouvoir que les pointes ont de soutirer & de dissiper l’un & l’autre.

§. III. Maniere d’électriser.

Il y a deux moyens d’électriser un corps, ou en le frottant plus ou moins, ou en Rapprochant, ou, pour mieux dire, en le plongeant dans la sphère d’activité d’un autre corps déjà électrisé. Nous avons déjà observé que l’on distinguoit deux espèces de corps électriques, les uns par le frottement, les autres par communication. Il paroît que toutes les substances vitrifiées & vitrifiables, les résines, les sels, les végétaux desséchés, quantité de parties animales, la soie sur-tout, la laine, les plumes, les cheveux sont de la première classe ; & dans la seconde, on doit ranger tous les métaux, plusieurs minéraux, & toutes les substances qui sont trop molles pour être frottées. Cependant, d’après la belle découverte du célèbre Physicien de Vienne, le père Herbert, confirmée par de nouvelles expériences de M. Hemmer, Professeur de Physique à Manheim, il est constant que les corps an-électriques, ou électriques par communication, le deviennent aussi par frottement, ou du moins, par ce procédé, deviennent également susceptibles de produire des phénomènes électriques.

On a imaginé divers moyens, & construit différentes machines pour développer la vertu électrique dans les corps. On se servit d’abord d’un globe de soufre, ou d’un simple tube de verre que l’on frottoit avec les mains ; on y substitua ensuite un globe de verre que l’on faisoit tourner sur deux pivots, par le moyen d’une grande roue, & que l’on frottoit avec les mains ou avec un coussinet. L’électricité qui S’en échappoit étoit portée par une chaîne à de gros cylindres de métal, que l’on a depuis nommé conducteurs. Les globes s’étant brisés plusieurs fois, on les a abandonnés pour employer à leur place un plateau de verre, que l’on fait tourner entre des coussinets. Au-devant du plateau est un cylindre de métal à deux branches ; les extrémités de ces deux branches sont garnies de pointes, & s’approchent très-près du plateau ; ces pointes soutirent l’électricité du plateau de verre, qui fait ici l’office du globe. Ce cylindre à deux branches ou premier conducteur, est isolé sur un tube de verre, & peut communiquer avec d’autres grands cylindres de métal, par des chaînes ou des tiges de métal. Telle est, en peu de mots, la description de la machine électrique la plus en usage actuellement.

Quand on veut électriser un corps an-électrique, il faut le disposer de manière que l’électricité qu’on accumule ne puisse s’en échapper, car ces corps doivent être considérés comme remplis de pores, que l’électricité traverse facilement pour se porter aux corps voisins. Les corps qui n’électrisent par frottement, ne transmettent point, ou presque point par communication, la vertu qu’ils acquièrent. On conçoit, d’après cette dernière observation, que pour communiquer l’électricité à un corps an-électrique, & l’empêcher de s’extravaser, il ne faut que l’isoler, c’est-à-dire, le placer sur un autre corps susceptible d’être électrisé par frottement, ou le suspendre à un corps de cette dernière espèce. Les façons d’isoler, les plus ordinaires, sont d’élever le corps sur un guéridon de verre, sur des plateaux de résine, sur un tabouret soutenu par quatre piliers de verre, ou enfin de le suspendre avec des cordons ou des rubans de soie.

§. IV. Principaux Phénomènes électriques.

1. Attraction & répulsion. Les attractions & les répulsions découvertes par Otto de Guericke, devinrent plus célèbres entre les mains des Physiciens qui répétèrent ces expériences ; on les a variées à l’infini : nous n’en citerons qu’une. Frottez avec la main, ou avec un papier, un tube de verre, vous l’électriserez. Laissez alors tomber dessus une petite feuille de métal, la feuille sera attirée par le tube, elle s’y précipitera ; mais bientôt elle en sera repoussée, & ne reviendra vers le tube qu’après qu’elle aura touché un autre corps qui ne sera pas électrisé ; elle sera alors attirée & repoussée de nouveau par le tube : avec un peu d’adresse, on peut faire promener cette petite feuille tout autour de la chambre.

Pour entendre ce phénomène, il faut se ressouvenir que l’électricité est un fluide répandu dans tous les corps, & qui suit les loix de tous les fluides, par conséquent, cherchant sans cesse à se remettre en équilibre, & que ce fluide, comme nous le verrons plus bas, a beaucoup d’analogie avec le feu & la lumière. Cela posé, quand on surcharge un corps d’une quantité d’électricité, cette surabondance cherche à s’en échapper par tous les points de sa surface, comme une liqueur que l’on verse dans un vase, & qui se répand par-dessus les bords. L’électricité s’échappe par des rayons divergens du centre à la circonférence, mais en même temps il se fait une raréfaction autour du corps électrisé. Un corps léger, qui ne l’est pas, plongé dans cette atmosphère de raréfaction, est porté au centre vers le corps électrisé, par le poids de l’air extérieur. Dès qu’il l’a touché, il s’électrise lui-même & acquiert une surabondance d’électricité qui cherche à son tour à s’échapper de ce corps par des rayons divergens du centre à la circonférence. Il repousse donc le corps électrisé, & il en est lui-même repoussé, tant qu’il a une surabondance d’électricité, qu’il est électrisé en plus. S’il vient à toucher un corps qui ne le soit pas du tout, il lui communique sa surabondance d’électricité, & il n’a plus que la quantité première. Dès ce moment, il peut obéir à l’impulsion de l’air, lorsqu’il est plongé dans l’atmosphère raréfiée du premier corps électrisé.

C’est à la vivacité avec laquelle l’électricité s’échappe d’un corps électrisé, qu’il faut attribuer sa propriété de hâter la circulation des fluides, & l’écoulement des liqueurs.

Nous verrons souvent ces deux principes, la raréfaction environnant le corps électrisé en plus, & l’échappement du fluide électrique du centre à la circonférence, servir de base à presque tous les phénomènes que l’électricité nous offrira dans les règnes animal & végétal.

2. Communication & propagation. Si l’électricité est un fluide qui cherche perpétuellement à se mettre en équilibre, & qui passe dans tous les corps qui l’environnent, il n’est pas étonnant qu’elle puisse parvenir à une très-grande distance, par le moyen d’un ou de plusieurs corps intermédiaires. M. Lemonier est parvenu à la porter à la distance de près de deux mille toises ; & le temps qu’il fallut pour les parcourir, fut presque indiscernable. On peut croire que la propagation du fluide électrique ne reconnoît point de bornes, & qu’elle se fait avec une telle rapidité, qu’il n’est pas possible d’assigner l’espace qu’il peut parcourir dans un temps donné.

3. Étincelles, aigrettes & points lumineux. Quand il se trouve une certaine distance entre un corps électrisé & un autre qui ne l’est pas, le fluide électrique passe de l’un à l’autre par une espèce de saut, & il se décèle par une étincelle ; cette étincelle est accompagnée d’un petit bruit ou craquement, & produit une sensation semblable à celle d’une piqûre. Dans l’obscurité, une étincelle paroît comme un petit trait de flamme. Pour répéter cette expérience d’une manière sensible, qu’une personne monte sur un tabouret à isoler, & qu’on l’électrise en la faisant toucher au conducteur ; alors, si une personne non électrisée & non isolée présente l’un de ses doigts à quelque partie que ce soit du corps de la première, on entendra un petit pétillement, & on verra partir une étincelle lumineuse entre le doigt qui touchera la partie qui sera touchée. Le même effet aura lieu si c’est la personne électrisée qui touche elle-même celle qui ne l’est pas. Dans l’un & dans l’autre cas, les deux personnes éprouvent le sentiment de douleur. Tout ce qu’une personne isolée tient à la main, ou porte sur elle, & qui est susceptible de recevoir la vertu électrique par communication, s’électrise avec elle.

Les corps ne sont susceptibles que d’une certaine quantité d’électricité ; dès qu’ils en sont, pour ainsi dire, saturés, la matière surabondante s’échappe & se dissipe d’elle-même aux angles & extrémités de ces corps, sous la forme d’aigrettes lumineuses ; ces aigrettes représentent assez bien des cônes de lumière, formés de plusieurs rayons divergens, qui tiennent par la pointe à l’extrémité du corps. Lorsque le corps est terminé en pointe très-fine, au lieu d’une aigrette, l’on n’a plus qu’un point lumineux ; mais ces aigrettes ne sont que la matière électrique surabondante ; car si vous en approchez le doigt, l’aigrette se change bientôt en étincelle.

Ces étincelles, ces aigrettes ne sont pas seulement une lumière phosphorique, qui éclaire sans brûler ; mais c’est un vrai feu capable d’embraser les corps ; on parvient, par le moyen d’une étincelle, à enflammer non-seulement de l’esprit de vin & du camphre, mais même de la poudre à canon & quelques résines ; on peut aussi rallumer le lumignon d’une chandelle qui fume encore.

4. Commotions ou expériences de la bouteille de Leyde. Nous avons vu plus haut comment le hasard procura à M. Muschembroeck la découverte de la commotion électrique : quelque terrible que ce professeur la dépeignît dans le temps, on peut répéter cette expérience de façon à ne pas même incommoder. On met de l’eau ou du menu plomb dans une bouteille de verre, environ les deux tiers ; on la bouche ensuite avec un bouchon de liège, à travers lequel passe un fil de fer recourbé ; ce fil plonge par une de ses extrémités dans l’eau ou le plomb ; l’extrémité qui est hors de la bouteille, est terminée ordinairement par un petit bouton de métal ; on approche ce bouton avec un conducteur qu’on électrise. La matière électrique passe du conducteur dans l’intérieur de la bouteille par le fil de métal ; on la sépare ensuite du conducteur, & en la tenant d’une main, on touche de l’autre le bouton. L’étincelle éclate, & on éprouve alors une commotion plus ou moins forte, suivant que la bouteille est plus ou moins chargée. Cette expérience réussit pareillement, que ce soit une seule personne ou bien deux, trois, deux cens, trois cens personnes, &c. qui la font, si elles se tiennent par la main. Que la première tienne la bouteille, & la dernière touche le bouton, l’électricité passe à travers toutes les personnes de la chaîne, & chacune éprouve en même temps la commotion. Elle se fait sentir ordinairement sur les deux bras & à la poitrine. Cette commotion peut être si violente, qu’elle tue de petits animaux.

On a donné plusieurs explications de ce phénomène ; mais la plus satisfaisante, sans contredit, est celle de M. Francklin. Il suppose, & tout paroît le démontrer, que tous les corps contiennent une quantité d’électricité qui leur est propre, laquelle peut augmenter ou diminuer. Lorsqu’un corps en contient plus que sa quantité naturelle, cet excès se décèle par une atmosphère électrique qui se forme autour de lui, & c’est cet état que ce célèbre Physicien nomme électricité positive, ou en plus. Par la raison contraire, il appelle électricité négative, ou en moins, l’état d’un corps qui contient moins que sa quantité naturelle d’électricité. Dans ce système, la bouteille de verre contient une certaine quantité d’électricité répartie sur les deux surfaces ; mais la surface intérieure ne peut s’en charger d’une surabondance, que l’extérieure ne s’en dépouille d’une quantité proportionnelle, afin que la même quantité se retrouve toujours ; la surface intérieure est électrisée positivement ou en plus, & l’extérieure, négativement ou en moins ; mais elle tend continuellement à se dessaisir de la quantité d’électricité qu’elle a acquise, & l’autre tend pareillement à reprendre celle qu’elle a perdue : ce qui s’exécute sur le champ, si on établit une communication entre les deux surfaces de la bouteille, comme il arrive lorsque quelqu’un tenant à la main le ventre de la bouteille, il touche de l’autre main le crochet qui plonge dans l’eau contenue dans la bouteille. L’effet & la violence de la commotion dépendent de la quantité d’électricité, & de la promptitude avec laquelle elle se porte d’un endroit à un autre. Si c’étoit par un corps continu, il n’y auroit point d’étincelle, & elle ne paroît qu’aux intervalles qui se rencontrent dans le corps qui sert de communication aux deux surfaces. Comme le corps humain est composé d’une infinité de parties placées les unes à côté ou au bout des autres, la ligne qui passe par les deux bras & la poitrine, & que suit l’électricité dans cette expérience, est souvent interrompue, comme au poignet, au coude, à la jonction du bras avec le tronc, à la partie antérieure de la poitrine ; à chaque interruption, il y a une étincelle, & c’est cette étincelle qui produit la commotion & la douleur.

5. Pointes, & leur pouvoir pour soutirer l’électricité. Si le fluide électrique surabondant se dissipe d’un corps par tous ses angles, pareillement les corps pointus ont le pouvoir de soutirer l’électricité avec beaucoup plus d’énergie, & de plus loin qu’un corps rond. Cette observation, due à M. Francklin, a donné naissance aux plus belles découvertes que l’homme ait pu faire, puisqu’elles l’ont rendu maître, pour ainsi dire, du tonnerre. Ce physicien immortel s’étoit apperçu qu’il se formoit une atmosphère électrique autour des corps, & que cette atmosphère s’étendoit plus loin aux angles des corps que par-tout ailleurs, ce qui lui fit imaginer que les pointes pouvoient soutirer de plus loin & plus efficacement la matière électrique, que tout autre corps rond ou mousse. L’expérience le démontra bientôt ; car il est de fait que les pointes soutirent la matière électrique de beaucoup plus loin que tout autre corps, & qu’on peut électriser, à une très-grande distance, une personne isolée qui, tenant une pointe à la main, la présente au conducteur. Il est encore de fait qu’une pointe approchée à une certaine distance du conducteur, affoiblit considérablement sa vertu électrique ; & qu’elle le décharge presqu’entièrement de l’électricité que le globe ou le plateau lui fournissoient. Les pointes, dans ces expériences, opèrent sans bruit & sans éclat ; seulement dans l’obscurité on apperçoit à l’extrémité de la pointe un petit point lumineux. C’est le contraire des corps mousses qui agissent avec fracas, & qui tirent des étincelles d’autant plus violentes, que le corps est plus mousse. Cette propriété des pointes a été employée très-avantageusement pour soutirer le tonnerre des nuages, & en défendre les grands édifices, comme nous le verrons plus bas.

Tels sont, en général, les principaux phénomènes que l’électricité artificielle offre aux yeux de l’observateur physicien, & dont l’explication n’est pas toujours aussi facile qu’elle le paroît d’abord, mais dont la connoissance est absolument nécessaire pour bien entendre tout ce que nous allons dire, & sur l’électricité naturelle, & sur son influence dans l’économie animale & végétale. Nous en avons passé sous silence un très-grand nombre, aussi curieux sans doute, mais moins intéressans pour le sujet que nous traitons. On peut consulter, si on veut les connoître, l’excellent Ouvrage de M. Sigaud de Lafond, intitule : Précis historique & expérimental des phénomènes électriques.

Section II.

De l’Électricité naturelle.

Identité de l’électricité naturelle & de l’électricité artificielle. Il eût été, sans doute, beaucoup plus dans l’ordre de donner les détails des phénomènes que présente l’électricité naturelle ; mais qu’on y fasse bien attention, l’électricité qui se développe avec nos machines, n’est nullement différente de celle de l’atmosphère & de celle qui circule dans toute la nature. C’est elle qui réside dans les pores du tube, du globe ou du plateau de verre que nous frottons ; c’est elle qui existe dans tous les corps idio-électriques, comme c’est elle encore qui est enchaînée, pour ainsi dire, dans les corps an-électriques, & qui attend l’approche d’un corps électrisé, pour donner des signes de son existence. Mêmes phénomènes, même action, mêmes effets, par conséquent mêmes principes ; disons plus : dès l’instant que vous isolez absolument un corps quelconque que vous électrisez, du grand réservoir commun électrique, que nous supposons être la terre, ce corps, une fois dépouillé de son électricité naturelle, ne s’électrise plus. Pour sentir davantage cette vérité, nous ne pouvons mieux faire que de comparer nos petites électricités développées artificiellement, à une portion de fluide renfermée dans une éponge, que l’on auroit plongée dans un grand réservoir. L’eau renfermée dans l’éponge, est absolument de même nature que celle du réservoir. Si vous pressez un bout de l’éponge, tandis que l’autre trempe encore dans l’eau, elle perdra, à la vérité, une portion de l’eau, mais elle en recouvrera une équivalente en même temps ; ainsi, un corps que nous électrisons par frottement, tant qu’il communique à la terre médiatement ou immédiatement, perd une partie de son électricité, en même temps qu’il en reprend une nouvelle de la terre. Si, au contraire, on sépare l’éponge entièrement du réservoir, & qu’on la comprime fortement, toute l’eau qui étoit dans ses pores s’échappe, & l’éponge reste sèche ; de même le corps électrisé & isolé s’épuise bientôt, & finit par ne plus donner de signes d’électricité, tant qu’il n’a plus de communication avec le réservoir commun.

Si nous ne considérons que l’électricité en équilibre dans l’air, dans les nuages, dans la terre, il est certain que nous ne soupçonnerons pas son existence ; mais si nous faisons attention à ces instans, où l’équilibre détruit, l’électricité naturelle s’accumule sur certains objets, comme dans les brouillards, la pluie, & plus encore dans les nuées qui portent dans leur sein les éclairs & le tonnerre, nous la verrons bientôt produire absolument les mêmes effets. L’industrie des physiciens est venu à bout de la soutirer dans ces circonstances, de la faire descendre des cieux, & de l’obtenir dans leur cabinet, & sous leurs yeux, par le moyen de divers appareils. Avec elle, il n’est aucun des phénomènes artificiels qu’ils ne puissent obtenir, attraction, répulsion, commotion ; &c. s’il y a quelque différence, c’est du plus au moins, du grand au petit : l’électricité atmosphérique est toujours plus énergique. On en sera aisément convaincu si l’on réfléchit sur les effets du tonnerre.

Section III.

Électricité Atmosphérique.

On ne peut plus révoquer en doute, que l’air & par conséquent l’atmosphère ne soient imprégnés du fluide électrique, à peu près comme l’eau est imprégnée d’une matière qu’elle tient en dissolution ; mille expériences le démontrent tous les jours. Si l’on fait attention qu’il paroît assez vraisemblable que l’électricité n’est peut-être qu’une modification de la lumière, que la lumière remplit tout l’espace & ne l’abandonne jamais, (car pour que la lumière existe, il n’est pas nécessaire qu’elle soit lumineuse) on concevra comment l’atmosphère est toujours électrique, quoi qu’elle n’en donne pas toujours des signes apparens. Ce fluide invisible, lorsqu’il est tranquille, existe, & son action, pour se passer en silence, n’en est pas moins un des agens les plus puissans de la nature. Dans ces beaux jours même où un ciel pur laisse briller le soleil dans tout son éclat, où aucun nuage ne détourne ou ne dissipe ses rayons, le fluide électrique annonce sa présence. M. le Monier, pendant six semaines de l’automne de 1752, où le soleil ne fut éclipsé par aucun nuage, fit une suite d’observations sur l’électricité de l’atmosphère ; & durant ces jours sereins, il ne cessa d’apercevoir des signes d’électricité, foible à la vérité, car elle n’a une grande énergie que lorsqu’elle se trouve accumulée. Cet illustre académicien étoit même tellement persuadé que l’atmosphère étoit une source inépuisable de ce fluide, qu’il la regardoit, suivant son expression, comme le vrai magasin de l’électricité.

Si le fluide électrique est, pour ainsi dire, inséparable de l’air atmosphérique, on doit d’avance en conclure que tous les météores qui ont lieu dans son étendue, y participent plus ou moins, & que quelques-uns en dépendent absolument. Les nuages, les brouillards, la pluie, la grêle, le tonnerre, sont ou accompagnés ou produits par son action, comme on peut le voir à chacun de ces articles. Les êtres vivans qui tirent une partie de leur existence du milieu dans lequel ils sont placés, participent & en sont plus ou moins affectés ; ainsi, les animaux & les végétaux qui sont perpétuellement environnés par l’atmosphère, doivent nécessairement en éprouver une influence directe ; ses différens états, ses vicissitudes, son passage subit du froid au chaud, du sec à l’humide, du plus ou moins d’électricité, agissent immédiatement sur des individus qui l’absorbent par tous les pores. L’électricité atmosphérique a donc une action directe sur l’économie animale & végétale. De plus, chaque substance est imprégnée d’une certaine quantité de fluide électrique, les êtres vivans encore plus que les morts ; car le fluide électrique est peut-être un des principes vivifiants des premiers ; en qualité de fluide il en suit les loix, soit par rapport à l’équilibre, soit par rapport à la pression & réaction. Pour mieux comprendre ceci, qu’on lise ce que nous avons dit au mot Air, (voyez ce mot) sur ce fluide renfermé dans la poitrine, & dans toutes les Capacités de l’animal, sur sa réaction contre la pression de l’air atmosphérique, sur sa dilatation & sa condensation en raison du froid ou du chaud de l’air extérieur, &c. &c. Il en est de même par rapport au fluide électrique intérieur du corps, il est également sensible aux vicissitudes du fluide électrique extérieur.

Je pense que le grand réservoir de l’électricité, est l’air ou l’atmosphère dans lesquels il est toujours en équilibre. Tant que ce fluide est dans cet état, aucun effet n’annonce sa présence, comme nous l’avons remarqué plus haut ; ce n’est que lorsqu’il est surabondant, ou lorsqu’il n’est pas en proportion ou en quantité naturelle, alors il devient sensible. C’est ainsi que les nuages, la pluie, la neige, les brouillards sont électriques, c’est-à-dire surchargés d’électricité. La terre est presque toujours électrisée en plus, parce qu’elle s’imprègne continuellement de la portion fluide que la lumière fournit à l’air & que l’air dépose sur la terre. La terre, à son tour, rend cette portion surabondante à l’homme, aux animaux & aux plantes qui, à leur tour, en consomment une partie, tandis qu’ils rejettent l’autre. Cette circulation perpétuelle que nous allons développer, ne mérite pas moins notre admiration, que celle de l’air fixe & de l’air déphlogistiqué dans la nature. (Voy. Air fixe & Air Déphlogistiqué)

Une question bien intéressante sans doute à résoudre, seroit de savoir si l’atmosphère est également électrique dans tous les pays. Un seul fait jusqu’à présent peut servir de réponse ; mais il est encore bien insuffisant pour la décider entièrement. M. Bajon dans son Histoire de Cayenne, rapporte que la grande humidité de l’atmosphère de ce pays, est très-contraire aux expériences électriques ; « c’est sans doute pour cette raison, ajoute-t-il, que des physiciens qui ont voulu en tenter en différens endroits de la zone torride, n’ont pu parvenir à rassembler ce fluide par les moyens qu’on a coutume d’employer en Europe. » Mais qui ne voit ici que c’est l’humidité qui, faisant l’office de conducteur, dissipe l’électricité de la machine, & que cela ne tient nullement à l’électricité atmosphérique. Il faut beaucoup plus d’observation que nous n’en avons encore sur cet objet, pour compter sur quelque chose de certain, &, lorsque nous voyons l’auteur de l’excellent Ouvrage De l’électricité du corps humain dans l’état de santé & de maladie, M. l’Abbé Bertholon, tirer de la diversité d’électricité des climats, la diversité des caractères nationaux, il nous est permis de n’être de son sentiment, que lorsqu’une masse considérable d’observations aura démontré cette idée ingénieuse. Il est des conséquences qui peuvent être vraies ; mais avant de les adopter, ne doit-on pas préalablement prouver la certitude des principes d’où on les dérive ; & d’un fait particulier, peut-être mal rendu, on ne doit pas se hâter d’en faire un axiome général.

Dans tout ce que nous allons dire sur l’électricité, considérée par rapport à l’économie animale & végétale, nous ne rapporterons que des faits & des observations, & nous n’aurons recours aux analogies, que lorsqu’ils nous y conduiront naturellement.

Voyez au mot Tonnerre, l’explication de ce météore, & de l’instrument inventé pour nous en préserver.

Section IV.

De l’Électricité, considérée par rapport à l’économie animale.

§. I. Électricité animale.

Nous avons vu que tous les corps de la nature étoient plus ou moins imprégnés du fluide électrique. Le corps de l’animal qui a une vie, & dont la vie est entretenue par un mouvement continuel, contient nécessairement une certaine quantité de fluide électrique. Ce fluide est tranquille, tant qu’il est en équilibre avec celui de l’atmosphère ; mais il devient sensible aussitôt qu’il est mis en action. Aussi voyons nous que, dans tous les animaux, on peut développer l’électricité & la rendre apparente ; ils en conservent même une portion après leur mort, jusqu’à ce qu’elle se soit totalement évaporée. C’est ce que M. Dufay avoit observé sur des chats morts, qui, frottés, pétillent sans donner de lumière électrique comme les chats vivans. Il est probable que plus le mouvement intérieur est exalté, plus aussi le fluide électrique est en action, & plus aussi il en donne des signes visibles. De-là vient, peut-être, que certains insectes sont lumineux dans la saison de leurs amours, comme les vers luisans, les vers de terre, certaines mouches, &c. Mais de tous les animaux, ce sont ceux qui sont revêtus de poils qui en donnent les marques les plus abondantes & les plus constantes. Si l’on frotte dans l’obscurité avec la main ou avec de la paille, les bœufs, les vaches, les chevaux, les chats, les lièvres, les lapins, les chiens même, &c. &c. l’on observe presque toujours, surtout dans les temps secs & froids, des traînées de lumière électrique. Non-seulement les quadrupèdes, mais quelques poissons sont pourvus d’électricité dans une proportion singulière, au point même qu’ils sont en état de donner de violentes commotions, lorsqu’on les touche ; telles sont en particulier, la torpille & l’anguille de Surinam. Nous avons vu que les animaux morts donnoient encore des signes d’électricité : tout ce qui leur appartient jouit éminemment de cette propriété ; ainsi, le poil, les cheveux, la laine, la soie, la plume, sont très-électriques.

L’homme, lorsqu’il a été électrisé en plus, soit par l’effet des météores extérieurs, soit par l’action du mouvement intérieur, donne très-souvent des signes d’électricité. Il est beaucoup de personnes, hommes & femmes, qui dans ces circonstances, en quittant leurs vêtemens, comme chemises, habillemens de laine ou de soie qui ont touché immédiatement la peau, donnent des étincelles ou du moins des traces d’une véritable lumière électrique.

Quel est le principe de l’électricité animale ? Cette question n’est point facile à résoudre ; & sans vouloir discuter tous les systèmes que l’on a imaginés sur cet objet, nous nous contenterons de dire ici que plusieurs causes concourent à entretenir l’électricité animale, que nous rangerons sous deux classes ; causes internes & causes externes.

§. II. Causes internes de électricité animale.

On peut reconnoître deux causes internes de l’électricité animale : 1°. la masse d’électricité naturelle donnée à tous les corps ; 2°. le mouvement des fluides du corps & sur-tout la circulation du sang. Tout ce que nous avons déjà dit, suffit pour faire admettre la première cause ; la seconde demande un peu plus de développement. Le corps animal est composé de parties solides & de parties fluides, les unes sont électriques par elles-mêmes ou idio-électriques comme les os, les cartilages & les nerfs ; tandis que les autres sont an-électriques, comme les muscles & les fluides. D’après les explications que nous avons données dans la première section, on sent facilement que le frottement électrisera les premières parties, & que les secondes ne le seront que par communication. Non-seulement le mouvement naturel & intérieur des fluides dans l’intérieur du corps & le frottement de ces mêmes fluides contre les solides & des solides entr’eux, mais encore le mouvement extraordinaire & extérieur, (si je puis me servir de cette expression) occasionné par les mouvemens spontanés de l’animal, réveilleront, pour ainsi dire, le fluide électrique fixé dans la masse totale, & le mettront en action. Cette action est sans cesse entretenue par la circulation perpétuelle du sang qui, parcourant toute l’étendue du corps avec une force & une vélocité extraordinaires, doit frotter avec la plus grande énergie contre les parois intérieures des veines & des artères, & par-là exciter, réparer & entretenir l’électricité animale. L’expérience démontre ce principe ; car, si l’on saigne un homme qui soit fortement électrisé en plus artificiellement, ou qu’une maladie mette dans cet état, son sang est beaucoup plus rouge.

En adoptant ici avec plusieurs savans, que le sang contient une grande quantité de phlogistique, & que c’est lui qui le distribue dans tout le corps, comme le phlogistique n’est peut-être qu’une modification de la lumière, la production de l’électricité animale par la circulation du sang, seroit encore plus naturelle & plus vraisemblable ; puisque dans notre système, nous regardons le fluide électrique comme une modification de la lumière, & qu’il a beaucoup de rapport avec le phlogistique ou le feu.

Tous les grands mouvemens d’où dépend, pour ainsi dire, la vitalité, comme le mécanisme de la respiration, celui de la digestion, le mouvement péristaltique des intestins, & sur-tout celui de la reproduction & de la génération, influent nécessairement plus ou moins sur l’électricité animale. Tous ces premiers mouvemens ne sont, pour ainsi dire, que locaux, bornés dans un espace que la nature leur a prescrit : ce n’est que par communication de proche en proche qu’ils agissent sur toute la masse ; mais le dernier dépend de tout l’animal, & dans ces momens l’animal entier est en action. Aussi l’énergie de l’électricité animale n’est-elle jamais si vive que dans ces momens. Quelques insectes en deviennent lumineux, certains animaux semblent respirer le feu par tous les sens ; leurs yeux deviennent brillans, & il paroît en jaillir des étincelles ; les chats & les chiens sur-tout sont de ce nombre.

À la mort, tous ces mouvemens cessans, le développement du fluide électrique cesse aussi, mais ne cesse qu’insensiblement ; il s’éteint, ou pour mieux dire, il s’évapore comme l’eau qui imbibe un corps ; le corps ne devient sec qu’à mesure que toute l’eau s’est volatilisée. Quelques parties cependant, comme les cheveux, les plumes, les nerfs, en donnent des signes beaucoup plus constamment que les autres parties qui se décomposent par la putréfaction.

§. III. Causes externes de l’électricité animale.

Si le corps de l’animal étoit chargé seul de la production de toute l’électricité qui lui est nécessaire, la somme produite ne seroit pas long-temps à s’épuiser, il ne suffiroit pas à en fournir constamment une nouvelle, & même l’effort qu’il feroit sans cesse pour la développer, finiroit par l’épuiser. Il en seroit de cette action vitale, comme de celle de la transpiration insensible. L’humidité que le corps rejette du centre à la circonférence, se renouvelle sans cesse, soit par l’humidité de l’atmosphère, soit par les parties fluides que l’animal prend dans la nourriture ; mais si, par des circonstances particulières, il ne réparoit pas cette perte, & si les agens extérieurs ne venoient pas en entretenir le foyer, la matière de la transpiration insensible seroit bientôt absolument dissipée, les fluides qui circulent dans la machine, & qui en entretiennent la vie & le jeu, s’altéreroient, se dessécheroient, & l’animal périroit bientôt.

Deux causes extérieures fournissent perpétuellement du fluide électrique à l’animal ; celui qui fait partie de l’atmosphère, & celui qui est combiné dans tous les corps.

L’air que nous aspirons est le véhicule particulier qui introduit le fluide électrique dans la capacité du corps. Cette masse d’air est imprégnée d’électricité ; elle parvient par la respiration dans la poitrine ; une partie passe des bronches dans les vaisseaux sanguins, se mêle avec le sang, circule avec lui dans toutes les parties du corps ; l’autre partie qui reste dans les bronches pendant le temps de l’inspiration, se dépouille de son excès d’électricité, & la communique à toute la poitrine, d’après les loix de la communication ; l’expiration rend cet air à l’atmosphère. Ce mécanisme si simple se renouvelle à chaque instant, & à chaque instant apporte une nouvelle dose de fluide électrique qui entretient ainsi la quantité nécessaire pour l’état de santé. Cependant il peut arriver deux cas particuliers, qu’il faut bien distinguer dans cette opération merveilleuse : ou le corps animal est électrisé en plus, par rapport à l’atmosphère, ou il est électrisé en moins : dans le premier, la masse d’air qui pénètre la poitrine, lui enlève la portion surabondante de l’électricité, par la loi de l’équilibre ; dans le second, au contraire, c’est elle qui se dépouille d’une partie de son électricité en faveur de l’animal. Nous verrons tout à l’heure les effets qui en résultent.

La seconde cause qui fournit du fluide électrique, c’est tous les corps environnans qui se trouvent plus chargés d’électricité ou électrisés en plus que le corps animal. Ce fluide pénètre & s’introduit par le contact & à travers les pores. Mille exemples confirment cette vérité, nous n’en citerons ici qu’un avec M. l’Abbé Bertholon. Les personnes dont la poitrine est délicate, souffrent beaucoup dans les temps où l’air est plus vif & plus chargé de feu électrique ; il est même des contrées où l’air a plus constamment ces qualités, & sur-tout dans les régions plus élevées où l’électricité a conséquemment plus d’énergie ; mais si ces mêmes personnes vont dans les lieux où l’électricité de l’atmosphère est moins forte, elles cessent de ressentir des douleurs de poitrine. Non-seulement le fluide électrique pénètre dans notre corps par le contact immédiat de tout ce qui nous environne, mais les alimens que nous consumons tous les jours, sont encore un des moyens qui lui en fournit le plus abondamment. Sans doute que ces alimens, en se décomposant dans les organes de la digestion, de la chilification & de la sanguification, se dépouillent en même temps de la portion de fluide électrique qu’ils contenoient, à peu près comme de l’air fixe (Voyez ce mot) avec lequel ils étoient combinés.

Tout concourt donc à entretenir, dans le corps de l’animal, une certaine quantité de fluide électrique & à l’entretenir dans un équilibre parfait ; mais qui dit équilibre, dit une chose qui peut se déranger très facilement, & qu’un rien peut faire varier ; par conséquent la quantité de fluide électrique animal peut être ou égale & en équilibre avec celle de l’air ambiant, ou supérieure ou moindre ; il en résultera nécessairement trois situations du corps très intéressantes à connoître, & qui méritent toute l’attention du philosophe & encore plus du médecin.

Tant que les fluides nécessaires à la vie sont en équilibre, & dans la proportion nécessaire réciproquement les uns aux autres, le corps est dans l’état de santé ; par conséquent, lorsque le fluide électrique sera dans la juste proportion, il concourra comme les autres à l’état de santé.

Dès que la proportion cesse, qu’un des fluides est surabondant, il doit nécessairement gêner les autres, & il ne peut être surabondant qu’à leur détriment. Mais alors cette perte d’équilibre entraîne nécessairement & proportionnellement à cette perte, un dérangement dans l’économie animale, & ce dérangement est une maladie plus ou moins marquée. Si donc le fluide électrique devient surabondant, ou que le corps soit électrisé en plus, il s’ensuit un dérangement dans l’économie animale, une vraie maladie.

Réciproquement, dès qu’un des fluides diminue & perd de sa quantité nécessaire, les autres augmentent ou en quantité ou en énergie ; dès lors plus d’accord, plus d’harmonie ; ce dérangement amène une maladie. Si le fluide électrique manque, ou si le corps est électrisé en moins, il est nécessairement dans un état de mal-aise, jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli.

Le premier de ces trois états est un état de santé, qui ne doit pas nous arrêter. Les deux autres méritent un peu plus notre attention.

§. IV. Électricité animale, positive ; bien et mal qui en résultent.

Si le mécanisme animal agissoit toujours également, la quantité de fluide électrique qu’il développeroit seroit toujours la même : si l’atmosphère ne varioit pas dans sa manière d’être, la quantité de fluide électrique qu’il fourniroit seroit toujours en égale proportion ; mais par malheur, les faits & les observations nous démontrent assez que ces deux états ne subsistent pas long-temps, & que notre existence est perpétuellement le jouet, & des météores extérieurs & des résultats des agens intérieurs. M. Mauduit a très-bien observé, que l’humidité est l’état de l’atmosphère le plus propre à attirer le fluide électrique des corps, & à les en dépouiller jusqu’à un certain point. Ainsi toutes les fois que l’atmosphère sera humide & froide, elle pompera, pour ainsi dire, le fluide électrique des corps & surtout des animaux & des hommes, dans lesquels il est toujours en mouvement, elle les en dépouillera ; l’atmosphère deviendra électrique en plus, tandis qu’ils deviendront électriques en moins. Quand elle sera sèche, au contraire, & par conséquent riche en électricité, elle leur en communiquera sa surabondance, ils s’électriseront en plus, tandis qu’elle s’électrisera en moins.

Pour juger de l’électricité positive atmosphérique, portée jusqu’à un certain point sur l’économie animale, nous pouvons raisonner par les phénomènes que présente l’électricité artificielle ; il n’y a de différence que du plus au moins. Les faits vont être ici nos seuls guides.

Si on électrise un homme en le plaçant sur un plateau à isoler, les principaux physiciens ont remarqué que la chaleur animale étoit augmentée considérablement ; cet excès de chaleur dépend, sans doute, du mouvement des liqueurs accéléré dans leurs vaisseaux, de l’oscillation des fibres plus prompte & plus rapide ; cette chaleur devient sensible non-seulement au thermomètre, mais même par des sueurs quelquefois assez abondantes. M. de Thoury a observé qu’un homme électrisé pendant une heure de suite, avoit perdu, par la transpiration sensible & insensible, une livre de son poids. La chaleur & le mouvement peuvent dégénérer en une espèce de fièvre ; & suivant M. Sauvages, dans une forte électrisation l’homme éprouve une véritable fièvre passagère qui se dissipe d’elle-même, soit parce que l’atmosphère ambiant se charge de cet excès d’électricité animale, soit parce que l’on cesse d’en accumuler une nouvelle quantité. L’électricité excite encore des sécrétions abondantes de sérosités, comme la salivation, & l’on électrise rarement des malades, sans que ce phénomène ne soit un des premiers à paroître : quelquefois des diarrhées & même de légères hémorragies en ont été la suite. Si l’on tire du corps de l’homme électrisé, de fortes étincelles, & qu’on les répète souvent, on voit se former à l’endroit d’où partent les étincelles une rougeur, une enflure & une espèce d’érysipèle.

Tous ces phénomènes peuvent être rappelés à deux seuls, celui de l’accélération dans le mouvement des fluides, & celui de l’augmentation dans la chaleur animale. Lorsque le mouvement des fluides est retardé, & que le degré de chaleur animale s’affoiblit, on sent facilement quel bien peut apporter à l’économie animale, l’électricité soit atmosphérique soit artificielle. Mais aussi, de quel mal n’est-elle pas cause lorsqu’elle survient avec excès, quand tout étoit au point nécessaire pour la santé ! Nous voyons tous les jours l’état des malades varier avec celui de l’atmosphère ; n’en cherchons la cause que dans la vicissitude de l’électricité atmosphérique, ou du moins, convenons qu’elle y a la plus grande part. Cette électricité devient-elle plus forte, plus abondante ? tout d’un coup certaines maladies s’exaltent, offrent de nouvelles crises, & deviennent plus dangereuses, tandis que d’autres paroissent s’assoupir & devenir plus bénignes : s’affoiblit-elle, ou devient-elle nulle ? quelques malades s’en trouvent mieux, d’autres plus mal. Dans le premier cas, toutes les maladies qui dépendent d’un excès de fluide électrique animal, empirent, & celles qui dépendent d’un défaut, s’affoiblissent ; c’est le contraire dans le second cas.

Toutes les maladies ardentes & inflammatoires, paroissent venir d’une trop grande quantité de fluide électrique, puisqu’elles offrent presque tous les phénomènes que produit l’électricité artificielle, chaleur brûlante, sueur, fièvre, diarrhée, éruptions, &c. Plusieurs espèces de fièvres & les différentes éruptions peuvent naître de la même cause. Mais nos connoissances sur les maladies qui dépendent d’une surabondance d’électricité animale, ne sont pas encore assez certaines pour oser prononcer. Les essais que l’on a faits jusqu’à présent pour guérir diverses maladies par l’électricité, & les succès que l’on a obtenus peuvent seuls conduire à quelque chose de certain sur cet objet.

§. V. Électricité animale-négative ; bien & mal qui en résultent.

L’électricité négative a principalement lieu, lorsque la quantité de fluide électrique, régénéré par le mécanisme de la vie, ou fourni par l’atmosphère, n’égale pas celle qui se dissipe & s’évapore. Lorsque l’air est froid & humide, il est, comme nous l’avons vu, dans la situation la plus propre à dépouiller de l’électricité tous les corps qu’il touche ; dans ce cas, l’électricité animale étant plus abondante, & cherchant à se mettre en équilibre, passe du corps dans l’air ; la proportion diminue. Elle ne peut pas diminuer sans qu’il en résulte un retardement, soit dans le mouvement des fluides, soit dans les sécrétions. De-là toutes les maladies plus ou moins graves qui en dépendent : la lenteur de la circulation du sang, la foiblesse du pouls, la langueur, l’amaigrissement, le marasme même en sont les premières suites. Les rhumes & les fluxions semblent beaucoup en dépendre, puisqu’ils viennent d’un épaississement de matières, que la transpiration & la salivation ne peuvent plus chasser hors du corps. Le défaut de circulation des différens fluides qui répandent la santé & la vie dans le corps, amène insensiblement des obstructions & des dépôts de matières qui tournent à la putridité, & donnent lieu à plusieurs maladies putrides. La cause de ces maladies connue, le remède est facile à appliquer, & certainement dans ces cas, l’électricité positive apporteroit un très-grand soulagement, & peut-être une guérison. Mais nous allons voir jusqu’à quel point les succès ont couronné les tentatives dans ce genre d’un très-grand nombre de physiciens.

Section V.

De l’Électricité considérée comme remède.

Un des phénomènes les plus apparens de l’électricité artificielle, est d’accélérer le mouvement des fluides, même dans les tubes capillaires ; il a conduit nécessairement à l’appliquer à l’économie animale dans les maladies occasionnées par engorgement, par obstructions dans les vaisseaux capillaires. Cette idée ingénieuse est due à M. Nollet, qui le premier essaya en France de guérir un paralytique par l’électricité. M. Jallabert, à Genève, obtint dans le même temps un succès complet sur un serrurier attaqué de la même maladie. On sait qu’elle est due au relâchement des nerfs, ou à leur obstruction, à la résistance qu’ils opposent pour la circulation du fluide nerveux. On sent facilement, d’après tout ce que nous avons dit, que cette maladie venant de la suppression d’une quantité de fluide nerveux ou électrique, l’électricité positive en redonne au corps, & dégageant les vaisseaux, les met en état de lui laisser une circulation libre. Aussi cette maladie est-elle le triomphe de l’électricité ! & il n’est point de physiciens électrisans qui n’aient réussi à guérir quelques paralytiques. Celui, sans doute, qui a le plus mérité de l’humanité dans ce traitement, est M. Mauduyt, de la société royale de médecine. Ce sage médecin, chargé par le gouvernement de traiter une suite de malades de différens genres par l’électricité, s’en est acquitté avec tout le zèle & toute la sagacité nécessaires. Les succès, en général, ont couronné ses soins, & il a déposé dans les mémoires de la société royale, les détails de toutes ses expériences. C’est d’après lui que nous indiquerons les maladies que l’électricité a dissipées ou totalement ou en partie.

Les paralysies, sur-tout les récentes, ont toutes été ou guéries, ou du moins très-soulagées, & les succès du traitement se sont soutenus. L’affoiblissement du tact, ainsi que la gêne dans les mouvemens, ont totalement disparu ; les rhumatismes se sont entièrement dissipés. Les surdités résistent davantage, & ne paroissent obtenir que quelques soulagemens. Les gouttes-sereines, complètes ou incomplètes, sont dans le même cas ; le traitement de l’ophtalmie a eu du succès entre ses mains, ainsi que l’épanchement de lait. C’est à ces sept ou huit espèces de maladies que M. Mauduyt réduit jusqu’à présent la réussite de l’électricité. Ce n’est pas qu’elle ne soit encore très-avantageuse dans bien d’autres cas, comme les maux de dents, les suppressions ou défauts de règles, les douleurs locales, les tumeurs, &c. mais les succès n’ont pas été aussi constans que dans les autres maladies.

Il faut beaucoup d’art & d’intelligence pour bien électriser un malade. Voici des règles générales : lorsque l’on connoît la nature de la maladie, & que l’on espère que l’électricité pourra apporter quelque soulagement, on pose le malade sur un fauteuil ou sur une table isolée, & on le fait communiquer avec le conducteur d’une machine ; on l’électrise ainsi en le surchargeant du fluide. C’est une espèce de bain électrique dans lequel on l’entretient pendant quelque temps ; on peut de temps en temps lui tirer quelques étincelles sur la partie affectée ou dans la direction du mal ; enfin, il est bien des cas où il faut lui donner la commotion au moyen d’une bouteille de Leyde. Mais nous le répétons ici, il faut que ce traitement soit dirigé par un médecin habile & intelligent, afin qu’il réussisse. Le malade doit apporter de son côté une grande patience, & souvent ce n’est qu’après un laps de temps considérable que l’on voit réussir ce traitement.

Nous le conseillons dans les maladies citées plus haut, parce que nous croyons que, bien ménagé, il ne peut être dangereux ; on ne doit pas pour cela abandonner tous remèdes, peut-être même leur donne-t-il plus d’énergie, en les faisant circuler plus vite dans la masse totale. Une électrisation trop longue, des étincelles trop vives, des commotions trop fortes, fatiguent le malade. Il faut lui donner du repos, ne jamais l’excéder. Il vaut mieux, dans ces cas-là, s’y reprendre à plusieurs fois le matin & le soir.

Section VI.

De l’Électricité considérée par rapport à l’économie végétale.

Tout ce que nous avons dit de l’influence de ce principe sur l’économie animale, peut s’appliquer au végétal : mêmes effets & presque même manière d’agir. Le végétal comme l’animal, possède une certaine portion de fluide électrique, qui peut être augmentée ou diminuée, devenir positive ou négative suivant l’état de l’atmosphère. L’électricité artificielle accélère le mouvement des fluides dans les vaisseaux des plantes, & augmente leur transpiration insensible ; de très-jolies expériences de M. l’abbé Nollet, & de plusieurs physiciens l’ont démontré : bien plus, le développement du germe est hâté, &, toutes choses égales d’ailleurs, les graines de plantes électrisées lèvent plutôt & en plus grand nombre, & croissent plus vite que celles de plantes non-électrisées. L’électricité atmosphérique influe continuellement sur les plantes en plus ou en moins. Il est vrai que cette partie de la physiologie végétale n’a pas été encore assez étudiée ; elle mérite cependant bien de l’être. Elle est communiquée aux plantes par les différens météores qui se forment dans l’air, les brouillards, la pluie, la neige, le tonnerre. On peut consulter ces mots & celui de Végétation, où nous tâcherons de démontrer comment l’électricité influe beaucoup dans la végétation des plantes. M. M.