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Cours d’agriculture (Rozier)/BRAI

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Marchant (Tome onzièmep. 272-273).
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BRAI, (Chasse aux oiseaux.) Le brai est un piège fort simple et fort ancien, et dont l’usage est recommandé aux amateurs de la chasse aux oisillons, malgré qu’il ne soit pas assez généralement répandu.

Il paroit, en effet, plus connu en Lorraine, en Bourgogne, et dans quelques provinces du Midi, que dans les départemens du Nord. Sa construction est facile, et résulte de l’assemblage mobile de deux morceaux de bois longs de deux pieds environ, desquels l’un est taillé en coin, ou pour mieux dire, en lame de couteau dont le dos seroit très-épais, et l’autre est creusé d’une longue rainure aussi cunéiforme, et faite pour recevoir exactement le précédent. Je ne peux donner une idée plus exacte de ce piège qu’en le comparant à cet outil de perruquier connu sous le nom de fer à friser ou fer à toupet. En forçant les deux branches de cet instrument ou espèce de pince à se serrer l’une contre l’autre, ou plutôt l’une dans l’autre, on arrête par les pattes les imprudens oisillons qui viennent se poser dessus. Pour opérer le serrement des deux branches du brai, on les perce toutes deux de trois trous qui se correspondent, et qui traversent diamétralement deux morceaux de bois, en passant par le milieu du dos de celui qui fait la lame, et sortant par le milieu de la rainure de celui qui emboîte celle lame.

Les premiers de ces trous sont à l’extrémité supérieure du brai, les deux autres à des distances à peu près égales, de manière que le dernier soit aux deux tiers de la longueur des pièces de bois, à partir de leur sommet, jusqu’au point où elles se réunissent pour se mouvoir l’une sur l’autre par une espèce de charnière. C’est aussi de ce point que part un manche au moyen duquel l’oiseleur tient cette machine. À travers ces trous passe et repasse une bonne ficelle arrêtée par un nœud au trou d’en haut du morceau qui fait lame, et ressortant au troisième trou par le dos de celui où est pratiquée la rainure. De là, celle corde se prolonge jusque dans l’autre main de l’oiseleur, qui, en tirant, réunit et serre les deux pièces de la machine. Il est des personnes qui aiment autant se servir de brais dont les deux branches sont aplaties parallèlement dans toute leur longueur ; mais cette construction n’est pas d’un service aussi sûr. Lorsque, armé de cet instrument, on veut déclarer la guerre aux oisillons, il faut se transporter dans les bois et endroits bien fourrés, s’y ménager, de place en place, des cabanes ou loges dans lesquelles le chasseur ne soit pas vu et se trouve éloigné au moins de dix pieds des branches des arbres voisins. De ce fort, il allonge son brai, en laisse s’ouvrir les branches : un pouce, ou même un demi-pouce d’écartement au sommet suffit pour que les oiseaux, en s’y posant, ne puissent, de leurs pattes, envelopper les deux pièces. L’adresse de l’oiseleur est de les leur présenter de manière qu’ils soient forcés de percher ou sur un des côtés de la lame, ou sur les arêtes de la rainure ; dans ces deux cas, en serrant prestement sa ficelle, il est certain de les arrêter ou par les pattes, ou par les ongles.

Pour attirer les oisillons autour de cette embûche, l’oiseleur est obligé de frouer. (Voyez Appeau.) Il peut contrefaire le abouchement de la chouette ; et, lorsqu’il a des oiseaux vivans, il est bon d’en attacher quelques uns au pied de la loge pour servir de moquettes ou appelants. On force aussi de temps à autre ces mêmes oiseaux à crier ; et ces cris attirent toujours les pinsons, les mésanges, les grimpereaux, les verdiers, les fauvettes et autres, que la curiosité ou l’instinct de porter secours à leurs pareils attire en foule vers tous les pièges de cette espèce, où l’homme s’arme, pour leur destruction, du sentiment que la nature leur avoit donné pour un effet contraire, celui de leur conservation. Il est facile de s’épargner la peine de se construire des loges dans les bois, en se servant d’une Hutte ambulante, (Voyez ce mot) avec laquelle on peut se transporter à son gré d’un lieu a un autre, et se saisir des postes les plus favorables. C’est un sûr moyen de rendre sa chasse beaucoup plus fructueuse. (S.)