Cours d’agriculture (Rozier)/ABATTRE DU PIED

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ABATTRE DU PIED, (Art vétérinaire,) opération par laquelle on amincit la sole et raccourcit la paroi de l’ongle du cheval domestique, de manière à ne laisser à son pied qu’une longueur suffisante pour lui donner de l’aplomb, assurer la liberté du mouvement de ses jambes, et lui conserver une sole saine et bien conformée. Lorsque les animaux, paissant librement, pouvoient errer à leur gré, le frottement du terrain qu’ils parcouroient usoit suffisamment leur sole, jamais leur pied n’étoit détérioré par son excessive longueur. Devenus esclaves de l’homme, obligés de traîner de lourds fardeaux sur des routes raboteuses ou pavées, il fallut munir leurs pieds d’une chaussure de fer, pour empêcher le prompt dépérissement de leur sole par un frottement trop considérable et trop souvent répété. Protégés par cette chaussure, leurs ongles continuèrent de croître et ne furent plus usés ; il fallut alors parer leur pied, pour conserver à leur allure de l’aplomb, et empêcher qu’ils ne fussent ruinés par l’extension trop continue et trop forte des muscles fléchisseurs du derrière de leurs jambes ; car la paroi du pied, croissant du derrière en avant, son point d’appui placé à la circonférence de la sole se trouve toujours plus éloigné de la partie postérieure du boulet, à mesure que l’ongle acquiert de la longueur, ce qui allonge le bras de cette espèce de levier, rend plus forte la pression du reste du corps, sur les tendons des muscles fléchisseurs des pieds, qui soutiennent tout l’effort dirigé sur la partie postérieure du boulet. Cette pression, qui fait tendre continuellement la partie supérieure du paturon à se renverser en arrière sur la terre, fatigue les tendons de ces muscles fléchisseurs, produit des molettes, (V. ce mot) et ruine des chevaux qui, ayant peu travaillé, se trouvent cependant hors d’état de rendre le moindre service. Quelque graves que soient ces accidens, le talon se détériore encore plus dans les chevaux dont le pied est étroit ; il se forme un enfoncement dans la partie antérieure de la couronne ; leur marche est douloureuse, ils sont véritablement estropiés. Ces accidens sont poussés au dernier excès dans les baudets servant d’étalons, et qui sont condamnés à ne jamais sortir de leur place, pas même pour la monte, puisqu’on introduit dans leur loge la croupe des jumens.

Tous les désordres qui naissent, dans l’économie animale, de la longueur excessive des pieds, sont très-difficiles à réparer. Les petits propriétaires qui, par une fausse économie, ne font parer le pied de leurs chevaux que lorsque leurs fers sont usés, les fermiers, dont les chevaux travaillant continuellement dans des terres labourées n’usent pas leurs fers, les possesseurs de chevaux de selle, de luxe, qui demeurent quelquefois long-temps sans travailler, éviteroient ces dommages en faisant parer les pieds de leurs chevaux tous les trente ou quarante jours ; ils en retireroient de grands avantages par un service plus sûr et plus prolongé, et éviteroient, par ce soin, de perdre des animaux utiles.

On doit aussi abattre du pied aux animaux qu’on ne ferre pas, et dont la corne ne s’use point suffisamment par le frottement de corps durs. Les poulains paissant dans les prairies, les chevaux et les jumens, mis déferrés au vert dans des pâturages humides, contractent des difformités du pied considérables. Ils s’élargissent et s’éclatent même dans les terrains humides ; il faut abattre de la paroi aux talons et à la pince, et réitérer plus fréquemment ces soins sur les pieds larges et dans les terrains humides. (Chabert et Fromage.)