Cours d’agriculture (Rozier)/ALAMBIC

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome premierp. 353-379).
◄  AJUSTER
ALAISE  ►


ALAMBIC. Vaisseau consacré aux distillations. Il y a plusieurs sortes d’alambics, & ils diffèrent par leur forme & par la matière dont ils sont composés. Les uns sont en cuivre, les autres en verre, les autres en grès, &c. L’énumération & la description des alambics consacrés aux travaux chimiques, seroient ici déplacées : il ne doit être question dans cet article, que des alambics destinés à convertir les fluides vineux en eau-de-vie, & les eaux-de-vie en esprit ardent. Voyez le mot Brulerie pour connoître la description de tous les vaisseaux & de tous les ustensiles nécessaires au service de l’attelier. Pour l’action de distiller & de conduire le feu, voyez le mot Distillation.


Tableau du Travail sur les Alambics.


CHAP. I. Des Alambics ordinaires, chauffés avec le bois.
CHAP. II. Description de l’Alambic ordinaire, chauffé avec le charbon fossile,8
p. 356.
CHAP. III. De quelques Alambics nouveaux pour leur forme, proposés par différens Auteurs, 359.
Sect. I. Des Alambics & des Fourneaux proposés par M. Baumé, & chauffés, soit avec du bois, soit avec du charbon, ibid.
Sect. II. De l’Alambic & des Fourneaux pour le charbon & pour le bois, proposés par M. Moline, 367.
CHAP. IV. Des Alambics pour la distillation des esprits, 373
CHAP. V. Des Alambics pour la distillation des marcs & des lies, 376
Sect. I. Des Alambics pour les marcs, ibid.
Sect II. Des Alambics pour les lies, 378.



CHAPITRE PREMIER.

Des Alambics ordinaires, chauffés avec le bois.

La gravure (pl. 8.) représente une brûlerie garnie de toutes les pièces utiles à la distillation. On doit distinguer quatre parties dans un alambic ; la chaudière, le chapeau ou chapiteau, le bec du chapiteau, & le serpentin.

1o. La chaudière ou cucurbite (mot tiré du latin cucurbita, qui veut dire courge, à cause de sa ressemblance avec ce fruit) varie pour sa grandeur suivant les différens pays ; la forme est aujourd’hui à peu près par-tout la même. C, est la chaudière montée sur son fourneau B. On voit n°. 4. sa coupe intérieure & celle de son fourneau. La chaudière est un cône tronqué d’environ vingt-un pouces de hauteur perpendiculaire, dont le diamètre du cercle de la base a deux pieds six pouces de longueur. Son fond est une platine avec un rebord, de trois pouces environ, cloué tout autour du cône, avec des clous de cuivre, rivés : cette platine a environ une ligne d’épaisseur, & est légèrement inclinée pour vider avec plus de facilité ; du côté du dégorgeoir ou déchargeoir 18, ce qui reste dans la chaudière après la distillation. Ce déchargeoir a un cylindre plus ou moins long, suivant l’épaisseur du mur qu’il doit traverser, surtout si la vinasse est directement conduite hors de la brûlerie ; un pied de longueur suffit, s’il ne doit traverser que le mur du fourneau. Presque au haut de la chaudière, sont placés trois ou quatre anses de cuivre, n°. 5, clouées avec des clous de cuivre, rivés, contre la cucurbite, & leurs parties saillantes sont noyées dans la maçonnerie du fourneau. Ces anses supportent la cucurbite, & c’est par ces seuls points que la partie inférieure de la cucurbite touche aux parois du fourneau, de sorte que la chaleur est censée circuler tout autour de cette partie : au dessus des anses & jusqu’au haut de la chaudière, la maçonnerie l’emboîte exactement. La partie supérieure de la cucurbite se rétrécit par un col ou collet, n°. 6. cloué & rivé, comme on l’a dit, dont l’ouverture est réduite à un pied de diamètre : la partie supérieure du collet forme une espèce de talon renversé, & l’inférieure est inclinée parallèlement aux côtés du chapiteau, pour lui servir d’emboîture, sur deux pouces de hauteur. La hauteur totale du col est ordinairement de six à sept pouces, & les feuilles de cuivre qui le forment, sont communément plus épaisses que le reste de la cucurbite ; c’est la partie qui fatigue le plus.

2o. Du chapiteau D & n°. 7. Son ouverture est à peu près égale à celle du col de la cucurbite, afin d’y être adapté & luté le plus exactement qu’il est possible. On recouvre encore le point de leur réunion avec de la cendre mouillée ou non mouillée ; toutes deux sont des cribles par où s’évapore l’esprit ardent ; il vaudroit mieux l’envelopper avec des bandes de toile, imbibées par des blancs d’œufs, dans lesquels on a mêlé de la chaux en poudre, & non éteinte ; ce dernier lut empêche bien plus complettement que la cendre l’évaporation de l’esprit ardent ; enfin, la troisième manière, c’est avec des bandes de vessies mouillées & molles, que l’on fixe avec de la filasse, des ficelles, &c. La terre grasse ne vaut pas mieux que les cendres ; la chaleur la dessèche & la fait crevasser ; cependant, si le collet est mal fait, s’il est bossué, en un mot si le chapiteau & le collet ne se joignent pas exactement ensemble, on peut & on doit presser de la terre grasse, sèche & en poudre, dans les vides, la bien serrer, enfin la recouvrir avec la vessie ou avec les bandes de toile à la chaux & aux blancs d’œufs. Le diamètre de la partie supérieure du chapiteau est environ de dix-sept pouces ; sa hauteur totale d’un pied, non compris le bombement de la calotte, qui est environ de deux pouces. Dans quelques pays, sa forme imite plus celle d’une poire renversée, voyez n°. 19 ; il est sans gouttière intérieurement comme extérieurement ; son bec ou sa queue E, & n°. 8, a vingt-six pouces de longueur, trois pouces & demi à quatre pouces de diamètre près du chapiteau, quatorze à quinze lignes à son extrémité, c’est à-dire, dans l’endroit où ce bec se réunit avec le serpentin, n°. 9, renfermé dans le tonneau ou pipe F. La pente de ce bec est d’environ huit pouces sur toute sa longueur : il est cloué à la tête du chapiteau, & il est soudé avec lui par un mélange d’étain & de zinc : cette composition s’appelle la charge du chapiteau.

Il y a un vice radical dans la construction de ce bec, qui s’oppose singuliérement à la rapidité de la distillation : il faudroit que son diamètre égalât presque celui du chapiteau, qu’il diminuât insensiblement jusqu’à la réunion avec le serpentin, & que le diamètre de l’intérieur du serpentin fût plus considérable, & proportionné à celui du bec ; enfin, que la diminution fût progressive, au moins jusqu’au commencement du quatrième tour du serpentin. Nous dirons tous les motifs de ce changement lorsque nous parlerons de la distillation.

3o. Du serpentin, n°. 9. Il est représenté ici hors de son tonneau ou pipe F ; il est formé de cinq cercles inclinés les uns sur les autres, suivant une pente uniforme distribuée dans toute la hauteur, qui est de trois pieds & demi. Le bec E & n°. 8 du chapiteau, s’insinue exactement à la profondeur de quatre pouces dans l’ouverture, n°. 19, du serpentin : cet instrument est construit de feuilles de cuivre battu, soudées ensemble avec une soudure forte : on observe de diminuer proportionnellement l’ouverture des tuyaux, d’environ deux lignes à chaque révolution, de manière que l’ouverture inférieure soit à peu près moitié plus petite que la supérieure. La prolongation du serpentin, ou plutôt sa spirale, est maintenue par trois montans assez minces, n°. 20 : ces montans sont en fer battu, armés d’anneaux par où passent les révolutions du serpentin ; ils les fixent & leur servent de support dans cette partie. L’extrémité inférieure du serpentin sort à la base de la pipe F, dans l’endroit marqué H, & n°. 10 : là il rencontre un petit entonnoir, dont la queue est plongée dans le bassiot K, & n°. 11 : ce vaisseau sert à recevoir l’eau-de-vie qui coule par le serpentin.

Dans certaines provinces, le serpentin & la pipe ont beaucoup plus de hauteur, & partout il est trop étroit à son orifice & dans sa dégradation. Le tonneau ou pipe sert à recevoir & contenir l’eau qui doit rafraîchir le serpentin pendant la distillation. Nous reviendrons sur cet article au Chapitre troisième.

Toutes les pièces qui concourent à la formation complette de l’alambic, se vendent au poids, & le prix, à peu près général, est de 40 à 45 f. la livre, le cuivre tout ouvré. On est trompé par les ouvriers, lorsque l’on n’est pas au fait ; ils vendent toutes les parties avec leurs agrès ; ils pèsent le chapiteau avec sa charge, le serpentin avec les montans, &c. ces articles doivent être payés à part.

Dans quelques provinces, on étame tout le chapiteau, & il ne l’est point dans d’autres : non-seulement le chapiteau devroit l’être, mais encore la chaudière & son serpentin. L’acide de l’esprit ardent corrode le cuivre, forme du vert-de-gris, & ce poison se mêle avec la liqueur. Les inspecteurs ne reçoivent pas cette eau-de-vie, & disent qu’elle a un goût de chaudière : mais combien d’eau-de-vie ne consomme-t-on pas dans le royaume, qui ne passe pas sous les yeux de l’inspecteur ? Au contraire, on conserve celle-là pour le débit intérieur, & on n’envoie à l’étranger que l’eau-de-vie au titre & sans mauvais goût. Il suffit d’entrer dans une brûlerie, d’examiner les ustensiles de cuivre, pour voir le vert-de-gris en masse. L’acide est si fort, qu’il crible les chapiteaux, & de la cendre mouillée bouche les trous pendant la distillation. Si l’alambic n’a pas servi depuis long-tems, l’ouvrier, toujours négligent, se contente de passer un peu d’eau, de frotter les parois avec des bouchons de paille, comme si cette simple opération détruisoit tout le vert-de-gris. La négligence est portée si loin, que j’ai vu le filet d’eau-de-vie couler entre deux dépôts considérables de vert-de-gris. Le reproche que je fais ne s’adresse pas à une seule province, mais à celles d’Aunis, de Saintonge, d’Angoumois, de Languedoc, de Provence, &c. Le gouvernement a établi des charges d’inspecteurs des eaux-de-vie qui sortent du royaume, afin qu’on n’expédie que des eaux-de-vie au titre ; il veille ainsi à la sureté du commerce, & empêche les suites de la mauvaise foi de quelques commerçans. Ne seroit-il pas digne de sa vigilance & de ses soins, de créer des inspecteurs des brûleries, qui condamneroient à des amendes ou feroient briser les chaudières, les chapiteaux, &c. non étamés ? Les ustensiles en cuivre ont été défendus à Paris, soit pour les balances, soit pour les pots au lait, &c. et on laisse subsister dans tout le royaume des instrumens où se forme journellement du vert-de-gris !

Si l’étain employé dans les soudures étoit pur & sans mélange de plomb, cet étamage seroit encore insuffisant ; avec le plomb il seroit complettement inutile, parce que l’acide l’auroit bientôt corrodé, & réduit en chaux tout aussi dangereuse que le vert-de-gris : le seul étamage qui convienne, est le zinc ; (voyez ce mot) il ne reviendroit pas plus cher, dureroit infiniment plus, & surtout il ne seroit pas dangereux pour la santé.


CHAPITRE II.


Description de l’Alambic ordinaire, chauffé avec le charbon fossile.

Charbon fossile, charbon de pierre, charbon de terre, houille, sont des mots synonymes. Nous les rapportons ici tous les quatre, parce qu’ils sont en usage chacun dans des provinces différentes ; de sorte qu’il pourroit arriver que dans quelques endroits on ne comprît pas ce que veut dire l’une ou l’autre dénomination.

C’est à M. Ricard, négociant de la ville de Cette, & possesseur d’une superbe brûlerie, que l’on doit l’usage du charbon fossile pour la distillation de vins. Personne, avant lui, n’avoit songé en France à employer ce minéral, que l’on pourroit encore suppléer par la tourbe (voyez ce mot) dans les provinces où le bois est rare, & qui ne peuvent aisément se procurer du charbon fossile.

La nécessité fut toujours la mère de l’industrie, & l’industrie celle de l’économie. La cherté du bois dans le Bas-Languedoc, où il coûte communément 18 à 20 sols le quintal, même vert, quoique le quintal de cette province n’équivaille qu’à 80 livres, poids de marc, l’engagea, en 1775, à construire des fourneaux inconnus avant lui dans le pays. Dès qu’il les eut portés au point de perfection qu’il desiroit, il publia le plan de son fourneau. Son exemple a été suivi complettement à Cette, & commence à l’être dans le reste de la province, où l’on peut se procurer du charbon à un prix plus modéré que celui du bois. Il est résulté des différens procès verbaux, dressés dans la brûlerie de M. Ricard, que, pour fabriquer la même quantité d’eau-de-vie, il falloit au moins une double quantité de bois que de houille ; d’où il résulte qu’en se servant de charbon de terre, il y a une véritable économie ; d’ailleurs il faut moins de magasins ou hangars pour loger ce combustible, & on économise les frais de la main-d’œuvre pour couper le bois de longueur, le fendre, le refendre, &c.

L’alambic, chauffé au bois, ou au charbon de terre, ou à la tourbe, conserve la même forme. Est-elle la meilleure ? C’est ce que l’on examinera bientôt.



Description du Fourneau au charbon de terre de M. Ricard.

Planche 9, Fig. 1, élévation du fourneau.

A. Ouverture du cendrier. Sa largeur est de neuf pouces, & la hauteur du sol à la grille est de dix pouces. La profondeur est la même que la longueur de la grille.

B. Porte du foyer ; de même largeur & hauteur que l’ouverture du cendrier.

La distance entre le fond de la chaudière qui répond aux points C. C. C. & la grille, est de neuf pouces.

Figure 2. Intérieur du fourneau, dont on a ôté la chaudière, & vu à vol d’oiseau.

D. D. Grille. Sa largeur est de dix pouces, sur un pied dix pouces de longueur.

E. E. Diamètre du foyer, deux pieds dix pouces. L’échelle de six pieds qui accompagne ces deux figures, donnera les proportions du total du fourneau & de sa coupe.

La chaudière ne doit avoir que deux pieds huit pouces de diamètre dans sa plus grande circonférence, pour laisser un vide de deux pouces entre celle-ci & la maçonnerie. Ce vide se trouve couvert par les bords de la chaudière qui portent sur la maçonnerie.

L’auteur conseille de pratiquer à ces fourneaux un tuyau de cheminée, qui doit commencer à la hauteur des anses de la chaudière, vis-à-vis la porte du foyer, & en forme de pyramide renversée, ayant trois pouces & demi en quarré à sa naissance, & six pouces dans le haut. On conduira ce tuyau dans les cheminées qui servent aux fourneaux ordinaires.

En louant le zèle de M. Ricard, & en lui rendant hommage comme au bienfaiteur de sa province, on doit remarquer cependant qu’il n’a pas tiré tout le profit convenable de la chaleur ; que la porte du fourneau, ainsi que dans tous les fourneaux ordinaires, soit au bois, soit autrement, est trop rapprochée de la bouche de la cheminée, & par conséquent la chaleur ne séjourne pas assez sous la chaudière, & gagne trop vite la gaine de la cheminée. On croit communément que la flamme lèche toute la chaudière ; c’est pourquoi on laisse un vide entr’elle & la maçonnerie. Si on enlève la chaudière de dessus son fourneau, après qu’elle aura servi à la distillation pendant quelque tems, on verra tout autour, excepté du côté de la cheminée, une espèce de suie, de poussière grisâtre, & très-fine. Or, si la flamme avoit parcouru tout l’espace vide, certainement on n’y trouveroit ni suie ni poussière. Il est clairement & démonstrativement prouvé que la flamme & la chaleur suivent le courant d’air ; par conséquent, la flamme & la chaleur qui arrivent dans la cheminée, y arrivent en pure perte pour la chaudière. En effet, qu’est-ce qu’un espace de trois à quatre pieds pour la flamme d’une masse de bois embrasé qui peut parcourir une distance de plus de vingt pieds, comme on le voit tous les jours dans les fourneaux des distillateurs d’eau forte, d’acide vitriolique, &c. ? On y met le feu par un bout, & la flamme sort par la cheminée placée à l’autre bout, éloigné du premier de dix à vingt pieds.

Il seroit donc plus avantageux pour tous les fourneaux consacrés à la distillation des vins, de ménager tout autour de la chaudière un tuyau tracé en spirale comme le serpentin, & par ce moyen de conserver plus longtems la flamme & la chaleur autour de la chaudière. Rien n’est plus aisé à pratiquer. Faites soutenir la chaudière à la hauteur qu’elle doit être ; laissez tout le bas nud ; & dans la partie opposée à la porte du fourneau, commencez le tuyau sur huit pouces de hauteur & sur six de largeur ; faites-le tourner tout autour de la chaudière jusqu’à la cheminée ; des briques longues suffisent pour former ce tuyau. Il est évident que par ce moyen, la flamme lèchera complettement toute la chaudière, à l’exception de la partie de la brique couchée sur son plat, qui touchera directement la chaudière. Ainsi en supposant que le tuyau ne fasse que trois tours autour de la chaudière, en partant depuis le foyer jusqu’à la cheminée, vous aurez au moins trente à trente-six pieds de tuyau, dont la flamme s’appliquera directement contre la chaudière, tandis que dans la manière ordinaire, il n’y a pas plus de trois à quatre pieds de contact immédiat. L’expérience est facile à faire, peu coûteuse, & on se convaincra combien, par cette manipulation, on économisera de bois ou de charbon.


CHAPITRE III.

De quelques Alambics nouveaux pour leur forme, proposés par différens Auteurs.


La société libre d’émulation pour l’encouragement des arts, métiers & inventions utiles, établie à Paris, proposa, au mois de Juin 1777, pour sujet d’un prix, la question suivante : Quelle est la forme la plus avantageuse pour la construction des fourneaux des alambics & de tous les instrumens qui servent à la distillation des vins dans les grandes brûleries ? Deux mémoires furent distingués de tous les autres envoyés au concours ; le premier de M. Baumé, de l’académie royale des sciences, eut le prix de 1 200 livres ; & le second de M. Moline, celui de 600 livres. Ces deux mémoires offrent des idées neuves, & quelques-unes utiles : il convient de les apprécier.

Section première

Des Alambics & des Fourneaux proposés par M. Baumé, & chauffés soit avec du bois, soit avec du charbon.


Le premier alambic proposé par M. Baumé, est une baignoire, Fig. 3, Pl. 9 : elle a douze pieds de long sur quatre pieds de large, & à peu près deux pieds & demi de hauteur. On la fait moins profonde d’un pouce du côté A, afin qu’étant en place, il y ait une pente du côté de la vidange B.

À la partie la plus profonde, & du côté de la porte du fourneau, on pratique une douille B, de deux pouces de diamètre, qui traverse l’épaisseur du fourneau : au moyen de la pente qu’on a donnée au fond de la chaudière & de la douille, on peut vider ce vaisseau commodément, lorsque cela est nécessaire.

En adaptant un chapiteau sur cette chaudière, on complette l’alambic ; mais comme j’en propose trois différens par leur forme, dit M. Baumé, on pourra choisir celui que l’on voudra. Au moyen de ces trois chapiteaux, il résulte trois alambics de même forme, qui ne diffèrent que par cette pièce seulement.

Le premier chapiteau, fig. 4 & 6, s’adapte sur la chaudière en forme de baignoire, fig. 3 ; on soude exactement un couvercle de même étendue, percé de dix trous, ou d’un plus grand nombre, si on veut ; il doit être d’un cuivre un peu fort & un peu bombé : chaque ouverture doit avoir quinze à seize pouces de diamètre, surmontée du collet, fig. 5, de trois à quatre pouces de hauteur, & soudé très-exactement sur les ouvertures du couvercle. Chacun des collets doit être terminé par un cercle de cuivre tourné, de six lignes d’épaisseur, & soudé en étain. Ils sont destinés à donner plus d’épaisseur à l’extrémité des collets, & à faciliter la jonction des chapiteaux. Sur le devant du couvercle en C, fig. 4, on soude une virole tournée, d’un ou de deux pouces de hauteur, & de deux pouces de diamètre. C’est par cette ouverture qu’on introduit la liqueur dans la chaudière ; par ce moyen, on n’a pas la peine de déluter les chapiteaux chaque fois que l’on veut charger la chaudière. Il est essentiel que cette virole soit tournée, afin qu’on puisse la boucher commodément avec du liége.

Sur chacun des collets du couvercle de la chaudière, on adapte un chapiteau d’alambic ordinaire, de forme conique & d’environ quinze pouces de hauteur, fig. 6, jusqu’au niveau de la gouttière qui est dans l’intérieur ; la gouttière doit avoir deux pouces de large sur autant de profondeur. En E, on attache également un cercle de cuivre tourné, & soudé en étain, qui doit joindre très-exactement sur celui des collets ; à ce chapiteau, on pratique une tuyère D au niveau de la gouttière intérieure, & assez longue pour dépasser le fourneau d’environ six pouces : elle doit avoir quatre ou cinq pouces de diamètre vers le chapiteau, & aller en diminuant jusqu’à deux pouces près de l’extrémité D. C’est cette partie qu’on nomme queue ou bec de chapiteau.

Le second genre de chapiteau proposé par M. Baumé, toujours pour l’alambic-baignoire, diffère du précédent en ce qu’il a seulement trois ouvertures ; & sur ces ouvertures, on adapte des chapiteaux à deux becs, fig. 8, qui font les fonctions alors de six chapiteaux. La platine, fig. 7, qui doit couvrir la chaudière, doit être d’un cuivre un peu plus fort que la chaudière elle-même ; elle doit être un peu voûtée, pour augmenter sa force, & on la soude exactement sur la chaudière.

Chaque ouverture doit être garnie d’un collet, fig. 9, de trois à quatre pouces de hauteur, & terminé également par un cercle de cuivre tourné, comme ceux du couvercle précédent. Les ouvertures ont environ deux pouces & demi de diamètre ; on pourroit les faire plus larges si l’on vouloit, mais les cercles seroient difficiles à tourner, & pourroient perdre leur forme avant d’être attachés.

On pratique en F, fig. 7, une douille en cuivre, tournée, de deux pouces de diamètre, & environ d’une égale hauteur ; c’est par cette ouverture que l’on remplit la chaudière sans déluter le chapiteau.

Chaque chapiteau a deux becs ; fig. 8, & doit également être garni, en G, d’un collet de cuivre tourné comme ceux des chapiteaux précédens. La partie inférieure H s’emboîte comme un étui dans l’intérieur du collet, fig. 9.

Néanmoins, continue M. Baumé, comme l’écoulement de la vapeur qui s’élève de la chaudière se fait en raison des ouvertures qu’on lui présente, je pense que cette seconde construction seroit un peu moins avantageuse pour la distillation, en ce que les trois ouvertures présentent moins de surface pour donner passage aux vapeurs que dans le chapiteau n°. 4. Cet alambic présente deux mille cinq cents quatre-vingt-douze lignes d’ouvertures aux vapeurs, & celui-ci n’en présente que deux mille cent quatre-vingt-deux de surface ouverte. Cette construction seroit seulement moins dispendieuse, en ce qu’elle diminue le nombre des chapiteaux & des serpentins. Au lieu de faire les chapiteaux ronds, on pourroit les faire ovales, & de toute l’étendue de la largeur du couvercle de la chaudière, avec deux becs à chaque ; ils deviendroient aussi avantageux que les deux rangées de chapiteaux dans la construction de l’alambic, fig. 4. La forme ovale est un obstacle considérable ; tout ce qui s’écarte de la forme ronde, est impraticable aux chaudronniers.

Le troisième genre de chapiteau pour l’alambic-baignoire, fig. 10, a quatre becs IIII. Les couvercles des deux premiers alambics, dit M. Baumé, ont l’inconvénient de présenter aux vapeurs qui s’élèvent de la chaudière, beaucoup de parties pleines entre les chapiteaux qui retardent les vapeurs dans leur marche, pour enfiler le canal de la distillation ; c’est pour remédier à cet inconvénient, que je propose un seul chapiteau de même ouverture que celle de la chaudière, & dans l’intérieur duquel rien ne s’oppose à l’ascension des vapeurs.

L’intérieur de ce chapiteau contient une gouttière de deux pouces de large & autant de profondeur, ayant une pente vers les becs pour conduire la portion de liqueur qui se condense. Ce chapiteau doit être amovible ; la partie qui doit reposer sur la chaudière sera garnie en K, fig. 11, qui est le même chapiteau, vu de profil, d’un cercle de cuivre bien dressé, d’environ neuf lignes quarrées, sans aucune moulure.

Les bords de la chaudière de cet alambic doivent être aussi garnis d’un semblable cercle sans moulures, pour que les deux pièces s’emboîtent l’une dans l’autre, & que les deux cercles joignent très-exactement l’un sur l’autre. Les quatre becs du chapiteau, fig. 10 & 11, doivent avoir chacun six pouces de diamètre en L, & se terminer à deux pouces par l’extrémité pour entrer dans quatre serpentins de deux pouces de diamètre chacun, dans toute leur étendue.

À la partie supérieure du chapiteau M, fig. 10 & 11, on pratique une douille de cuivre tournée, de deux pouces de diamètre, par laquelle on introduit, dans l’alambic, la liqueur à distiller. On se sert pour cela d’un entonnoir qui a un tuyau assez long pour descendre de quelques pouces au dessous de la gouttière, afin qu’en chargeant l’alambic, il n’entre rien dans la gouttière.

La construction des trois alambics proposés par M. Baumé, est très-coûteuse, soit à cause des masses de cuivre qu’il faut tourner, soit par rapport à la difficulté de trouver des chaudronniers assez industrieux pour donner la forme prescrite à chaque pièce. M. Baumé convient qu’il a eu les plus grandes peines pour les faire exécuter sous ses yeux, & même dans la capitale du royaume, où l’on trouve les artistes les plus instruits & les plus exercés. À quelle dure extrémité ne seroit-on pas réduit dans les provinces ? il faudroit donc ou faire venir les ouvriers, ou tirer les alambics tout construits ? Certes, les frais de voiture, les douanes de Lyon, de Valence, les péages, les huit sols pour livre, l’entrée des provinces réputées étrangères, &c. augmenteroient excessivement leur prix. Cependant, si, en dépensant beaucoup d’argent, on étoit assuré de la réussite dans les opérations, on ne regarderoit pas de si près au sacrifice.

Le premier & le second alambic, ne peuvent être comparés au troisième. L’expérience prouve que plusieurs ouvertures ou becs, pratiqués dans un chapiteau, se nuisent mutuellement, & que le courant des vapeurs passe irrégulièrement, tantôt plus ou moins par un bec que par un autre ; enfin, que les uns fournissent constamment beaucoup, & les autres donnent très-peu.

Le troisième seroit le moins défectueux. D’après les proportions données par M. Baumé, on en a construit un semblable ; mais, soit défaut dans la construction, soit à cause des quatre becs, il n’a pas répondu à l’attente ; enfin, on en a abandonné l’usage.

Une pièce assez inutile dans ces trois alambics, est la gouttière indiquée pour l’intérieur des trois chapiteaux. Les vapeurs ne se condensent point dans les chapiteaux de la forme prescrite ; il suffit, lorsque la chaudière est en train, de porter la main sur un chapiteau, & on se convaincra facilement, en le touchant, que la chaleur du cuivre est trop forte pour permettre la condensation : on ne tiendroit pas la main sur ce chapiteau pendant une seconde. Si le chapiteau étoit recouvert par un réfrigérant, la gouttière seroit utile & même nécessaire. La fraîcheur de l’eau, ou l’inégalité marquée de chaleur de l’eau & du cuivre, fait condenser la vapeur, la réduit en eau, & cette eau coule dans le serpentin. Dans les trois premiers, la vapeur ne se condense que dans le serpentin.

Quoique l’évaporation ne s’exécute que sur la surface de la liqueur, cependant ce n’est pas le plus ou moins grand nombre d’ouvertures pratiquées sur la platine des deux premiers chapiteaux, présentés par M. Baumé, qui favorise spécialement l’élévation des vapeurs, puisque dans les chaudières ordinaires, la vapeur monte très-bien dans le chapiteau. Elle y monteroit mieux, il est vrai, si le collet étoit plus large, & surtout si le bec du chapiteau étoit presque aussi large que lui. Ce seroit encore mieux, comme nous l’avons déjà fait observer, si l’ouverture supérieure avoit la même ouverture que le bec, & si cette largeur alloit toujours en diminuant dans la pipe, proportion gardée, avec le nombre des spirales, parce que c’est dans la pipe & non dans le chapiteau que s’exécute véritablement la condensation des vapeurs par le secours de l’eau.

Il faut revenir, en partie, à la forme ordinaire des alambics, donner à la cucurbite plus de largeur, moins de profondeur, élargir le collet, le bec du serpentin, & son diamètre dans la partie plongée dans la pipe. À cet effet, on doit donner plus de hauteur à la pipe, & tenir les spirales en raison de cette hauteur.

L’alambic de M. Baumé suppose un fourneau convenable, soit pour le chauffer au bois, soit avec le charbon de terre. Voici les proportions qu’il donne à ce fourneau.



Du fourneau au bois. (Voyez Pl. 10.) La fig. 1 représente le plan intérieur jusqu’au dessus de la porte du fourneau, avec les barres de fer qui doivent supporter la chaudière. La fig. 2 représente l’intérieur de la partie supérieure du fourneau. La fig. 3 représente l’élévation du fourneau vu de face.

Lorsque l’aire du fourneau est élevée, d’abord en moellon, & ensuite en briques, à la hauteur qu’on juge à propos, ordinairement à un pied au dessus du terrain A, fig. 3, on élève tout autour, des murs en briques de douze pouces de hauteur & d’un pied d’épaisseur, en observant de pratiquer au devant une porte de douze à treize pouces, quarrée, garnie d’un bon chassis de fer, ayant deux gonds & un mentonnet pour recevoir une porte de forte tôle, garnie de deux pentures & d’un loqueteau. À mesure qu’on élève le fourneau, on scelle ce chassis qui doit avoir quatre grandes griffes aux quatre angles, pour être scellé solidement dans la maçonnerie.

On observe pareillement en B, fig. 1, de commencer la cheminée de toute la largeur du fourneau ; on la fait en glacis, à commencer à quatre pouces au dessus de l’aire du fourneau.

Lorsque les murs parallèles sont élevés, on pose sur le milieu deux barres de fer plat de chaque côté, dans leur longueur CC, DD, fig. 1. Ces barres de fer plat sont destinées à supporter les dix barres de fer qui traversent le fourneau, & sur lesquelles doit poser la chaudière. Ces dernières doivent avoir deux pouces d’équarrissage, afin qu’elles puissent supporter tout le poids de la chaudière. On en met un nombre suffisant pour les espacer de pied en pied ou environ. Les bandes de fer plat posées sur la maçonnerie & sur lesquelles posent les traverses, servent à empêcher que le poids de la chaudière soit supporté sur la maçonnerie par un plus grand nombre de points : sans cette précaution, le fourneau seroit sujet à se tasser dans les endroits où reposent les barres de fer ; l’aplomb & le niveau de la chaudière se dérangeroient. Au moyen de cette disposition, il doit rester douze pouces de hauteur depuis l’aire du fourneau jusqu’au dessous des barres, & quatorze pouces de hauteur depuis la même aire jusqu’au fond de la chaudière, parce que les barres de fer doivent avoir deux pouces d’équarrissage ; ainsi, le foyer doit avoir quatorze pouces de hauteur, si le fourneau est destiné à brûler du bois. Si on lui en donne davantage, on perd de la chaleur inutilement ; si on lui en donne moins, le fond de la chaudière se remplit de suie, & le fourneau est fort sujet à fumer.

Ce fourneau n’a pas besoin de grille ; une grille affame le feu, en laissant passer la braise en pure perte à mesure qu’elle se forme, & elle met dans le cas de consommer beaucoup plus de bois.

Lorsque ce fourneau est élevé à cette hauteur, & que les barres de fer sont posées, on place la chaudière, en ayant l’attention de partager également, & tout autour l’espace ou vide qui doit régner entre les parois de la chaudière & celles du fourneau ; ensuite, on continue d’élever le fourneau jusque vers la moitié de la hauteur de la chaudière, en laissant le même vide ; alors on élève encore deux rangées de briques tout autour de la chaudière, & on les applique contre ses parois ; enfin, ce sont ces deux derniers lits de briques qui ferment & terminent la hauteur du fourneau.

En construisant le fourneau, on observe de continuer la cheminée. Cette continuation est représentée en B, fig. 2, qui est supposée s’adapter sur la fig. 1.

La prolongation de la cheminée, au dessus du fourneau, est représentée en L, fig. 3. La trop grande capacité de la cheminée ne doit pas donner de l’inquiétude, parce qu’on empêche le tirage trop fort par une tirette K, fig. 3, qu’on pratique dans l’intérieur de la cheminée, à un pied ou un pied & demi au dessus du fourneau. Cette tirette est formée par un chassis de fer à coulisse qu’on place dans l’intérieur de la cheminée en la construisant, & d’une plaque de tôle qui glisse dans ce chassis pour boucher la totalité ou une partie de la capacité de la cheminée ; ainsi, on règle le feu à volonté. On observe l’instant où la fumée cesse de sortir par la porte du fourneau, & celui où le courant d’air l’empêche de refluer, fait la juste proportion de l’ouverture qu’il convient de donner au passage de la fumée.

La fig. 4 représente l’alambic complet dans son fourneau. On voit par les lignes ponctuées A, B, jusqu’où descend la chaudière dans le fourneau.

C, est la tirette pour régler le feu ; A, est la tuyère par laquelle on vide la chaudière.

D D, sont les becs du chapiteau ; E, est le tuyau par où l’on remplit l’alambic ; F, la porte du fourneau.

M. Baumé offre encore le modèle d’un autre fourneau propre à brûler du bois. ( Voyez Pl. 11, fig. 1 ) Il est rond dans son intérieur, parce qu’il est destiné à recevoir une chaudière ronde. Il est construit sur les mêmes principes & dans la même proportion, que le premier fourneau. Il règne autour de la chaudière une espace vide de deux pouces ; le foyer a également quatorze pouces de hauteur. Ce que l’on a dit suffit pour faire connoître le méchanisme de celui-ci.

Du Fourneau au charbon de terre. (Voyez Pl. 10, fig. 1.) Elle représente la première partie du fourneau dont on va donner la description.

La fig. 6 représente la même élévation de ce fourneau, jusqu’à la hauteur des barres qui supportent la chaudière.

Sur un massif bien solide, on commence par former une aire en briques, qu’on élève à la hauteur qu’on veut : nous la supposons de quatre pouces au dessus du terrain. Sur cette aire, on élève deux massifs A B d’un pied de hauteur, & de deux pieds & demi de large chacun, & de toute la longueur du fourneau, qu’on suppose avoir seize pieds de long. Il reste par conséquent un vide dans le milieu, d’un pied de large, & d’un pied de hauteur en C ; c’est ce vide qui forme le cendrier. On peut, si l’on veut, lui donner plus de hauteur : le fourneau en chauffera davantage ; mais celle que l’on propose suffit, parce qu’on n’a pas besoin d’un feu de verrerie.

En construisant ce fourneau, on scelle au devant du cendrier un chassis quarré de fer, garni de deux gonds & d’un loqueteau pour recevoir une porte de tôle, afin de boucher à volonté le cendrier du fourneau.

Lorsque le fourneau est élevé à cette hauteur, on pose au dessus du cendrier des barreaux de fer en travers, d’un pouce d’équarrissage, & de deux pieds de long, afin qu’il y ait au moins six pouces de chaque côté, renfermés dans les briques ; ce sont ces barreaux qui forment la grille. On les espace d’environ sept à huit lignes les uns des autres ; & on peut, si l’on veut, les poser en diagonale, afin que la cendre puisse mieux passer au travers. Dans ce cas, il faut aplatir les bouts qui posent sur les briques ; sans cette précaution, il seroit difficile de les arranger solidement. Cette grille est représentée dans la fig. 3, Pl. 10, sur une longueur de douze pieds, qui est celle de la chaudière.

Lorsque la grille est arrangée, on continue d’élever le fourneau à dix pouces de hauteur, mais en glacis, comme il est représenté dans la fig. 6. Ce glacis doit être plus large par le haut de deux pouces de chaque côté, que n’est la chaudière qui doit entrer dans le fourneau, afin qu’il reste cette quantité d’espace par où la chaleur puisse circuler autour. En formant cette élévation, on observe de pratiquer au devant une porte d’un pied quarré, garnie, comme celle du cendrier, d’un fort chassis de fer, & d’une porte de tôle. On observe pareillement de commencer la cheminée au niveau de la grille en Q, fig. 5, & de lui donner un pied quarré.

On pose ensuite sur le milieu des murs du glacis, & dans toute leur longueur, une bande de gros fer plat de chaque côté ; & sur ces bandes, on pose l’extrémité de dix barres de fer de deux pouces d’équarrissage, qui traversent presque la totalité du fourneau, ainsi qu’elles sont représentées dans la fig. 5. C’est sur ces barres qu’on pose la chaudière. Au moyen de cette disposition, le foyer du fourneau se trouve avoir douze pouces & demi de hauteur depuis la grille jusqu’au cul de la chaudière.

On continue d’élever le fourneau pour envelopper à peu près un peu plus que la moitié de la hauteur de la chaudière, & on observe, comme dans le premier fourneau, de laisser tout autour un espace de deux pouces entre les parois de la chaudière & celles du fourneau. On observe également de pratiquer la cheminée, à mesure que le fourneau s’élève ; on peut, si l’on veut, la faire plus large qu’un pied quarré, mais cela est inutile, parce que le charbon de bois ou de terre ne fait pas de suie qu’il faille ôter, comme dans les cheminées qui reçoivent la fumée du bois.

La hauteur de la cheminée est indifférente ; il suffit qu’elle n’ait pas moins de six pieds. On peut lui donner plus de hauteur, si le local l’exige.

On pratique de même une tirette comme dans la cheminée du premier fourneau, pour régler le courant d’air, avec cette différence que celle-ci est tournante sur son axe au lieu d’être à tiroir, comme le sont celles dont on a parlé. Cette disposition est plus avantageuse pour distribuer uniformément le courant d’air, & par conséquent pour appliquer la chaleur également. Elle est praticable dans les fourneaux à charbon, parce qu’il ne se forme pas de suie combustible qu’il faille ôter ; mais elle seroit embarrassante dans les fourneaux à bois, parce qu’elle est à demeure ; & ne pouvant sortir de la cheminée, elle feroit obstacle au ramonage. Comme cette tirette tourne sur son axe, on pratique une roue dentée hors de la cheminée, pour la fixer ouverte au point qu’on desire, à l’aide d’un crochet scellé dans la muraille qui s’introduit dans les dents. (Voyez la disposition de cette tirette & la cheminée K, fig. 7) Elle est armée d’un anneau par dehors pour pouvoir la tourner commodément.

Cette fig. 7 représente la totalité du fourneau garni de sa chaudière sans chapiteau, ayant la liberté de choisir celui que l’on voudra dans les trois chapiteaux représentés pl. 9.

A B, fig. 7, pl. 10, sont les portes du fourneau. C, est la tuyère par où se vide la chaudière. Les lignes ponctuées D C marquent l’endroit jusqu’où descend la chaudière.

Les fourneaux dans lesquels on se propose de brûler du charbon de bois, doivent avoir une grille ; sans cela le charbon ne brûleroit que jusqu’à un certain point, & le feu s’étoufferoit. Les barres qui la composent doivent avoir un pouce d’équarrissage.

L’intérieur de ce fourneau au dessus du cendrier, forme depuis la grille jusqu’aux barres qui doivent supporter la chaudière, un triangle dont l’angle inférieur est tronqué, comme la fig. 6 le représente O O D D. Cette forme est commode dans les fourneaux où l’on se propose de brûler du charbon, soit de terre, soit de bois, & dans lesquels la nécessité n’oblige pas d’appliquer un feu de verrerie. Au moyen des deux plans inclinés qu’a le foyer, on peut facilement ramener la matière combustible sur la grille. Si ce foyer avoit toute la largeur du fourneau, le charbon brûleroit mal ; ou pour qu’il brûlât bien, il faudroit en mettre, dans toute son étendue, une épaisseur suffisante qui produiroit beaucoup plus de chaleur qu’on n’en a besoin. Néanmoins cette forme n’est pas la plus avantageuse, lorsqu’il convient d’appliquer la chaleur bien uniformément dans toute l’étendue du fourneau. M. Baumé a observé dans les sublimations des matières sèches, faites en grand, que la chaleur s’élève suivant les lignes ponctués A A, B B, fig. 8, & que les espaces compris entre ces mêmes lignes & les parois du fourneau, reçoivent beaucoup moins de chaleur, Les sublimations ne s’y faisoient pas, tandis qu’il arrivoit souvent que la chaleur étoit trop forte dans le milieu du fourneau. M. Baumé dit qu’il n’en est pas de même à l’égard des fluides qu’on veut mettre en évaporation. La chaleur se communique de proche en proche, sans qu’on soit obligé de l’appliquer localement, comme lorsque l’on opère sur des matières sèches.

L’assertion de M. Beaumé n’est pas fondée. La chaleur agit également sur le sec comme sur l’humide, & l’expérience de ses sublimations prouvoit l’inutilité, au moins partielle, si je ne dis pas presque totale, de ce vide que l’on laisse toujours entre la chaudière & les parois du fourneau, Il vaut donc mieux, comme je l’ai dit plus haut, appliquer directement la flamme contre la chaudière, en ménageant une spirale formée par des briques tout autour.

La description des fourneaux & des alambics, donnée par M. Baumé dans un ouvrage intitulé : Mémoire sur la meilleure manière de construire les alambics & les fourneaux propres à la distillation des vins pour en tirer les eaux-de-vie ; Paris, in-8o. parut au mois d’Octobre 1778, & son Mémoire avoit été couronné par la société d’émulation, au mois de Juin de la même année, & fut imprimé dans le cahier de Juillet du Journal de Physique 1778, sur le manuscrit envoyé par M. Baumé à la société d’émulation. Il corrigea lui-même les épreuves du Journal sur son propre manuscrit ; malgré cela, dans la gazette de France du 26 Octobre, il désavoue la première édition, c’est-à-dire, l’impression faite dans le Journal de Physique. Quel a pu être le but d’une démarche si extraordinaire ? Le voici : les modèles des fourneaux & des alambics ne sont point les mêmes que ceux qu’il avoit présentés à la société, & qu’on peut voir dans son cabinet de machines. Tous ses fourneaux & ses alambics avoient une forme elliptique très-renflée dans le centre, comme on peut le voir dans la gravure du Journal de Physique du cahier de Juillet 1778, faite d’après ses modèles en reliefs. On lui prouva que de toutes les constructions de fourneaux, & par conséquent des alambics-baignoires, la forme elliptique est la plus désavantageuse, parce que la flamme & la chaleur suivent le courant d’air qui se trouve entre la porte du fourneau & l’ouverture de la base de la cheminée ; par conséquent il y auroit eu plus des deux tiers de la chaudière qui n’auroit pas éprouvé l’action directe du feu, de la flamme & de la chaleur. Pour réparer ce vice fondamental de construction, M. Baumé a changé, avec raison, cette forme dans les gravures de sa nouvelle édition, & a donné aux fourneaux & aux alambics des côtés parallèles & droits ; malgré cela, les fourneaux ont encore le défaut d’être trop larges en comparaison du véritable diamètre du courant d’air, de flamme & de chaleur.



Section II.

De l’Alambic & des Fourneaux proposés par M. Moline, prieur-chefcier de la Commanderie de Saint Antoine, Ordre de Malte, à Paris. (Voyez fig. 2, pl. 11.)

Fourneau. Corps du fourneau IIII, fig. 2, garni de ses alambics, & de tout ce qui en dépend ; & fig. 3, fourneau dont on a enlevé les alambics.

2. Porte de tôle sur un chassis de fer. (Examinez toujours les fig. 2 & 3.)

3. Porte du cendrier, pratiquée dans la grande porte.

4. Grille en fer, fig. 3.

5. Portes intérieures, fig. 3, pour un fourneau à charbon de terre. En poussant ces deux portes intérieures contre le mur où elles se noyent, alors le fourneau sert pour le bois ; c’est donc un fourneau propre aux deux usages.

6. Communication, fig. 3, du fourneau dans le bain ou galère des alambics.

Intérieur du bain. Conducteurs de la chaleur, de la flamme, de la fumée, 7 7, fig. 3.

8. Recoupe dans les murs extérieurs pour supporter les alambics & les encaisser.

9. Mur de séparation des deux conducteurs de la flamme ; ce mur supporte une portion de toute la longueur des alambics.

Cheminée. 10, fig. 3, bouches de la cheminée ; 11, corps de la cheminée ; 12, tirette en bascule pour le charbon.

Murs extérieurs, 13, fig. 3.

Robinet & tuyau ou tuyère, 14, fig. 4 ; il traverse & est maçonné dans l’épaisseur du mur no 13, fig. 3, & il communique à la partie inférieure de l’alambic, dans l’endroit où cette partie est la plus inclinée. Ce robinet ou ces tuyères, s’il y a plusieurs alambics, doivent être parfaitement soudés avec le corps des alambics, & ils servent à les débarrasser de la vinasse ou décharge après que la distillation est finie.

Alambics. Si on veut déplacer les quatre alambics de la fig. 2, pour voir les conducteurs de la flamme 7 7, fig. 3, il faut alors détruire la maçonnerie qui enchasse les tuyères 14, fig. 4.

Le corps de l’alambic ou des alambics 16, fig. 2, est noyé dans le mur jusqu’à l’endroit où il s’emboîte avec son couvercle, & dans l’autre il porte sur le mur 9, fig. 3, qui se trouve entre les deux courans de flamme.

Son couvercle est bien luté avec le corps de l’alambic, & ne s’enlève que lorsque l’alambic ou la maçonnerie ont besoin de réparation. On sent que ce couvercle doit être exactement luté pour empêcher la sortie des vapeurs.

Le col du chapeau ou chapiteau 17, fig. 4, tient avec le couvercle, & fait une seule pièce avec lui ; son extrémité commence dans le chapiteau à former la gouttière que l’on connoît trop pour la décrire ici.

Le réfrigérant, 18, fig. 2 & 4.

Bec du serpentin, qui s’emboîte dans le tuyau de la gouttière A, fig. 2 & 4, du chapiteau. Ce tuyau doit être parfaitement soudé avec lui & exactement luté dans l’endroit de son insertion avec le serpentin.

Tuyau du réfrigérant, 20, fig. 2, qui sert, 1o. à envelopper le serpentin & son bec ; 2o. à conduire l’eau du réfrigérant dans la pipe.

Ouverture 21, fig. 2 & 4, fermée par un tampon de bois garni de filasse, par laquelle on charge l’alambic. Cette ouverture sert encore à mesurer s’il est chargé dans la proportion convenable. Le tampon doit boucher exactement, & il vaudroit encore mieux qu’il fût à vis dans son écrou.

Pipe du serpentin 22, fig. 2 & 5. Cette pipe ou tonneau est en bois de chêne, cerclé en fer, monté sur un massif de maçonnerie B, fig. 2 & 5, qui ne doit pas toucher le mur du bain des alambics, afin de ne pas participer à sa chaleur.

Serpentin en étain pur 23, fig. 5, garni de ses supports pour qu’il ne vacille point. Prolongation 25, fig, 5, du serpentin qui conduit les vapeurs jusque dans le bassiot 29, fig. 2 & 5.

Tuyau conducteur 25, fig. 5, de l’eau de la pipe du serpentin dans celle du bassiot, & enveloppant la prolongation du serpentin.

Pipe du bassiot 26, fig. 2 & fig. 5, également en bois de chêne & cerclée en fer. Au bas du bassiot est une cannelle 27, fig. 2 & 5, par laquelle s’échappe l’eau de la pipe dans une rigole pratiquée exprès pour conduire cette eau hors de la brûlerie.

Bassiot 29, fig. 2, 5 & 6 ; il est en bois de chêne mince & cerclé en fer : il est plongé dans sa pipe qui le surmonte de quelques pouces, & l’eau de cette pipe recouvre le bassiot.

Couvercle 30, fig. 6 ; s’il étoit en étain & fermant avec un écrou, il empêcheroit plus exactement toute communication de l’eau de la pipe avec l’eau-de-vie. On peut le faire en bois pour plus d’économie, pourvu qu’il ferme bien. 31 Tuyau qui reçoit la base du serpentin, & par conséquent l’esprit ardent qui distille ; ce tuyau doit descendre presque jusqu’au bas du bassiot. 32 Tuyau adapté au couvercle du bassiot par où s’échappe l’air qui sort du vin pendant la distillation. Ces deux tuyaux doivent surmonter la pipe, afin d’empêcher l’eau, dont cette pipe est remplie, de pénétrer dans le bassiot.

Conducteurs 34, fig. 2, de l’eau dans les réfrigérens. Il est ici supposé que par un puits à roue, ou par une fontaine, ou par un réservoir, on peut à volonté & à cette hauteur faire couler l’eau.

M. Moline propose un autre genre de bain beaucoup plus simple que le premier. Voyez fig. 7. Ouverture du fourneau 35 ; conducteur de la flamme & de la fumée 38, qui se prolonge jusque dans la cheminée 37, garnie d’une tirette 36, c’est-à-dire que la cheminée est placée à côté du fourneau, & que la flamme ne parvient à la cheminée qu’après avoir parcouru les deux parties de la galère, séparées presque jusqu’au bout par un mur. De ces détails, passons aux proportions des pièces & aux motifs qui ont déterminé leur forme & nous finirons le tout par quelques observations particulières.

M. Moline établit trois principes pour justifier la forme de ses fourneaux & de son alambic : il n’y a point de distillation sans évaporation, il n’y a point d’évaporation sans courant d’air, enfin l’évaporation ne s’exécute que par les surfaces. Ce n’est pas le cas de discuter dans ce moment ces trois principes ; nous nous en occuperons au mot Distillation.

La longueur totale de chaque alambic est de 5 pieds 6 pouces, & sa largeur est de 2 pieds 6 pouces.

La hauteur de la chaudière proprement dite est d’un pied six pouces, & les six pouces servent à emboîter le chapiteau par dessus.

La voussure du chapiteau est de huit pouces, son col ou collet de six pouces de hauteur.

La tête de more, ou chapiteau, a un pied de diamètre, & dans sa plus grande largeur un pied & demi.

L’emboîtement de la chaudière dans la recoupe du mur est de trois pouces de chaque côté.

Le fourneau, moyennant ses deux doubles portes, peut servir pour le bois & pour le charbon. L’épaisseur de ses murs est d’un pied six pouces ; sa profondeur intérieure de quatre pieds six pouces. Lorsqu’on voudra faire usage du charbon de terre, il suffira de le raccourcir en fermant les deux portes placées dans la partie intérieure du fourneau, & de couvrir d’une plaque de fer ou de fonte la partie du cendrier qui devient inutile. La grande & la petite porte extérieure du fourneau resteront ouvertes ou fermées suivant le besoin, & ces portes empêcheront toute évaporation de fumée dans la brûlerie.

La largeur intérieure du fourneau est de deux pieds.

La hauteur du cendrier, garni de sa grille, est de six pouces ; l’inclinaison du cendrier également de six pouces. On auroit pu, à la rigueur, ne donner aucune inclinaison au cendrier ni aux canaux de la flamme qui passent sous les alambics, puisque le fourneau des distillateurs des eaux-fortes, qui ont quinze pieds de longueur & même plus, n’en a point ; cependant la cheminée attire mieux, quand il y a un plan légérement incliné.

De la grille au toit du fourneau, la hauteur est d’un pied six pouces. Ce toit a la même inclinaison que le cendrier, & est plus bas que les canaux, ou la galère, afin que la fumée, la flamme & la chaleur enfilent plus commodément & avec moins d’obstacle les conducteurs, L’inclinaison de la bouche des conducteurs au sol du cendrier, est d’un pied huit pouces.

De l’extérieur du bain des alambics. M. Moline se sert du mot bain, comme on dit bain de sable, bain-marie, &c. parce qu’il faut distinguer cette maçonnerie de celle du fourneau proprement dit, tandis que dans les alambics ordinaires la maçonnerie sert également au fourneau & à l’enceinte de l’alambic. Le total de la maçonnerie du bain, en comprenant tous les murs, est de quatorze pieds quatre pouces ; la largeur, en y comprenant les murs, est de huit pieds ; l’épaisseur des murs jusqu’à la recoupe, est d’un pied six pouces.

De l’intérieur du bain des alambics. La longueur est de onze pieds deux à quatre pouces. Il faut cette différence d’un à deux pouces, parce qu’on ne peut répondre de la parfaite exactitude de l’ouvrier qui exécute les chaudières. Au reste, le petit vide qui se trouvera aux extrémités quand les alambics seront placés, sera bouché par un ciment bien corroyé, qui remplira exactement les interstices entre la chaudière & la maçonnerie.

Largeur, quatre pieds six pouces.

Recoupe, sur les parois des conduits de trois pouces & quelques lignes. Cette recoupe sert à porter les alambics, & ils sont par ce moyen supportés dans toute leur longueur, sans recourir à des barres de fer. Cependant on pourroit, absolument parlant, si l’on craignoit que la portée de cinq pieds six pouces qu’ont les chaudières fût trop considérable, & que le poids du vin les fît bomber dans le milieu, soutenir ce milieu par une traverse qui s’enchasseroit dans le mur extérieur, & porteroit de l’autre bout sur le mur de séparation placé dans le milieu du bain. Ces traverses sont assez inutiles.

La bouche de chaque conduit de chaleur a un pied quatre pouces. Le mur de séparation, dans le milieu du bain, a six pouces d’épaisseur. Les murs de côté doivent couvrir à un pouce près la chaudière proprement dite, c’est-à-dire à un pouce près de l’endroit où le chapiteau s’emboîte avec la chaudière. Les dégorgeoirs dans la cheminée, sont chacun d’un pied en quarré.

On sent combien il est important d’avoir une terre bien corroyée pour servir de lien aux briques employées dans les murs du fourneau & du bain, & de ne laisser aucun vide entre les briques. Il est essentiel que l’intérieur du fourneau & des conduits de chaleur soit garni d’un ciment bien lissé, afin que la flamme & la chaleur ne trouvent pas ces petites rugosités qui s’opposent toujours à la vîtesse de leur marche ; ce corroi servira également pour ne laisser aucun jour entre un alambic & son voisin ; & dans la supposition de quelques gerçures qui laisseroient un passage à la chaleur ou à la fumée pendant l’opération, il sera aisé d’y remédier en insinuant ce corroi humide, & par dessus un sable fin, si la chaleur de l’alambic le desséchoit trop promptement.

Il reste à parler de l’inclinaison que doivent avoir les conduits de la flamme.

On vient de dire que le bain avoit dans son intérieur onze pieds quatre pouces ; mais comme les parois de ce bain & la surface du mur intérieur qui porte les alambics, doivent avoir une inclinaison, il faut qu’elle soit douce, sans quoi une partie de la base de l’alambic resteroit vide dans la distillation, tandis que l’autre auroit encore beaucoup de liqueur à distiller, & la partie vide brûleroit & se calcineroit. Or, dans cet état, le fond de la chaudière sera toujours recouvert par ce qu’on appelle baissière, vinasse, résidu du vin, qui ne donne plus d’esprit ardent, mais une simple liqueur, qui a un goût acide tartareux & résineux. Deux lignes par pied seront suffisantes. Cette inclinaison produit deux avantages ; le premier est de faciliter les progrès de la flamme & de la chaleur ; le second est de pouvoir faire sortir par la fontaine ou décharge, pratiquée dans la partie la plus basse de la chaudière, toute la vinasse qu’elle contient après la distillation, afin d’en recommencer une nouvelle.

De la cheminée. Son diamètre de l’intérieur dans le bas, est de deux pieds. La largeur intérieure de six pouces, est aussi large & aussi profonde dans le haut que dans le bas. L’épaisseur de ses murs de six à huit pouces, objet arbitraire.

La tirette, ou coulisse pratiquée dans le bas de la cheminée, doit être placée directement au dessus de la bouche des conducteurs de la flamme & de la chaleur, afin de fermer l’intérieur de la cheminée, & intercepter le courant d’air. Quand l’intérieur du fourneau & des conducteurs est bien échauffé & lorsque le bois est réduit en braise, on pousse cette tirette, la chaleur reste concentrée dans le fourneau, & suffit pour continuer la distillation.

Du réfrigérant. Dans toutes les grandes brûleries de l’Europe, on a supprimé l’usage du réfrigérant sur le chapiteau ; cependant M. Moline insiste à le rétablir à son ancienne place, parce qu’à l’exemple des liquoristes, on obtient une eau-de-vie plus dépouillée de mauvais goût & de mauvaise odeur. Ce réfrigérant doit prendre près de la naissance du chapiteau, & à un demi-pouce au dessous de l’endroit où la gouttière est placée intérieurement. Il environne de toute part le chapiteau, & entr’eux il se trouve un vide de quatre pouces que l’eau remplit. Le réfrigérant s’élève à trois ou quatre pouces au dessus du chapiteau, de manière qu’il est entièrement couvert par l’eau amenée par la conduite. Ce réfrigérant est percé d’un trou à sa base, par où passe le bec du chapiteau qui doit communiquer au serpentin, & ce bec est enveloppé du tuyau propre du réfrigérant ; de sorte que ce bec est environné par l’eau qui s’échappe du réfrigérant par son propre tuyau, & qui se continue jusqu’à ce qu’il trouve l’endroit du serpentin qui plonge dans l’eau de la pipe. Ainsi, en supposant que la conduite d’eau donne deux pouces d’eau dans le réfrigérant, son tuyau en dégorge autant dans la pipe du serpentin.

De la pipe du serpentin, & de celle du bassiot. M. Moline exige, avec raison, que la première soit plus grande, plus vaste que les pipes ordinaires, où l’eau s’échauffe trop facilement. La grandeur de la pipe engage à donner plus de volume au serpentin ; au bas de cette pipe est un tuyau par lequel passe la dernière extrémité du serpentin qui va gagner le bassiot. C’est par le moyen de ce tuyau, que l’eau de la pipe s’écoule dans le bassiot, en accompagnant toujours le serpentin ; & par conséquent, le rafraîchit sans cesse depuis son union au bec du chapiteau jusqu’au bassiot.

Du bassiot. M. Moline exige qu’on ajoute une pipe au bassiot, toujours dans la vue de maintenir la fraîcheur, & de procurer par-là l’entière condensation des esprits, afin qu’il ne s’en évapore point. Son bassiot est garni de deux tuyaux, l’un qui s’adapte, au bas du serpentin, & plonge presqu’entièrement au fond du bassiot ; & l’autre, pour laisser échapper la grande quantité d’air qui se dégage pendant la distillation. Ce second tuyau sert encore à mesurer la quantité d’esprit qui a coulé dans le bassiot. Un morceau de liége sert de base à une règle de bois implantée dans ce liége ; cette règle est graduée par pouces, & on sait combien chaque pouce d’élévation suppose de pintes d’esprit dans le bassiot. À mesure que l’esprit coule, le liége s’élève, & la règle par conséquent : de manière que, sans mesurer, on connoît le nombre de pintes que le bassiot a reçu.

Ces détails offrent des particularités dont on peut tirer un grand parti, & quelques défauts dont il faut se préserver. Le fourneau, n°. 7, Pl. 11, est bien simple & la flamme & la chaleur qui reviennent presqu’au point d’où elles sont parties, leur donnent le tems d’agir directement sous les chaudières, & de ne pas se perdre inutilement dans la cheminée.

La manière de faire, dans l’instant, d’un fourneau à bois un fourneau à charbon, est heureuse. Il faudroit supprimer la grille pour le bois, parce que la brasse tombe inutilement dans le cendrier. Une plaque de fer qu’on substitueroit & qu’on placeroit à l’instant sur la grille, suppléeroit à cet inconvénient.

Le défaut essentiel des alambics, est d’avoir leur collet trop étroit ; un diamètre du double de celui qui est prescrit, vaudroit beaucoup mieux.

Le courant d’eau froide qui prend depuis le réfrigérant, & qui accompagne le serpentin jusque dans le bassiot, est contraire à la bonne distillation. Lorsque, dans les laboratoires de chimie ou des liquoristes, on distille avec des alambics garnis de réfrigérans, on voit que, toutes les fois qu’on change l’eau chaude du réfrigérant, & qu’on lui en substitue de la froide, la distillation se ralentit & s’arrête pendant quelques minutes. Il faut que le chapiteau se réchauffe, pour qu’elle recommence comme auparavant. Cette eau froide, tout à coup jetée sur le chapiteau, fait condenser les vapeurs, & elles retombent en gouttes dans la chaudière. Voilà pourquoi elles ne peuvent pas s’arrêter dans la gouttière, & de là couler dedans par le bec du serpentin. Ce n’est donc pas à un vide parfait, qui s’exécute dans le moment, dans le chapiteau, qu’on doit attribuer la cessation ou le ralentissement de la distillation. Ce courant d’eau perpétuellement froide sur le chapiteau, nuiroit plus à la distillation qu’il ne lui seroit utile.


CHAPITRE IV.

Des Alambics pour la distillation des esprits.


C’est à M. Baumé qu’on doit cet alambic monté en grand. (Voyez Fig. 1, Pl. 11) Dans les grandes brûleries, on tire les esprits avec le même alambic qui sert pour les eaux-de-vie ; la seule attention est de modérer le feu, de manière que le filet qui coule soit toujours petit. La distillation des esprits, à égale quantité de liqueur, dure deux tiers plus de tems que celle des eaux-de-vie.

Première pièce. On fait faire un baquet de cuivre rouge, de six pieds de diamètre, & de deux pieds & demi de hauteur. Le chaudronnier peut facilement restreindre cette pièce, former par le haut un renflement, & rétrécir l’ouverture de cinq pouces, pour former ce qu’on nomme un bouillon P, fig. 1, Pl. 11. Ce bouillon sert à donner de la grâce à ce vaisseau, & à éloigner le bain-marie des parois de la chaudière. On pratique un collet N, de trois à quatre pouces de hauteur, couronné par un cercle de cuivre jaune ou rouge, tourné. Au fond, en O, on soude un tuyau d’un pouce & demi ou de deux pouces de diamètre, & de treize pouces de longueur, avec un collet tourné à l’extrémité, pour pouvoir le boucher commodément avec du liége. C’est par cette ouverture qu’on vide la chaudière. À la partie supérieure de la cucurbite P, on pratique une douille également tournée, de deux pouces de diamètre, & d’autant de hauteur ; c’est par cette douille qu’on remplit le vaisseau, sans le déluter ; on la bouche avec du liége.

Deuxième pièce. Le chapiteau doit avoir quinze pouces de hauteur au dessus du collet de la cucurbite. On pratique dans l’intérieur, une gouttière de deux pouces de profondeur, & de deux pouces de large ; ce chapiteau a la forme d’un cône très-aplati. On pratique à deux endroits, & au niveau de la gouttière, deux tuyaux Q Q, d’un pied quatre pouces de longueur, de huit pouces d’ouverture à l’endroit de la soudure, qui vont en diminuant, lesquels forment deux becs qui entrent de trois pouces, par l’extrémité, dans deux serpentins de deux pouces de diamètre dans toute leur étendue, lesquels doivent être plongés dans une grande cuve de bois ou de cuivre pleine d’eau froide.

La cucurbite & le chapiteau réunis, forment l’alambic propre à distiller à feu nud.

Troisième pièce. Lorsqu’on veut distiller au bain-marie, on introduit dans la cucurbite un second vaisseau d’étain ou de cuivre étamé, du même diamètre que celui de la cucurbite, & de deux pieds de profondeur ; on adapte par dessus le même chapiteau. Les trois pièces réunies, forment l’alambic propre à distiller au bain-marie. On remplit d’eau la cucurbite, & on met dans le bain-marie la liqueur qu’on veut distiller ; on lute les joints avec des bandes de papier, enduites de colle de farine ou d’amidon, ou avec la vessie coupée par bandes & bien mouillée.

Cet alambic peut servir à distiller à feu nud & au bain-marie ; dans l’un & l’autre cas, on adapte les serpentins aux becs du chapiteau : mais les vaisseaux n’ont pas la même hauteur dans les deux dispositions, parce que le bain-marie a un collet d’environ trois pouces, qui exhausse les vaisseaux d’autant. Si, après avoir distillé au bain-marie, on vouloit distiller à feu nud, on verroit que les becs des chapiteaux se rapporteroient à trois pouces au dessous de l’embouchure des serpentins ; il faudroit alors élever le fourneau de trois pouces, ou baisser les serpentins de pareille quantité, ce qui seroit absolument impraticable de la part du fourneau, qui doit être bâti en bonne maçonnerie de moellon & de brique. Les serpentins ne seroient pas moins incommodes à baisser, à cause de leur poids. On suppose les cuves ou pipes, de sept pieds de profondeur, & d’environ six pieds de largeur, ce qui produit un volume d’eau d’environ six mille huit cents quatre-vingts pintes, mesure de Paris. Une cuve de cette espèce n’est point maniable, lorsqu’elle est pleine d’eau. Pour parer à toutes ces difficultés, on a l’attention, en faisant bâtir le fourneau & les massifs des serpentins, de prendre ses dimensions avec l’alambic complet, c’est-à-dire les trois pièces réunies, chaudière, bain-marie & chapiteau ; on place les serpentins dans la direction des becs des chapiteaux, & on introduit dans le serpentin Q Q, Fig. 1, Pl. 11, un tuyau, soit de cuivre ou d’étain. Cette pièce se nomme ajoutoir ; elle doit entrer dans le serpentin d’environ six pouces, & va & vient pour unir le bec du chapiteau avec le serpentin, de manière qu’en la retirant, il en reste trois pouces dans l’ouverture du serpentin, & les trois pouces supérieurs sont pour le bec du chapiteau.

La disposition de ces vaisseaux est pour distiller au bain-marie ; mais lorsqu’il faut distiller à feu nud dans le même alambic, on ôte le bain-marie. Si on pose le chapiteau sur la chaudière, on s’appercevra qu’il est trop bas dans toute la hauteur du collet du bain-marie, & les becs du chapiteau ne peuvent plus s’unir avec les serpentins ; mais on fait pratiquer un cercle en cuivre ou en étain, de même diamètre que la chaudière, & de même hauteur que le collet du bain-marie. On adapte ce collet sur la chaudière, & on met le chapiteau par dessus : alors, on a la même hauteur que si l’on distilloit au bain-marie, & les becs du chapiteau se rapportent parfaitement bien avec l’ouverture des serpentins.

Chaque cuve du serpentin est garnie d’un robinet S S, Fig. 1, Pl. 11, pour les vider lorsque cela est nécessaire ; elle contient encore un tuyau de décharge ou de superficie T. Ce tuyau est destiné à évacuer l’eau chaude du serpentin, lorsqu’il convient de l’ôter. On met dans la cuve un entonnoir V, dans un tuyau qui descend jusqu’au bas. On fait tomber l’eau d’une pompe dans l’entonnoir. Comme l’eau froide est plus pesante que l’eau chaude, elle se précipite au fond, elle élève d’autant la surface de l’eau qui sort par le tuyau T de décharge ou de superficie. Cette méchanique est nécessaire pour les alambics de grande capacité, où l’eau contenue dans les serpentins n’est pas suffisante pour rafraîchir la totalité de la liqueur qui doit distiller, & où il faut changer d’eau pendant la distillation. Comme l’eau de la cuve ou pipe des serpentins s’échauffe par la partie supérieure, & de couche en couche, on peut, au moyen de cette machine fort-simple, ôter l’eau chaude quand il y en a.

On est redevable à M. Munier, sous-ingénieur des ponts & chaussées de la ville d’Angoulême, de la première idée de ce rafraîchissoir. On en voit la représentation dans la gravure, fig. 4, qui accompagne son mémoire inséré dans le Recueil des Mémoires sur la manière de brûler les eaux-de-vie, couronnés & publiés par la société d’agriculture de Limoges, en 1767. M. Munier le place à l’extérieur de la pipe, & M. Baumé à l’intérieur, ce qui revient à peu près au même.

Je desirerois, pour plus grande perfection, que, par ce tuyau, il coulât toujours une petite quantité d’eau, & que, par une échancrure au haut de la pipe, il s’échappât par un tuyau, la même quantité d’eau que celle qui coule par l’autre. Il en résulteroit que les vapeurs se condenseroient beaucoup mieux par une graduation de fraîcheur successive, & qui iroit toujours en augmentant, de sorte que l’eau froide du bas de la pipe feroit que le filet d’eau-de-vie qui coule par le bas du serpentin, seroit lui-même très-froid ; ce qui est un point des plus essentiels.

Au moyen de cet alambic chargé d’eau-de-vie commune, on retire l’esprit-de-vin par une ou par deux chauffes, suivant le degré de spirituosité qu’on desire.


CHAPITRE V.

Des Alambics pour la distillation des marcs de raisin et des lies.


Section première

Des Alambics pour la distillation des marcs.


M. Baumé propose, pour cet usage, l’alambic qu’on vient de décrire, Fig. 1, Planche 11, & voici comme il s’explique. « Il y a une quantité de marc provenant des substances fermentées qui sont ou entièrement perdues, ou dont on tire une petite quantité de mauvaise eau-de-vie, parce qu’elle a toujours une odeur ou une saveur désagréables, ce qui les a fait proscrire. » M. Baumé auroit dû ajouter, dans l’intérieur de Paris, & non en Lorraine, puisque la distillation des marcs forme une ferme attachée aux octrois de la plupart des villes de cette province. On en distille beaucoup en Franche-Comté, en Dauphiné, quelque peu en Languedoc, en Provence, dans la Brie, &c. (Voyez les mots Distillation, Marc.) La proscription s’étend, pour Paris, sur les eaux-de-vie de lie-de-vin, de cidre, de poiré ; cependant, lorsque ces substances sont traitées convenablement, elles fournissent une eau-de-vie qui n’est absolument point différente de celles qu’on obtient directement des vins. Les eaux-de-vie de marc ont toujours une mauvaise odeur, parce qu’elles sont distillées à feu nud. L’expérience a prouvé, dit M. Baumé, que, lorsque l’on distille ces marcs au bain-marie, l’eau-de-vie qu’on en retire n’a plus les mauvaises qualités qu’on lui reproche : elle est si semblable aux eaux-de-vie tirées immédiatement du vin, qu’il est absolument impossible de les distinguer. Cette assertion de M. Baumé est trop générale : nous l’examinerons tout-à-l’heure ; d’un autre côté, M. Baumé a reconnu, par l’expérience, que les marcs distillés au bain-marie, fournissent un tiers moins d’eau-de-vie que lorsqu’on les distille à feu nud.

D’après ces observations, M. Baumé a imaginé un moyen qui tient le milieu entre le feu nud & le bain-marie. Il mit cent livres de marc de raisin dans un panier d’osier qui avoit une croix de bois sous son fond d’environ deux pouces de hauteur. Ce panier fut placé dans un alambic de capacité suffisante, & on ajouta assez d’eau pour que le marc fût bien délayé ; par ce procédé, on retira de ce marc la même quantité d’eau-de-vie que celle obtenue d’une pareille quantité distillée auparavant sans panier, avec cette différence cependant, que l’eau-de-vie qui en résulta, n’avoit absolument point de goût étranger aux eaux-de-vie ordinaires ; enfin, elle n’avoit aucun des défauts qu’on reproche aux eaux-de-vie de marcs, Nous examinerons tout-à-l’heure cette assertion.

Comme ce panier d’osier ne résisteroit pas long-tems à ces opérations, M. Baumé propose un vaisseau plus commode. Il s’agit de faire un collet de cuivre semblable à celui de la partie supérieure du bain-marie, & d’achever la capacité de ce vaisseau en grillage de fil de laiton, ou bien faire faire un bain-marie en cuivre, & le découper, ainsi qu’il est représenté, Fig. 9, Pl. 10. Il est essentiel que ce grillage ne soit ni trop large, pour que peu ou point de marc ne passe à travers ; ni trop étroit, dans la crainte que le mucilage que produit le marc pendant la distillation, ne bouche les trous, ce qui empêcheroit le jeu de l’ébullition, & la liqueur de pénétrer le centre du marc ; une toile qu’on voudroit employer en place de ce vaisseau, auroit le même inconvénient. La fig. 10 représente le fond de ce vaisseau.

Si on se sert de l’alambic en forme de baignoire, on pourra employer le grillage représenté par la fig. 11.

Malgré tous les paniers & tous les grillages proposés par M. Baumé, nous ne conseillons point de distiller les marcs à feu nud. 1o. La liqueur est toujours trouble, & les débris du parenchyme du fruit, & les portions de pellicules, & sur-tout les pepins, s’échappent à travers les grillages les plus serrés ; les uns & les autres touchent & frottent sans cesse contre les parois de la chaudière : ils s’y corrodent, s’y calcinent ; & de là le mauvais goût & la mauvaise odeur.

2o. Les auteurs n’ont point assez considéré l’effet des pepins. Le pepin contient une amande, & cette amande est très-huileuse ; on peut même en retirer une assez grande quantité d’huile qui brûle très-bien, donne une belle flamme claire & bleue. La chaleur de la liqueur bouillante, pénètre cette amande : l’esprit ardent attaque son huile ; & cette huile mêlée en partie avec lui, réagit sur lui ; & voilà l’origine du mauvais goût des eaux-de-vie de marc que les grillages & paniers ne préviennent que foiblement. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre les pepins après la distillation, les soumettre à la presse, & on n’en obtient plus que peu ou point d’huile. Qu’est donc devenue la surabondance de cette huile ? Une partie a été brûlée contre les parois de la chaudière, & l’autre s’est combinée avec l’esprit ardent ; enfin, la première partie a encore ajouté au mauvais goût de la liqueur distillée, & ce mauvais goût n’est même pas celui d’empyreume ou de brûlé, mais un goût particulier qu’il est plus aisé de reconnoître que de définir.

Par la distillation au bain-marie, ces goûts particuliers ne sont pas si sensibles, il est vrai ; mais toutes les fois qu’on distillera le marc en nature, ils seront très-reconnoissables ; & un homme accoutumé à la dégustation des eaux-de-vie, n’y sera jamais trompé.

Le seul & unique moyen, quoiqu’on en dise, pour distiller avantageusement les marcs, tient à un autre procédé. Il faut les noyer dans l’eau jusqu’à un certain point, les faire fermenter, les porter sur le pressoir, les laisser reposer, les tirer à clair & les distiller. Ce procédé sera détaillé plus au long aux mots Distillation, Marc, de même que le procédé suivi communément pour les conserver.


Section II.

Des Alambics pour la distillation des lies.


Tous les alambics dont on vient de parler, peuvent servir à la distillation des lies.

Leur distillation offre deux grands inconvéniens. Le premier, lorsque l’on donne une chaleur assez forte pour en dégager les parties spiritueuses, il se forme une écume considérable qui passe souvent par les jointures & par le bec de l’alambic. Le second, vient de la croûte qui s’attache contre les parois de l’alambic, & qui les corrode.

Pour prévenir ces inconvéniens, M. Devanne, maître en pharmacie à Besançon, propose une machine assez simple, déjà décrite dans le Recueil des Mémoires sur la distillation des vins, publié par la société d’agriculture de Limoges.

Cette machine est composée d’une crapaudine en fer, attachée au centre du fond de l’alambic ; sur cette crapaudine est appuyé un pivot aussi en fer, qui s’élève jusqu’au dessus du chapiteau de l’alambic, duquel sort la manivelle pour faire tourner ce pivot. À trois pouces de distance de la crapaudine, sont attachés au pivot deux ailes en cuivre ou en bois, dont l’une intérieure est recourbée en contre-bas, & le dessous de l’aile de la supérieure est à niveau du dessous de la supérieure, & est droite. Le haut du pivot doit être garni de filasse graissée, non-seulement pour tourner plus facilement dans la goupille qui est arrêtée au haut du chapiteau, mais encore pour empêcher qu’il ne se dissipe aucune vapeur. La manivelle fournit, par ce moyen, un mouvement suffisant pour prévenir les inconvéniens dont on a parlé, parce que le mouvement porte le fluide visqueux du centre à la circonférence, & de la circonférence au centre.

Un procédé plus simple est celui des vinaigriers de Paris. Ils tiennent les lies qu’ils rassemblent, dans de grands vaisseaux bien bouchés, & ces vaisseaux sont placés dans une étuve, de manière que tout le fluide visqueux est peu à peu pénétré par la chaleur. Après quelques jours, ils tirent par la cannelle tout le vin clair qui peut couler, & placent ensuite dans des sacs ces lies déjà échauffées. Ces sacs sont sous le pressoir entre deux platines de fer ou de fonte, elles-mêmes fort échauffées ; alors le fluide vineux s’échappe à travers la toile ; enfin, il est aussitôt porté dans l’alambic pour être distillé. Le résidu des lies est vendu aux chapeliers pour feutrer les chapeaux, ou il est brûlé pour en faire la cendre gravelée.

Pour empêcher les lies de monter en écume dans les alambics, il suffit, avant la distillation, de jeter quelques gouttes d’huile dans l’alambic, & distiller un peu lentement.

Dans les grandes brûleries, il faut avoir un alambic consacré uniquement à la distillation des marcs & des lies, sur-tout si on les travaille à feu nud : trois distillations consécutives de bon vin ne suffiroient pas pour les dépouiller de leur mauvais goût, quoique l’esprit ardent qu’on en retireroit en fût lui-même très-vicié. En général, ce sont des alambics perdus, & qui ne doivent servir qu’à cet usage.

Tel est, en général, ce qui a été proposé sur les alambics, sur leur forme & sur leur usage.