Cours d’agriculture (Rozier)/BOURGÈNE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 411-412).


BOURGÈNE, ou Bourdaine, ou Aune-noir. (Voyez Planche 14, pag. 404) M. Tournefort la place dans la seconde section de la vingt-unième classe, qui comprend les arbres & les arbrisseaux, à fleur en rose, dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs baies ; & d’après Dodoens, il l’appelle frangula ; & Bauhin, alnus nigra baccifera, M. von Linné la nomme rhamnus frangula, & la classe dans la pentandrie monogynie. C’est sans doute à cause d’une espèce de ressemblance entre ses feuilles & celles de l’aune, (Voyez ce mot) qu’on l’a nommé mal à propos aune noir, puisqu’il y a une différence si frappante entre la fleuraison & la fructification de ces deux arbres.

Fleur ; d’une seule pièce, découpée en cinq parties ; en A elle est vue de face, en B de profil, & C représente la corolle de la fleur ouverte. Les étamines occupent les intervalles des divisions de la corolle, & elles sont courtes ; le pistil D est placé au centre ; le calice est adhérent à la corolle.

Fruit E est une baie molle, d’abord verte ; elle devient rouge successivement, & noirâtre lors de sa maturité. Lorsqu’on la coupe transversalement, on la voit partagée en deux loges F, & chacune renferme un pépin G, convexe d’un côté & aplati de l’autre.

Feuilles, simples, entières, ovales, allongées, terminées en pointe, veinées, portées par des pétioles courts.

Racine, ligneuse.

Port. Grand arbrisseau, quelquefois de huit à dix pieds de hauteur, dont les tiges sont unies, l’écorce extérieure brune, l’intérieure jaunâtre, le bois blanc & tendre ; les fleurs naissent des aisselles des feuilles, portées sur des péduncules grêles, ordinairement seules ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu. Dans les terrains humides, à l’abri des grands arbres, dans les pays tempérés, y fleurit en Août ; il est très-commun dans les Monts-Jura.

Propriétés. L’écorce intérieure est amère, un peu gluante, apéritive, purgative lorsqu’elle est desséchée ; émétique, détersive lorsqu’elle est verte. Si on l’emploie comme purgative, on doit craindre des coliques pendant son effet. On l’a vantée un peu trop légèrement pour dissiper l’enflure œdémateuse des jambes. On est dans le cas d’abandonner son usage pour la détersion des différens ulcères.

Usage. On n’emploie en médecine que l’écorce intérieure ; son infusion se donne aux adultes, à la dose d’une drachme dans de l’eau tiède ou du vin blanc ; & pour les animaux, à la dose de demi-once. Il seroit plus prudent de ne pas s’en servir pour l’homme. L’écorce bouillie dans le vinaigre, est utile pour les gencives des scorbutiques, & comme préservative contre la carie & la pourriture des dents.

On fait avec son bois un excellent charbon qui entre dans la composition de la poudre à canon. Un quintal de ce bois ne donne que douze livres de charbon. Avec son fruit, on prépare le vert de vessie.

L’arbre se multiplie par graine, par marcotte, par bouture. La graine doit être semée aussi-tôt qu’elle est mûre ; autrement, elle ne leveroit qu’à la seconde année. Cet arbuste figure assez bien dans les bosquets un peu humides.