Cours d’agriculture (Rozier)/ŒDÈME

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 134-136).
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ŒDÈME. Médecine Rurale. Tumeur diffuse, froide, pâle & sans douleur. L’œdème ne change guere la couleur de la peau, qui bien loin d’être rouge, semble au contraire être plus pâle & plus blafarde, & retient l’impression du doigt qui la comprime. Il s’étend quelquefois sur toute la surface du corps ; on l’appelle alors anazarque ou leucophlegmatie. (Voyez ce mot) Quelquefois aussi il n’affecte qu’une partie, comme les pieds, la main, &c. Il participe souvent du caractère du phlegmon, de l’érésipèle & du squirre ; il reçoit alors le nom d’œdème phlegmoneux, érysipélateux ou squirreux. Cette tumeur a pour l’ordinaire deux degrés : quand, dans son principe, la peau cède à l’impression des doigts, & se relève un instant après, elle prend le nom de bouffissure ; & elle est appelée empâtement, quand la partie œdémateuse est molle & sans ressort. C’est l’engorgement de la lymphe dans les cellules du tissu adipeux, qui produit cette maladie ; & cet engorgement dépend le plus souvent de la trop grande quantité de sérosité qui abonde dans le sang, qui, remplissant ses propres vaisseaux sans les crever, produit une stagnation sans extravasation ; & comme la peau n’est formée que par la réunion de plusieurs membranes folliculeuses qui composent le tissu, la lymphe, dans les progrès de l’œdème, écarte peu à peu ces feuillets membraneux, & se porte enfin jusque sous l’épiderme immédiatement, qu’il suffit d’effleurer pour procurer l’écoulement des sucs stagnans.

L’œdème paroît très-souvent à la suite de quelque longue maladie. Les solides se trouvant alors dans un état de relâchement & d’atonie extrêmes, & étant conséquemment privés de toute force pour réagir sur les fluides, permettent l’épanchement de la lymphe dans le tissu de la peau.

Les dangers de l’œdème sont relatifs aux causes qui les produisent. Quand il dépend de l’endurcissement cancéreux, des glandes des aines, des aisselles & des oreilles ; d’un épanchement d’eau dans la poitrine ou le bas-ventre, d’une fièvre lente, d’un épuisement & de la consomption, il est incurable.

L’œdème est encore mortel, quand il reconnoît pour cause, le squirre au foie, ou dans tout autre viscère essentiel à la vie, & la dissolution du sang & de la lymphe. Mais quand il vient à la suite d’une hémorragie trop abondante, d’une perte inattendue, d’une convalescence longue & difficile, il est ordinairement sans danger. Un bon régime de vie, des alimens doux & de facile digestion, joints à un exercice modéré, sont plus que suffisans pour le dissiper.

Pour guérir l’œdème, il faut avoir en vue 1°. l’évacuation de la sérosité qui abonde dans le sang. 2°. Combattre les causes qui favorisent la stagnation de la lymphe, & qui s’opposent à son retour. 3°. Enfin, fortifier la partie œdématiée, accélérer l’expression de la lymphe stagnante, & empêcher qu’il n’y en croupisse de nouvelle.

On a guéri des œdèmes, en faisant saigner des malades fort pléthoriques, parce que l’enflure avoit pour cause la difficulté de la circulation du sang, occasionnée par la plénitude excessive des vaisseaux. 1°. On pourra obtenir l’évacuation de la sérosité qui abonde dans le sang, en donnant aux malades le suc des plantes diurétiques, combiné avec le nitre, le sel de glaubert & la terre foliée de tartre, ou des bouillons frais composés avec les racines d’asperges, de petit houx & de câprier, & quelques stomachiques, tels que la racine d’enula campana, & la serpentaire de Virginie. Mais un remède que j’ai vu constamment réussir, est la décoction d’une drachme de pareira brava dans une chopine de vin, qu’on donne au malade en trois prises dans la journée ; une combinaison de nitre, de suc de cerfeuil dépuré, mêlé au suc de vingt à trente cloportes, est aussi un excellent remède dont on ne doit pas négliger l’emploi.

Les purgatifs hydrologues sont, à proprement parler, les remèdes les plus propres à combattre avec quelques succès l’œdème, sur-tout si, à une abondance de sérosité, il se trouve joint un embarras putride. Le jalap, la gomme gutte, le turbith gommeux, la carbonée, le diagrède sont préférables aux purgatifs doux qui ne produiroient, à coup sur, aucun bon effet ; & pour en tirer un plus grand avantage, il faut les faire infuser dans l’eau de vie, ou dans du vin blanc bien clair. Pour l’ordinaire on y ajoute quelques grains d’iris de Florence ; on en donne une, deux & même trois cuillerées par jour : on peut en donner une dose plus forte aux personnes robustes ; mais ces remèdes ne conviennent que dans l’œdème sans fièvre, & à des constitutions très-fortes. Le célèbre Astruc a souvent obtenu les plus heureux effets de dix à quinze grains de gomme-gutte pilée dans un mortier de marbre, avec le double de cristal minéral, & délayée dans un bouillon gras qu’on fait prendre le matin à jeun.

Pour fortifier les ressorts de la partie affectée, & la mettre à même de s’opposer à la stagnation de la lymphe, il faut souvent frotter la partie affectée avec la décoction vineuse du thim, du romarin, de la sauge & des fleurs du sureau.

On la lavera tous les matins, au moment du lever, avec de l’urine chaude dans laquelle on aura fait dissoudre du sel ammoniac. L’eau végéto-minérale de Goulard, seule, ou coupée avec parties égales d’eau de sureau, l’eau des carmes, l’eau-de-vie camphrée, l’eau vulnéraire, sont autant de résolutifs dont l’application ne peut être que très-avantageuse.

Astruc dit qu’en même temps il faut résoudre & dissiper les engorgemens des glandes lymphatiques par des apéritifs simples, comme les martiaux, par des fondans plus forts, tels que les mercuriaux, par l’usage d’une tisanne sudorifique, purgative, ou par celui des bouillons de cloportes ou de vipère. On ne sauroit assez recommander l’usage des bains d’eaux thermales, & sur-tout ceux du sable.

Si l’œdème est invétéré, que la peau se gerce, qu’on y observe des tâches noires, c’est un mauvais signe, & la gangrène ne tarde pas long-temps à paroître. Il faut alors laver la partie malade avec une forte décoction de quinquina, & le faire prendre intérieurement à forte dose. M. AMI.


Œdème, Médecine vétérinaire. Tumeur formée par un épanchement de sérosité dans le tissu cellulaire.

On reconnoît l’œdème aux signes suivans.

Les tégumens où siège la tumeur, sont tuméfiés & dépourvus d’élasticité ; en y appuyant fortement le doigt, l’impression reste un peu marquée, & ne s’efface que lentement & par degrés, lorsque la pression cesse. L’enflure qui est égale dans toute l’étendue de la tumeur, n’est point douloureuse.

Le mouton & le cheval sont plus exposés à cette maladie, que le bœuf & le porc.

En général, l’œdème est difficile à guérir, sur-tout s’il reconnoît pour cause la sérosité surabondante du sang. Mais quant à celui qui vient à la suite de quelque ligature ou compression, il se dissipe de lui-même, lorsque la cause ne subsiste plus. Mais venons-en au traitement de l’œdème de la première espèce.

On remplit cette indication, en expulsant d’abord, par les urines, une partie du superflu de la sérosité du sang, par le moyen des diurétiques, ou en provoquant la matière de la sueur par l’usage des sudorifiques. Pour cet effet, on peut employer ces remèdes l’un après l’autre, donner par exemple un purgatif composé d’une once & demie d’aloès, (supposé que le cheval soit de grande taille) mêlée avec une livre de miel délayé dans une décoction de racine de chardon roland. Deux jours après, on administre un sudorifique de deux noix muscades & d’un peu de canelle, écrasées dans un mortier & mêlées dans une pinte de bon vin. Ces remèdes sont bien préférables à ceux que les maréchaux ont coutume d’employer en pareil cas, c’est-à-dire, aux sels neutres, mercuriels, aux préparations antimoniales, à la thériaque à forte dose, à l’ail, au poivre & à plusieurs bouteilles de vin blanc, données dans le même jour.

Mais outre les remèdes internes, il faut encore avoir recours à des topiques discursifs qui raffermissent les fibres, rétablissent leur ressort & raniment la circulation.

Les principaux toniques sont les fomentations faites avec la décoction des plantes aromatiques, telles que la sauge, le romarin, le thym, &c., l’eau de vie camphrée en frictions : on ne doit pas sur-tout oublier l’exercice modéré, les frictions légères sur la peau, les vapeurs de genièvre, de sauge, &c. Tous ces moyens peuvent favoriser l’insensible transpiration, au point de diminuer sensiblement la quantité des eaux renfermées, en réveillant le jeu des fibres & de la circulation ; mais au défaut de tous ces remèdes, le plus efficace est le feu appliqué par pointes, ou par raies sur la partie. M. T.

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