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Cours d’agriculture (Rozier)/BLÉ, plantage du

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Marchant (Tome onzièmep. 240-246).


BLÉ. (plantage du) Il n’est point d’habitant des campagnes qui, frappé, dans la belle saison, de la végétation vigoureuse d’une touffe de blé, isolée et produite par un seul grain, n’ait désiré de voir ses champs couverts de plantes semblables, dont les tiges nombreuses pliassent sous le poids d’une quantité extraordinaire de grains ; il n’en est point qui ne comprît fort bien, qu’en reportant dans ses cultures les circonstances dues au hasard, par lesquelles cette même touffe prend un développement inusité, il obtiendroit les mêmes avantages, et par conséquent des récoltes plus abondantes que celles qui résultent des procédés ordinaires ; mais il n’en est point non plus, qui ne sentît qu’un arrangement de grains, placés un à un dans une disposition et un ordre presque géométriques, entraîneroit un travail trop long, trop embarrassant pour une grande exploitation, et même trop dispendieux pour être admis en économie rurale.

Cependant ces soins, en apparence si minutieux, ces procédés indiqués, sans doute, par des raisonnemens fort justes, mais dont les détails et les frais sembloient repousser l’exécution, ont été non seulement tentés de nos jours, mais encore mis en pratique avec persévérance et succès.

C’est en Angleterre que la plantation du blé a pris naissance, et qu’elle a été substituée à la méthode universellement répandue, de semer ce grain à la volée. L’on sait qu’assez généralement l’agriculture est poussée, dans ce pays, à un haut point de perfection, quoique, dans plusieurs cantons, elle y soit encore dans un état de langueur, et livrée aux vieilles habitudes d’une routine aveugle. Mais, dans les endroits où elle est florissante, elle y a acquis une sorte de luxe qui la rend très-prospère et très-brillante. C’est un fait incontestable, reconnu par tous les observateurs impartiaux, énoncé par tous les écrivains dont la plume ne glisse point au gré des circonstances, qu’il n’y point d’inconvénient à redire, et même qu’il est bon de répéter quelquefois, afin d’encourager nos cultivateurs, et de les engager à profiter de tous les élémens de prospérité que le climat et le sol de la France ont mis à leur disposition, pour égaler, surpasser même leurs voisins et leurs rivaux, comme notre industrie les a déjà surpassés en plusieurs autres points d’une grande importance.

Les premières expériences que l’on connoisse, sur la plantation du blé, sont dues à M. Carter, cultivateur anglais ; et elles eurent lieu en 1782. Un terrain de trois acres, sur lequel du trèfle avoit mal réussi, fut labouré vers le milieu de l’été, et couvert de fumier, au commencement d’octobre, dans la proportion de vingt charretées par acre. On répandit, à la main, suivant la méthode ordinaire, un boisseau de graines par acre, laquelle tomba principalement dans les sillons ; ensuite, avec une petite boue, l’on fit un rang de trous, à trois ou quatre pouces de distance, au milieu de chaque plate bande ménagée à cet effet. Le blé fut mis dans ces trous par des enfans, pour le prix de deux picotins par acre, et l’on hersa. Cette plantation coûta cinq schellings par acre, et auroit pu n’en coûter que quatre : si l’on déduit de cette somme deux schellings six deniers, valeur de la quantité de semence épargnée, la dépense de la plantation ne sera plus que de dix-huit deniers par acre. Le blé, tant semé que planté, germa très-bien ; le premier parut plus vigoureux pendant l’hiver et au printemps ; mais en été, le second, c’est-à-dire le blé planté, obtint la supériorité, résista beaucoup mieux à la sécheresse, et donna une plus belle récolte. Le produit des trois acres de terre surpassa d’un quart celui des autres terrains de la même nature.

M. Carter se servit ensuite d’un plantoir ordinaire qui simplifia l’opération ; puis il mit en usage une machine, dont on se sert dans son canton, pour planter les pois. C’est un morceau de bois, de quatre pieds de longueur, et assez fort pour supporter dix dents de fer, façonnées en cônes, longues de quatre pouces, et éloignées de cinq l’une de l’autre ; une poignée est adaptée pour enlever de terre la machine, lorsque les dents ont fait les trous. Avec ce plantoir, ou forme deux rangs de trous dans chaque sillon ; mais M. Carter voulut que l’ouvrier qu’il employa n’en fît qu’un dans le milieu, ce qu’il effectua en marchant en arrière, et ayant le sillon entre les jambes. L’opération du planteur fut prompte et facile ; il avoit un schelling par acre, et, à ce prix, il gagna plus d’un demi-écu dans sa journée. À la récolte, le nombre des gerbes fut supérieur à celui que donnèrent des champs de blé, semés à la volée, avec beaucoup de soins. Les moissonneurs supputèrent que douze gerbes de blé planté devoient donner un boisseau de grains, ce qui procure un avantage de trois picotins par perche, ou trois boisseaux par acre, en faveur de la méthode de planter, sur celle de semer à la volée.

Quoique, depuis un temps immémorial, les cultivateurs du Norfolkshire soient dans l’usage d’ensemencer leurs champs de pois avec le plantoir dont je viens de parler, cette méthode ne s’est étendue au blé que depuis les expériences de M. Carter, c’est-à dire depuis environ vingt ans, et il n’y en a guères que dix qu’elle est devenue très-commune dans quelques districts, principalement aux environs de Windham, d’Attlebury, de Buckenham, d’Harling, ainsi que dans la partie du Suffolck qui touche le comté de Norfolck, cantons de l’Angleterre où, la culture a acquis le plus de célébrité. À l’exception d’un très-petit nombre de riches propriétaires, qui se livrent à des essais suggérés par une louable curiosité, personne ne suit cette méthode dans les autres contrées.

Il n’en fut question en France que vers la fin de 1793 ; encore ne fut-ce que par forme de conseil, sans qu’aucune expérience en ait été la suite. Soit que M. Adorne, physicien de Strasbourg, ait eu connaissance des expériences des Anglais, soit qu’il ait conçu le même plan de culture, il proposa, dans la Feuille du Cultivateur, comme un moyen d’augmenter l’abondance des grains, de planter le blé, aussi bien que le seigle et l’orge, dans une terre bien préparée, grain par grain, à trois pouces de profondeur, et à neuf de distance. Il conseilloit de se servir d’un bâton pointu ou plantoir, qui auroit neuf pouces de long, et qui porteroit, à trois pouces de sa pointe, une cheville destinée à empêcher qu’on ne l’enfonçât en terre plus profondément que de trois pouces. Au moyen de cet instrument, M. Adorne pensoit que quatre personnes pourroient aisément planter un arpent de terre par jour.

En applaudissant au zèle éclairé dé M. Adorne, les rédacteurs de la Feuille du Cultivateur désiroient que son plantoir reçût une perfection dont ils le croyoient susceptible. « Cet instrument, disoient-ils, n’a que neuf pouces de haut, et cette longueur est utile pour déterminer les espaces ; mais, indépendamment de la posture courbée et fatigante à laquelle il contraint celui qui s’en sert, à cause de son peu de longueur, il nous semble que le double usage auquel on l’emploie, rend l’opération plus lente. Nous voudrions que ce plantoir fût à la hauteur d’un homme debout, tel à peu près que celle de la houe américaine, et qu’on fît servir à espacer la cheville qui est à trois pouces du bout inférieur du plantoir, afin de l’empêcher d’enfoncer plus avant. Rien ne seroit plus aisé ; il suffiroit de donner à cette cheville horizontale la longueur de neuf pouces, et que son extrémité recourbée à cette distance, marquât le point où il faut enfoncer le plantoir après le trou que l’on fait. Pour rendre cette cheville plus solide et plus commode, on pourroit la fabriquer en fer. Celui qui feroit les trous pourroit, par ce moyen, aller beaucoup plus vite et sans se fatiguer ; il seroit suivi d’enfans où de femmes qui mettroient un grain dans chaque trou et le recouvriroient de terre. »

À l’époque où ces idées d’utilité publique occupoient de bons esprits, le fracas révolutionnaire empêcha sans doute qu’elles ne fussent accueillies ; elles tombèrent dans l’oubli au moment même de leur publication, et elles ne reparurent avec succès que six ou sept ans après, dans des temps moins malheureux, appuyées d’un nom célèbre dans les fastes de la vertu et de l’humanité. M. de Larochefoucault-Liancourt avoit suivi avec soin, pendant plusieurs années, les procédés et les résultats de la plantation du blé en Suffolcksbire ; il en avoit reconnu les avantages, et il résolut d’en tenter l’application en France, et d’en enrichir notre agriculture. Son domaine de Liancourt tut le théâtre de ses expériences et de ses nobles travaux ; il rendit compte de ses récoltes et de ses dépenses : tout fut pesé, apprécié consciencieusement, comme il le dit lui-même, et il finit par se convaincre des grands avantages que produit le plantage du blé. « Je n’hésite pas à penser, m’écrivoit cet homme respectable, que, par-tout où l’on trouve des bras, le plantage du blé est extrêmement avantageux, et même préférable à la charrue à semoir, qui l’est elle-même beaucoup au mode ordinaire. Aussi, je ne sème plus ni blé, ni seigle, ni orge, ni même d’avoine quand elle est chère… Mon expérience de cette année (1803) ajoute encore à ma conviction.

» J’ai planté 2,198 perches de vingt-deux pieds, avec deux sacs et demi de blé, mesure de Clermont (Oise)[1] ; poids total de la semence, 20 livres. J’ai obtenu 7,998 gerbes de beau blé, dont le poids en grain, d’après ce que j’en ai déjà fait battre, ne peut être élevé-au dessous de 62,000 livres. Ma dépense en plantage a été au dessous de cent livres. Si l’on veut se rappeler qu’au temps des dernières semailles le blé valoit ici 52 livres le sac, du poids de 290 livres, ou se convaincra des profits de cette méthode, seulement par l’économie de la semence. J’ai la conviction intime que ma récolte est plus abondante que par toute autre méthode… Chacun peut voir ma culture et en juger : je prête mes plantoirs à qui m’en demande, et je jouis quand, me promenant dans les champs, je vois des pièces plantées en froment, seigle, etc. ; je reconnois que la vérité fait annuellement des progrès, et que mes exemples l’aident mieux que ne pourroient faire mes leçons. »

La méthode que suit M. de Liancourt dans le plantage des grains, a beaucoup de rapport avec celle des cultivateurs de Norfolck et de Suffolck. Lorsque le terrain a reçu le dernier labour, on y passe un léger rouleau ; un homme marche ensuite à reculons sur une bande retournée par la charrue, et, tenant dans chaque main un plantoir à deux dents, il fait quatre rangées de trous à quatre pouces de distance l’un de l’autre : quatre enfans le suivent et laissent tomber deux ou trois grains dans chaque trou ; une herse d’épines termine ce travail en recouvrant le grain. Le plantoir dont M. de Liancourt s’étoit d’abord servi avoit les dents faites d’un bois dur ; il l’a remplacé par un plantoir en fer, appesanti par du plomb, qui fatigue moins l’ouvrier, et rend les trous plus uniformes. Ces trous ont douze, quinze et même dix-huit lignes de profondeur, selon que le sol est plus ou moins léger ; un gros fil d’archal, mis en travers de chaque dent, empêche que l’ouvrier n’enfonce le plantoir au delà de ce qui est nécessaire. Les quatre enfans qui suivent les ouvriers se tiennent à la file et sont chargés d’une rangée longitudinale de trous, en sorte qu’aucun ne peut oublié.

Toute terre susceptible de rapporter du grain par la méthode de semer, est également bonne pour le plantage, suivant M. de Liancourt : il a calculé que, par ce dernier procédé, y a économie d’à peu près les quatre cinquièmes de la semence ; et les récoltes sont au moins égales à celles de la méthode ordinaire ; les blés versent beaucoup moins ; le tuyau de la paille est seulement un peu plus dur. Un homme et quatre enfans plantent, à Liancourt, de soixante-dix à quatre-vingts perches ; si l’on réduit leur travail à cinquante perches, ils planteront un arpent en deux jours : l’homme gagne vingt-cinq sous, et chaque enfant six sous. C’est donc à cinq livres par arpent que se portent les frais du plantage.

J’ai dû m’étendre au sujet d’une pratique nouvelle ; j’ai tracé rapidement son origine, ses progrès, ses procédés : pour remplir pleinement ma tache d’historien, je dois encore parler de ses contradicteurs.

Des réclamations en faveur de la méthode ordinaire d’ensemencer les champs, et des objections contre le plantage des grains se sont élevées, presque au sein même des opérations de M. Liancourt. Un cultivateur très-instruit et très-expérimenté a prétendu que les heureux résultats du plantage ont été exagérés. Voici les faits que M. Isoré présente en faveur de son assertion, et je le laisserai parler lui-même,

« En l’an 7, une partie de terrain de la contenance d’un hectare quatre cinquièmes, cultivée d’après la méthode française, et par les soins de l’économe de l’école nationale de Liancourt, a produit 1,042 gerbes de blé, desquelles il est sorti soixante-quinze quintaux de blé battu ; a la récolte dernière cette même partie de terrain, cultivée et plantée à l’anglaise, n’a rendu que deux cent soixante-dix gerbes, qui donneront tout au plus vingt-cinq quintaux de blé ; et cependant cette pièce de terre avoit été sarclée et binée au printemps. On pourroit observer encore que, malgré ces deux opérations importantes, qui n’ont jamais lieu en cultivant et semant à la française, le terrain en question est empoisonné par une quantité de chardons qui le couvrent à présent, et que le tort qui menace les voisins de cette dangereuse pépinière sera incalculable à l’avenir.

» En l’an 8, deux cultivateurs de Liancourt, après avoir cultivé à la bêche, et semé à la volée, ont récolté, sur quarante ares de terre, quatre cents gerbes de froment de la meilleure qualité ; dernièrement, ce même terrain n’a produit que soixante gerbes de blé sans qualité, quoique cultivé et planté à l’anglaise.

» Il est vrai qu’on a vu, en l’an 9, à Liancourt, de fort beau blé planté dans un grand potager, et qu’on y a eu le même spectacle, en l’an 10, sur un défrichement de bois : mais, sur de pareils terrains, la nature n’a presque pas besoin de l’industrie humaine ; là, toute espèce d’expérience réussira toujours. Ceux qui ont une foible idée seulement de l’agriculture savent que les terres extraordinairement fécondes, à cause des résidus végétatifs qu’elles se sont appropriés de longue main, ne peuvent être comparées avec celles que l’on force de produire, sans relâche, des plantes annuelles. Ces dernières exigent tous les soins et les plus grands efforts, si l’on veut en obtenir la subsistance commune. » (Lettre de M. Isoré, datée de Louveaucourt, le 1er complémentaire an 10, et insérée dans le Journal de Paris, et dans d’autres ouvrages périodiques.)

Une voix imposante s’est encore fait entendre au désavantage du plantage du blé ; c’est celle de M. Arthur Young, illustre agriculteur anglais. Il voulut faire la comparaison des deux méthodes, de la plantation et du semis. Le sol qui servit à son expérience étoit un sable gras et humide, sur un fond d’argile ; il le divisa en deux billons, également relevés dans le milieu, et exactement d’un demi-acre chacun. Le grain planté étoit à trois pouces environ de profondeur, et disposé par rangées espacées de neuf pouces. Au commencement du mois de mai, le billon consacré au plantage fut biné, et ensuite sarclé ; celui sur lequel le blé avoit été semé à la volée ne reçut aucune culture ; il n’y avoit pas même de mauvaises herbes à arracher : le blé planté fut fort attaqué de la carie ; l’autre en étoit absolument exempt : le premier produisit cent vingt-une gerbes, qui rendirent une quarte trois boisseaux, tandis que l’on récolta cent cinquante-une gerbes de blé semé, lesquelles donnèrent une quarte et plus de six boisseaux de grain. Du reste, M. Arthur Young ne se permet pas de rien conclure de cette seule expérience, qui est en opposition avec plusieurs autres ; et il conseille de recourir à d’autres observations, avant d’asseoir un jugement certain.

Le mien est tout formé à cet égard ; je l’appuie même sur les faits que je viens de rapporter, et dont plusieurs paroissent contradictoires, quoiqu’il ne soit pas impossible de les concilier. Pour peu que l’on ait observé la manière dont croissent les plantes qui couvrent les campagnes, l’on a vu celles qui ont été dispersées plus également, et plus profondément enfouies, étendre leurs racines, se parer de tous les signes d’une brillante végétation, et se charger des plus beaux fruits. Sous ce rapport, le plantage du blé est une opération très-utile. Ajoutez l’économie qu’elle procure dans la semence ; point important pour l’intérêt général et privé, sur-tout dans les années où les grains sont peu abondans. Un autre avantage encore, dont personne n’a parlé, c’est la certitude que les touffes de blé, plus fortement implantées dans la terre, ne seront point déracinées pendant l’hiver, lorsqu’une forte gelée succède subitement à de longues pluies qui ont imbibé le sol. En voilà assez, sans doute, pour recommander à tous les cultivateurs le plantage du blé, si, à côté de ces avantages vraiment précieux, on ne rencontroit plusieurs inconvéniens qui, le plus souvent, en rendent l’exécution plus onéreuse que profitable, plus embarrassante que facile.

Ce sont, 1°. les frais de la plantation. Ils ne peuvent manquer de devenir considérables, quand l’on a de grands terrains à ensemencer, particulièrement de nos jours, où les ouvriers sont rares dans les campagnes, et où la main-d’œuvre est par conséquent à un haut prix. Les enfans, que l’on conseille d’employer, coûteront moins, à la vérité ; mais on n’en obtiendra assez ordinairement qu’une mauvaise besogne, si l’on ne paie encore des surveillans qui suivent pas à pas, et contiennent ces jeunes aides qui, pour la plupart, nés au sein de la licence, sont indociles, enclins au mal, et difficiles à morigéner.

2°. Le temps que la plantation consomme. Il manque souvent dans la saison des semailles, la plus pressante de l’année agricole. Si les intempéries de l’atmosphère viennent alors à contrarier le laboureur, il a beaucoup de peine, à terminer ses travaux ; que seroit-ce, s’il se livroit à un mode d’ensemencement, beaucoup moins expéditif que celui dont il fait habituellement usage ? D’ailleurs, la durée du travail doit être portée en compte dans le chapitre des dépenses ; et celle-ci est d’autant plus forte, que le temps employé à faire une chose qui n’étoit pas indispensable, a obligé de négliger des opérations nécessaires.

3°. Les frais de culture. Le blé planté reste clair et maigre pendant tout l’hiver et le printemps ; les chardons et les autres plantes nuisibles peuvent croître en pleine liberté entre ses rangées, et leur destruction exige un binage au printemps, et quelquefois encore un sarclage. Ces deux cultures ne sont point nécessaires dans les champs ensemences dont les plantes très-serrées permettent rarement la végétation de celles qui gâtent les moissons.

4°. Le danger de la carie. Il est reconnu que cette maladie attaque plutôt les blés semés clair, que ceux dont les tiges sont très-rapprochées.

5°. La grosseur et la dureté de la paille. Les tiges du blé planté s’élevant par une végétation vigoureuse, acquièrent une grosseur peu ordinaire, et une consistance plus solide que celle du blé semé ; les bestiaux la dédaignent, comme plus dure et moins succulente, et elle n’est guères propre qu’à la litière ; ce qui est une perle pour le laboureur.

6°. Enfin, la nature du sol. Dans les cantons de l’Angleterre où la pratique du plantage a lieu, les cultivateurs conviennent qu’elle ne peut s’appliquer qu’aux terres légères, et encore la restreignent-ils à l’espèce de terres légères, dont leur pays est généralement composé, c’est-à-dire, au sable argileux. Cette opération me paroît difficile dans d’autres terrains, et impossible dans quelques uns. Si un sol sablonneux n’a point de consistance, ou s’il est trop léger et friable, les trous formés par les dents du plantoir se rempliront aussitôt qu’ils seront faits. Si la terre est compacte, il faudra employer beaucoup de force pour y enfoncer le plantoir ; si les pierres couvrent sa superficie, comme cela se voit en plusieurs contrées qui ne laissent pas néanmoins de produire du beau blé, cet instrument ne peut servir. Le plantage devient extrêmement incommode sur toutes sortes de terrains que l’humidité a pénétrés, ce qui arrive fréquemment en automne ; la terre s’attache aux dents du plantoir, et l’ouvrier est obligé de perdre du temps à les nettoyer ; si la terre est tenace, il se verra forcé de renoncer à son travail. Que conclure de ces observations ? c’est que le plantage du blé, quoique présentant des avantages incontestables, entraîne, généralement parlant, encore plus d’inconvéniens ; qu’il ne peut être admis que très-difficilement dans de grandes exploitations et qu’il ne doit être recommandé que dans un concours assez rare de circonstances favorables ; qu’enfin ce ne sera jamais une opération très répandue dans notre agriculture, de même qu’elle est fort circonscrite en Angleterre, où elle a pris son origine. (S.)


  1. « J’ai suivi, dans ce compte, les mesures de grains de Clermont, où le setier est d’un sixième plus fort que celui de Paris, et se divise en quatre mines, seize quartiers, et cent pintes.» (Note de M. de Liancourt.)