Cours d’agriculture (Rozier)/CHARANÇON

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 15-27).


CHARANÇON.

ART. I. Description des Charançons.
ART. II. Des différentes espèces de Charançons.
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ART. III. De la manière dont les Charançons reproduisent les individus de leurs espèces.
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ART. IV. Manière de vivre des Charançons.
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ART. V. Moyens employés pour les détruire.
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ARTICLE PREMIER.

Description des Charançons.

Le charançon est un petit scarabée ou coléoptère, d’une ligne & demie environ de longueur, sur une demi-ligne de largeur. (On verra la figure de celui du blé & de la vigne dans la gravure du mot insecte ; celle des autres individus de cette famille est moins nécessaire à connoître). Sa couleur varie selon son âge, & ses différentes espèces. Celui des grains, qui nous paroît communément noir, est couleur de paille au moment qu’il sort de sa dépouille de chrysalide ; à mesure qu’il vieillit il devient brun & noir. Son corps est composé de trois parties ; la tête, le corselet & le ventre. On observe sur la tête, parsemée de points peu apparens, deux yeux placés de côté ; une trompe longue, effilée, pointue, égale en grosseur dans toute sa longueur, & ronde depuis son origine jusqu’à son bout ; elle est terminée par deux serres noires, dont l’insecte se sert pour percer les grains, & détacher la substance farineuse. Cette trompe composée de plusieurs anneaux, est une espèce de bras, que l’insecte allonge, raccourcit & porte où il veut à son gré. Le dessous de cette trompe est pourvu au milieu, d’un dard très-délié & fort aigu, qui, selon toute apparence, perce les grains, afin que les deux serres, qui sont au bout, puissent plus aisément travailler à faire un passage à l’insecte dans le grain où il se loge. M. le Fuel, Curé de Jamméricourt dans le Vexin, qui a concouru au Prix proposé par la Société Royale d’Agriculture de Limoges en 1768, sur la manière de détruire les charançons, a observé la pointe ou le dard dont nous venons de parler.

Les antennes, au nombre de deux, sont placées de chaque côté de la trompe ; elles sont divisées en deux parties & coudées dans le milieu ; elles sont composées de plusieurs articles, dont le plus grand est celui qui est attaché à la trompe : leur bout est terminé par une grosseur aplatie en forme de houlette. Quoique ces antennes nous paroissent devoir être incommodes à l’insecte logé dans un grain de blé, il est probable qu’elles lui sont de quelque utilité, mais que nous ne pouvons connoître. Ce qui est certain, c’est qu’elles suivent la direction de la trompe, & qu’elles se portent en différens sens.

Le corselet paroit cannelé & couvert de petits points ; il est uni à la tête, par un étranglement si court, & recouvert encore par les écailles, tant de la tête que du corselet, que ces deux parties semblent n’en faire qu’une. C’est au corselet que les trois paires de jambes sont attachées ; elles sont formées de quatre articles terminés par un crochet très-aigu, qui sert à faire tenir l’insecte sur les plans très-polis & renversés. Quand on touche le charançon, ou qu’il fait froid, il replie sa trompe sur elle-même, & ramène ses antennes & ses pattes au-dessous de son corps, qui paroît alors pointu sur le devant & arrondi sur le derrière. Quoique la dernière partie de son corps soit recouverte par deux étuis, dont la destination semble être de mettre à couvert les ailes, comme dans la plupart des scarabées, cependant le charançon n’en a point. Ces deux étuis sont adhérens à la membrane du dessus du ventre, qui exigeoit cette espèce de couverture à cause de son extrême délicatesse.

Le charançon ne sort point de son œuf sous la forme de scarabée ; il ne parvient à cet état qu’après avoir passé par ceux de larve & de chrysalide. Au sortir de sa coque le charançon est une très-petite larve fort blanche, qui a la forme d’un ver allongé & mol, dont le corps est formé de neuf anneaux saillans & arrondis, sans y comprendre la tête & l’anus. Cette larve, longue à peu près d’une ligne, a une tête arrondie, jaune, écailleuse, & munie des organes propres à ronger la substance du grain : elle a six pattes écailleuses en devant, le reste de son corps en est dépourvu. La nourriture de ces larves est relative à leurs espèces. Les femelles qui connoissent les grains ou les plantes propres à la subsistance de leurs familles, ont soin de déposer leurs œufs, de manière que la larve qui en sort, soit à portée des alimens qui lui conviennent pour vivre.

L’espèce de charançon qu’on redoute le plus, est celle qui s’introduit dans les grains de blé : c’est-là qu’elle établit son domicile, pour manger la substance farineuse du grain où elle est logée. Ces insectes sont quelques fois en si grand nombre dans un monceau de blé, qu’ils gâtent tout, & ne laissent exactement que le son, c’est-à-dire, l’enveloppe du grain. Une larve est toujours seule dans un grain de blé ; c’est dans cette loge qu’elle prend son accroissement aux dépens de la farine dont elle se nourrit : à mesure qu’elle mange, elle agrandit son logement, afin qu’il soit assez spacieux pour la contenir sous la forme de chrysalide.

Lorsque la larve a mangé toute la farine, & qu’elle est parvenue à sa grosseur, elle reste dans l’enveloppe du grain, où elle se métamorphose en chrysalide, d’un blanc clair & transparent. On distingue sous son enveloppe, la trompe, les antennes qui sont ramenées en avant, & les six pattes. Dans cet état le charançon ne prend point de nourriture ; il ne donne aucun signe de vie, que par la partie inférieure de la chrysalide, capable de quelques mouvemens quand on l’agite. Huit ou dix jours après cette première métamorphose, l’insecte rompt l’enveloppe qui le tenoit emmailloté, il perce la peau du grain, pour se pratiquer une ouverture afin de sortir de sa prison : le charançon paroît alors sous la forme de scarabée, qui est sa dernière métamorphose. Ce qui servoit de nourriture à la plupart des insectes, dans leur état de larve ou de chenille, ne leur convient plus dans celui de papillon ou de mouche : il n’en est pas ainsi du charançon : comme larve il vit de la substance farineuse du grain, & comme scarabée, elle est encore l’aliment qui lui convient. À peine est-il sorti de son état de chrysalide, qu’il perce l’enveloppe des grains pour s’y loger de nouveau & se nourrir de leur farine.

Quelques Naturalistes ont prétendu que le charançon, dans son état d’insecte parfait, ne se nourrissoit de la farine du blé, que quand il ne trouvoit pas mieux ; que s’il paroissoit rechercher les tas de blé, c’étoit pour y déposer ses œufs. Cependant c’est un fait dont il est facile de se convaincre, que le charançon se loge dans le grain pour en manger la farine. Qu’on visite des monceaux de blé ou de légumes attaqués par les charançons, on trouvera l’insecte logé dans l’intérieur du grain qu’il ronge pour vivre : sa couleur noire n’annoncera point que le charançon sort seulement de son enveloppe de chrysalide, puisqu’il est couleur de paille dès qu’il vient de quitter son fourreau.

ARTICLE II.

Des différentes espèces de Charançons.

Le genre des charançons renferme un très-grand nombre d’espèces, qui sont toutes remarquables par des différences caractéristiques. Pour ne pas les confondre, M. Geoffroy les a distribuées en deux classes ou familles. La première comprend les charançons à cuisses simples ou unies ; la seconde ceux qui ont les cuisses dentelées. Ce genre est si fécond en espèces, que M. Geoffroy en a distingué trente-trois dans la première famille, & vingt dans la seconde. Toutes ces espèces ne sont point également nuisibles à nos récoltes ; il n’y a que celle qui attaque les grains, que nous ayions sujet de redouter. Il y a des larves de charançons qui sont logées dans les féves, les pois, les lentilles, & autres légumes de cette sorte. Elles restent dans ces grains, de même que celles qui attaquent le blé, jusqu’à leur état d’insecte parfait. Cette espèce de charançon est très-noire, fort dure : lorsqu’on l’écrase avec le pied, on éprouve de la résistance à briser les écailles dont son corps est couvert. À peine est-elle sortie du grain où elle est née, qu’elle y rentre pour faire sa ponte & pour se nourrir.

Une autre espèce de charançon loge ses œufs dans l’intérieur des plantes : on trouve leurs larves dans les têtes d’artichauts, de chardons, d’où l’insecte ne sort qu’après avoir subi toutes ses métamorphoses. Ce charançon, bien plus grand que les autres, est d’une couleur cendrée en dessous ; sa tête est noire, sa trompe large & courte : son corselet est tacheté de points noirs, & les côtés sont d’un gris cendré.

Il y a une petite espèce de charançons qui se loge à l’extrêmité des feuilles d’orme, qu’elle perce & ronge de façon à ne laisser que les pellicules inférieures & supérieures de la feuille. On voit quelquefois presque toutes les feuilles d’un orme qui sont jaunes & comme mortes vers une de leurs extrémités, tandis que le reste de la feuille est vert. Quand on examine de près ces feuilles, on apperçoit à l’endroit qui paroissoit mort, une espèce de sac ou vésicule. Les deux pellicules de la feuille, tant en dessus qu’en dessous, sont entières, mais éloignées & séparées l’une de l’autre : on voit pour lors que le parenchyme qui est entre-elles, a été rongé par les larves de cette espèce de charançons qui se sont formé l’habitation dans laquelle on les trouve. Lorsque la chrysalide s’est défait de son enveloppe, l’insecte perce le vésicule où il étoit enfermé, & on voit un petit charançon brun, qui saute avec tant d’agilité, qu’il est difficile de l’attraper. Sa tête, sa trompe, sont d’une couleur noire, ainsi que le dessous de son corps : le dessus & les pattes sont fauves.

Le charançon de la scrofulaire, est remarquable par la singularité de son travail : lorsque la larve de cette espèce est parvenue à sa grosseur, avant de se métamorphoser en chrysalide, elle forme au sommet des tiges de cette plante, une vessie à moitié transparente, où elle subit sa métamorphose. Cette vessie, ronde & dure, paroît produite par une humeur visqueuse dont la larve est couverte. Ces vessies sont de la grosseur des coques qui contiennent les graines de la scrofulaire ; elles sont mêlées assez souvent avec elles, mais leur transparence, la rondeur de leur figure, les font aisément distinguer du fruit de la scrofulaire qui est pointu.

ARTICLE III.

De la manière dont les charançons reproduisent les individus de leur espèce.

Le charançon est un insecte ovipare, qui pond des œufs d’une petitesse extrême : il sort de chaque œuf un petit ver, qui, après avoir pris son accroissement, se change en chrysalide, d’où sort l’insecte parfait connu sous le nom de charançon. Ce n’est que sous cette dernière forme qu’il s’accouple pour reproduire son espèce, en mettant au jour une nombreuse famille qui vit aux dépens des grains, & nous cause de si grands dégâts. Pendant long-temps on a cru qu’un monceau de blé échauffé, ou des grains germés par l’humidité, engendroient des charançons. Quelques naturalistes qui, sans doute, s’étoient peu appliqués à observer cette espèce d’insecte, ont assuré que le charançon pondoit ses œufs sur les épis, lorsque le grain étoit encore en lait, & qu’il étoit transporté avec le blé dans les greniers. Des observations plus exactes, sur l’économie animale des charançons, ont détruit toutes ces erreurs que l’ignorance avoit accréditées.

Le charançon n’est pas plutôt sorti de son enveloppe de chrysalide, qu’il est en état de s’accoupler, comme la plupart des insectes, pour reproduire son espèce. Son accouplement est toujours relatif à un certain degré de chaleur : quand elle va au dixième ou douzième, elle suffit pour donner aux charançons l’activité nécessaire pour cet acte réproductif des individus de leur espèce : quand la chaleur est au-dessous de huit ou neuf degrés, ces insectes n’ont pas assez de vigueur pour chercher à s’accoupler ; ils vivent dans un état de repos & même d’engourdissement : s’il fait froid, ils sont alors incapables de nuire, parce qu’ils ne peuvent prendre aucune nourriture. On peut donc assigner le commencement de leur accouplement, au retour du printemps, sur-tout dans les pays où cette saison est assez favorable pour que la chaleur aille au dixième degré. Tant qu’il fait chaud, ces insectes s’accouplent très-souvent ; ils restent unis long-temps dans cet acte, on peut les balayer, les transporter sans qu’ils se désunissent. La femelle fait par conséquent sa ponte dans tous les mois où la chaleur est à un degré convenable : dès qu’il commence à faire froid le matin, elle cesse de pondre. Depuis le moment de l’accouplement, jusqu’à celui où l’insecte paroît sous la forme de charançon, il s’écoule environ quarante ou quarante-cinq jours : on voit par-là qu’il y a, dans une année, plusieurs générations de ces insectes, qui multiplient encore davantage dans les pays fort chauds.

Dès que la femelle du charançon a été fécondée, elle s’enfonce dans les tas de blé, pour y déposer ses œufs : pour qu’ils soient en sûreté, elle fait à un grain de blé, un trou qu’elle dirige obliquement, dans lequel elle place un œuf ; elle n’en met jamais qu’un à chaque grain. Cet œuf ne tarde pas à éclore : au bout de quelques jours, il en sort une petite larve qui se loge dans l’intérieur du grain, pour y prendre son accroissement en rongeant la substance farineuse.

ARTICLE IV.

Manière de vivre des charançons.

C’est dans les tas de blé qu’on trouve ordinairement les charançons, à quelques pouces de profondeur, & non pas à la surface, à moins qu’on ne les ait troublé dans leur retraite, & qu’ils cherchent à s’enfuir : c’est-là qu’ils vivent, qu’ils s’accouplent assez communément, & que les femelles font leur ponte. En observant un monceau de blé, on ne peut guère connoître, en voyant les grains, quels sont ceux qui sont attaqués par ces insectes, parce qu’ils rongent toujours au milieu du grain en épargnant l’enveloppe ; de sorte que les grains dans lesquels ils sont logés, ont la même forme, la même apparence, ils paroissent enfin aussi gros, aussi pleins que ceux qui ne sont point attaqués. On peut connoître au poids, les grains dont l’intérieur a été rongé par les charançons ; on sçait combien doit peser une mesure de blé à une ou deux livres près : lorsqu’il y a une différence considérable pour le poids, c’est-à-dire, qu’il est moindre qu’il ne devroit être, c’est une marque assurée que les charançons ont dévoré la substance farineuse des grains, à moins que le blé soit d’une si mauvaise qualité, que les grains en soient ridés : tout cela est aisé à connoître à la vue & au maniement. La marque la moins équivoque, c’est lorsqu’on jette plusieurs poignées de grains dans l’eau ; ceux qui paroissent beaux & qui surnagent, annoncent qu’ils ont perdu une partie de leur substance farineuse, par les dégâts des charançons.

Tant qu’il fait chaud, les charançons ne quittent point le tas de blé dont ils se sont emparés, à moins qu’on ne les oblige à en déloger & à l’abandonner, en le remuant avec des pelles ou en le passant au crible. Dès que les matinées commencent à devenir fraîches, tous les charançons, jeunes & vieux, abandonnent les monceaux de blé, qui ne sont plus une retraite assez chaude pour eux : ils se retirent dans les fentes des murs, dans les gerçures des bois des planchers ; ou en trouve quelquefois derrière les tapisseries, dans les cheminées ; enfin par-tout où ils peuvent trouver une retraite assurée, qui les garantisse du froid qui les fait fuir des greniers. Ceux qui naissent quand il commence à faire froid, périssent ordinairement avant d’avoir gagné un asyle où ils puissent braver la rigueur de la saison. Au retour du printemps, ils sortent de leurs retraites pour aller chercher les tas de blé qu’ils ont abandonnés pendant l’hiver : cette saison est ordinairement celle où ils font les plus grands dégâts, parce que leur ponte va commencer, & qu’il semble qu’ils veulent se dédommager du temps qu’ils ont perdu lorsqu’il faisoit froid.

Lorsque la femelle fait sa ponte, elle ne choisit pas les grains qui sont les plus gros, parce que la larve qui ronge toujours devant elle, s’enfonceroit trop en avant : après sa métamorphose, elle auroit beaucoup de peine à sortir. C’est pour cette raison, qu’elles choisissent, dans un grenier, le blé qu’elles préfèrent aux autres grains d’un volume plus considérable. Une larve, logée dans un grain, est parfaitement à l’abri des injures de l’air, parce que les excrémens qu’elle fait, servent à fermer l’ouverture par où elle est entrée dans le grain : de sorte qu’on a beau remuer le blé, elle n’est point incommodée des différentes secousses qu’elle éprouve. Après sa dernière métamorphose, le charançon se trouve mal à son aise dans le grain où il est né, & où il a vécu pendant son état de ver : son premier soin, dès qu’il a quitté son fourreau de chrysalide, est de sortir du domicile qu’il a habité pendant son enfance ; il fait donc usage des serres qui sont au bout de sa trompe, pour ronger l’enveloppe du grain, afin de faire une ouverture assez grande pour sortir de sa prison.

Les charançons aiment passionnément les ténèbres & la tranquillité : dès qu’ils sont au grand jour, ils fuient pour se cacher : si on en met sous des verres, ils courent de tous côtés pour s’échapper ; quand on y a mis quelques poignées de grains, ils cherchent tout de suite à s’y enfoncer. Quand on remue les monceaux de blé où ils se sont retirés, ils les abandonnent pour chercher une retraite dans les fentes des murs, dans les gerçures des bois où ils ne soient point inquiétés. Ils craignent encore plus le froid que la lumière ; pendant tout l’hiver, ils sont engourdis, ils ne prennent aucune nourriture. Souvent ils périssent en grande partie lorsque cette saison est très-rigoureuse.

ARTICLE V.

Moyens employés pour détruire les charançons.

Tous les procédés qu’on a annoncés pour détruire les charançons, ont eu jusqu’à présent si peu de succès, qu’on ne doit point craindre de faire tort à ceux qui les ont inventés, en avouant que ce sont des recettes inutiles. La plupart de ces moyens, qu’on trouve consignés dans les Journaux d’agriculture, consistent dans des fumigations & décoctions composées d’herbes d’une odeur forte & désagréable. Le résultat de tous ces procédés a été de communiquer au blé une odeur fétide & dégoûtante, sans nuire aux charançons, qui, enfoncés dans les tas de grains, ne pouvoient point en être incommodés. M. Duhamel a fait une expérience qui prouve évidemment que toutes les odeurs qui nous paroissent si désagréables, ne nuisent point aux charançons de façon à les faire périr. Il renferma du blé où ces insectes s’étoient établis, dans une caisse vernissée d’huile essentielle de térébenthine, sans qu’ils en aient souffert. Quand même toutes les odeurs si vantées seroient capables de leur nuire, il est difficile qu’elles parviennent jusqu’à eux, quand ils sont enfoncés dans un monceau de blé : ceux qui se trouveroient à la surface, s’enfonceroient tout de suite, ou abandonneroient le grenier pour revenir quand la mauvaise odeur seroit dissipée. La fumée de soufre, si active pour rompre l’élasticité de l’air, est sans succès pour suffoquer & faire mourir les charançons, qui n’ont pas besoin, pour respirer, d’une aussi grande quantité d’air que les grands animaux. D’ailleurs, cet insecte est attentif à éviter les dangers qui menacent sa vie ; il s’enfonce dans les tas de blé, au moindre signe du péril qui le menace ; c’est-là qu’à l’abri des moyens que nous employons pour le détruire, il brave nos efforts qu’il rend inutiles. Toutes ces fumigations sont encore plus infructueuses pour détruire les larves de ces insectes ; ce sont elles qui font les plus grands dégâts : calfeutrées dans le grain dont elles rongent la substance farineuse, les odeurs ni la fumée n’arrivent jamais jusqu’à elles.

Quelques économistes ont pensé que pour garantir le blé des charançons, il suffisoit de le mettre dans des caves boisées, ou de le cribler en hiver. 1o. En mettant le blé dans des caves, il seroit difficile de le préserver de l’humidité qui le feroit germer & pourrir. 2o. Les charançons se trouveroient très-bien d’une habitation paisible & obscure, ils feroient donc tous leurs ravages avec la plus grande sûreté. 3o. Le criblage est très-inutile en hiver, parce que dès qu’il fait froid, les charançons quittent les tas de blé : ce moyen est très-infructueux pour détacher les œufs, qui sont si bien collés & si adhérens au grain, qu’il est impossible de les en séparer en le criblant, ou en le remuant à la pelle. D’ailleurs, il est très-rare qu’il y ait des œufs pendant cette saison, à moins que le froid n’ait devancé l’hiver de beaucoup. Le froid suffit donc pour éloigner les charançons du blé & des greniers : cependant, si l’on doutoit qu’ils se fussent enfoncés dans les monceaux de grains, pour braver la rigueur de la saison, en les remuant & les agitant, on les verroit sortir pour fuir & aller chercher des asyles plus tranquilles & plus chauds.

En 1768, la Société royale d’Agriculture de Limoges proposa, au concours, la manière de détruire les charançons. Parmi les mémoires qui lui furent présentés, celui de M. Joyeuse remporta le prix ; l’accessit fut accordé à ceux de M. le Fuel, curé de Jammericourt, dans le Vexin, & de M. Lottinger, docteur en médecine, pensionnaire de la ville de Sarbourg. Nous allons rapporter les procédés de ces trois mémoires, qui nous ont paru les plus efficaces de tous ceux qui ont été proposés jusqu’à présent pour détruire les charançons.

M. Joyeuse assure dans son mémoire qu’une chaleur subite de dix-neuf degrés, est suffisante pour faire périr les charançons sans les brûler : ils restent sans mouvement, ils meurent étouffés dans un air subitement raréfié par une chaleur de dix-neuf degrés. Ce fait est constaté par les expériences qu’il a faites à ce sujet. Il observe cependant que ce degré de chaleur, qui doit être occasionné promptement, afin que le passage subit du froid au chaud les fasse périr, ne suffit point pour suffoquer ces insectes, lorsqu’ils sont enfoncés dans un monceau de blé. M. Duhamel avoit observé qu’il falloit une chaleur de soixante à soixante-dix degrés, pour faire mourir les charançons dans l’étuve ; mais cette chaleur excessive est capable de trop dessécher le blé, & même de le calciner : il est vrai qu’elle a l’avantage de faire périr les œufs, de faire mourir les larves renfermées dans le grain. Quoique le blé ait été étuvé, cette opération fait, il est vrai, mourir les charançons, mais elle ne les préserve pas de ceux qui sont restés dans les greniers, qui vont l’attaquer s’ils n’en ont pas d’autre.

Parmi les moyens de détruire les charançons, M. Joyeuse préfère le froid à la chaleur, 1o. parce que ces insectes sont incapables de nuire pendant l’hiver, étant engourdis & sans mouvement ; 2o. parce qu’ils cessent de manger & de se multiplier dans cette saison. Il est donc démontré qu’en les tenant dans un air dont la température ne seroit point suffisante pour leur donner de l’activité, ils périroient à la suite du temps, si l’on prolongeoit cet état d’engourdissement que leur occasionne le froid. En conséquence, M. Joyeuse propose de substituer au feu, un ventilateur, dont l’effet seroit d’entretenir dans un grenier un air assez froid, pour que ces insectes fussent réduits à ne faire aucune des fonctions nécessaires pour conserver leur existence & multiplier. Si le besoin les pressoit de prendre de la nourriture, ils s’éloigneroient nécessairement d’un endroit où, saisis par un air trop froid, ils ne pourroient pas pourvoir à la conservation de leur existence. M. Joyeuse, chargé du détail des vivres de la marine, mit en pratique l’idée qu’il avoit conçue ; il fit usage du ventilateur de Hales : sur cinq pouces cubes de blé qu’il tria, il trouva trois cens quinze charançons morts, deux cens quatre-vingt-six vivans, après avoir ventilé ce blé pendant six jours. Il conclut de cette épreuve, qu’en continuant l’action de ce ventilateur pendant tout l’été, on entretiendroit assez de fraîcheur dans un grenier, pour obliger les charançons à en déloger, ou pour les engourdir assez pour qu’ils fussent incapables de multiplier & de ronger le blé. Cette méthode est d’autant plus efficace, qu’elle est fondée sur la manière de vivre de ces insectes. Cette idée avoit été mise en exécution par M. Duhamel : après avoir employé le ventilateur dans un de ses greniers, où il y avoit beaucoup de charançons, l’année suivante il n’y en trouva pas un. (Voyez Ventilateur)

Les moyens que M. Le Fuel indique dans son mémoire, pour prévenir les dégâts des charançons, se réduisent à deux : 1o. Il suppose que les œufs pondus par ces insectes, n’éclosent qu’au mois d’Août ; que cette nouvelle génération n’est en état d’en produire une seconde, que l’année suivante : il croit, en conséquence de ces faits, que le moyen le plus efficace de se défaire des charançons, est de vider les greniers avant ce temps, en faisant moudre les grains, ou en les vendant. 2o. M. Le Fuel suppose que les charançons restent pendant l’hiver dans les monceaux de blé où ils s’enfoncent, & où ils sont engourdis, tant qu’il fait froid, jusqu’au retour du printemps. Dans cette supposition, il assure qu’il suffit de remuer & cribler le grain, pour détruire ces insectes, soit en hiver, soit aussi lorsque la chaleur commence à se faire sentir.

Le premier moyen, indiqué par M. Le Fuel, est établi sur une supposition qui n’est point vraie en général : il peut y avoir des pays assez froids, où l’accouplement & la ponte de ces insectes n’aient lieu qu’en Juillet ; mais dans d’autres ils s’accouplent beaucoup plutôt, quelquefois même au retour du printemps, lorsque la saison est assez favorable. Ce moyen d’ailleurs n’est praticable que pour le particulier qui a peu de blé. On ne peut point en faire usage pour les approvisionnemens considérables, à cause des inconvéniens qu’il y a d’avoir des amas de farine sujette à s’échauffer & à fermenter.

Le second moyen est inutile & en pure perte pendant l’hiver, puisqu’il a été démontré qu’il est très-rare qu’il reste quelques charançons dans les tas de blé, pendant cette saison. Au retour du printemps, il est plus efficace, parce qu’en remuant ou criblant le bled, on interrompt la ponte de ces insectes, qui va commencer, on les trouble dans leur asyle, où l’amour du repos & de la tranquillité les retiennent ; de sorte qu’on les oblige à fuir pour s’éloigner d’un endroit qui n’est plus de leur goût dès qu’ils y sont inquiétés.

Les moyens indiqués dans le mémoire de M. Lottinger, consistent, 1o. à troubler ces insectes dans le temps qu’ils se disposent à s’accoupler & à faire leur ponte, en criblant ou remuant le blé pour les forcer à s’en éloigner ; 2o. à les exterminer & les faire mourir par l’eau bouillante qu’on verse sur eux. Le premier moyen est le même que celui de M. Le Fuel, dont nous venons de rendre compte. Voici quels sont les procédés du second.

Lorsqu’on s’apperçoit, au retour du printemps, que les charançons sont répandus dans les monceaux de blé qui ont passé l’hiver dans les greniers, il faut, dit M. Lotinger, en former un petit tas de cinq ou six mesures, qu’on place à une distance convenable du tas principal : on remue alors avec la pelle le blé du principal monceau où ces insectes se sont établis : les charançons qui aiment singulièrement la tranquillité, étant troublés par ce mouvement dans leur asyle, cherchent à fuir pour s’échapper du danger qui les menace. Voyant un autre tas de blé à côté de celui d’où on les force de s’éloigner, ils courent s’y réfugier, espérant qu’on ne les inquiétera point dans cette retraite. Il est rare qu’ils cherchent les murs pour se sauver, quand ils voient un monceau de blé à leur portée, qui leur offre un asyle où ils peuvent se retirer. Cependant, s’il y en a qui cherchent à gagner les murs pour échapper à la mort qui les attend, les personnes qui veillent à leur fuite ont soin de les rassembler avec un balai qu’elles doivent avoir à la main, vers le tas où les autres se retirent, ou de les écraser avec le pied : cela est d’autant plus facile, que cet insecte ne bouge plus ; il contrefait le mort dès qu’on le touche. On peut donc le conduire où l’on veut avec le balai, sans craindre qu’il cherche à fuir ; il ne se réveille de son état de mort apparent, pour se sauver, que quand on ne l’inquiéte plus, & qu’il s’apperçoit qu’on ne songe plus à lui. Si on l’a ramené près du petit monceau de blé mis en réserve, il cherchera tout de suite à y entrer & à s’y enfoncer, dès qu’on ne l’inquiétera plus avec le balai.

Lorsqu’on a rassemblé tous les charançons dans ce tas de blé qu’on a formé à côté du monceau principal, on apporte de l’eau bouillante dans un chaudron, on la verse sur le blé qu’on remue en même-temps avec une pelle, afin que l’eau pénètre par-tout avant de se refroidir : tous ces insectes meurent brûlés & étouffés dans le moment. On étend ensuite le blé pour qu’il puisse sécher ; après quoi il est facile, en le criblant, d’en séparer les charançons morts. Il faut observer qu’il est essentiel de faire cette opération au commencement du printemps, afin de prévenir la ponte de ces insectes : si on la faisoit trop tard, ce moyen seroit infructueux, parce que les œufs déposés & collés aux grains, dont ils ne se séparent point quoiqu’on l’agite avec violence, donneroient une génération de charançons, qui détruiroit tout le blé qu’on veut conserver. La génération qui existe n’est dangereuse qu’en donnant naissance à celle qui lui succède : c’est donc celle-là qu’il faut prévenir, en détruisant celle qui lui donneroit l’existence.

Ce procédé de M. Lottinger, aussi simple qu’il est peu dispendieux, mérite l’attention de ceux qui s’intéressent à la conservation des grains. Il peut être exécuté en grand, comme en petit, sans occasionner une dépense considérable, qui est souvent la cause que les projets restent sans exécution, parce qu’on est effrayé des frais qu’ils nécessitent. M. D. L. L.

Je crois devoir ajouter quelques observations au travail de M. D. L. L. Le charançon, cet animal si redoutable pour les grains, est connu dans nos provinces sous des noms différens ; ici on l’appelle cadelle, là calandre, ailleurs la chatte peleuse, cosson, cossan, gond, &c. Je ne crois pas que cadelle soit synonyme avec charançon, du moins ce qu’on nomme cadelle dans le bas Languedoc, ne me paroît avoir aucun rapport avec lui. Le charançon, dans son état de ver, ne sort pas de l’intérieur du grain où il est né, & dans lequel son œuf a été déposé ; la cadelle, au contraire, dans son état de ver, est souvent plus grosse que le grain même, & du double plus, lorsque le ver a acquis sa grosseur. Le charançon travaille comme un mineur dans l’intérieur du grain ; la cadelle, au contraire, attaque l’écorce par un des bouts & pénètre dans la cavité du grain, où elle ne sauroit & ne pourroit se loger. J’ai fait dessiner cet insecte dans son état de ver, j’en conserve un grand nombre pour attendre leur métamorphose en insecte parfait, & je représenterai l’un & l’autre à la gravure du mot Insecte.

Le lecteur verra sans doute avec plaisir comment s’exécute la multiplication prodigieuse du charançon ; on doit ces détails & ces observations à M. Joyeuse. Suivant la saison & le pays, la ponte commence plutôt ou plus tard ainsi qu’il a été dit. Le mois d’Avril sert d’époque pour nos provinces méridionales, & elle s’y propage souvent jusqu’à la fin d’Août : ainsi le dégât dans les grains est beaucoup plus affreux dans ces provinces que dans celles du nord.

La femelle dépose & cache ses œufs immédiatement sous la peau des grains. Pour cela elle y fait une piqûre qui la tient un peu soulevée en cet endroit, & y forme une petite élévation peu sensible à la vérité. Ces trous ne sont pas perpendiculaires à la surface des grains, mais obliques ou mêmes parallèles, & bouchés d’une espèce de gluten de la couleur du blé. Il paroît, d’après l’observation de M. Le Fuel, que ces insectes commencent à enfoncer, entre la peau & la substance du grain, le petit dard caché sous la partie inférieure de la trompe, 1o. parce que l’orifice du trou est visiblement plus droit que ne seroit celui d’un pareil trou fait avec la trompe, plus grosse que le trou ; 2o. parce que l’extrémité de la trompe est mousse & arrondie.

Il résulte de la table donnée par M. Joyeuse, qu’une seule paire pond un œuf par jour pendant tout le temps des chaleurs ; que dans 546 journées de multiplication de différentes paires de charançons, il y en a eu 282 d’engendrés, ce qui revient au même que si une seule paire, dans ce même temps, avoit produit ce nombre. La ponte cesse lorsque la chaleur du matin est au huitième degré, & les œufs pondus en Mai & Juin restent moins à éclore que ceux pondus dans les mois suivans.

Des charançons sortis au milieu de Juillet du blé où ils avoient pris naissance, l’abandonnèrent, mais ils y laissèrent une nouvelle ponte qui fut à terme le 27 Septembre. Le nombre des charançons de cette seconde ponte fut prodigieux. Les jeunes charançons pondent presque en sortant du grain, c’est-à-dire, 12 ou 15 jours après, & il ne se passe pas deux mois, à compter depuis leur sortie, sans voir paroître une nouvelle génération. M. Le Fuel avance au contraire que les charançons ne font aucune peuplade dans la même année ; il a sans doute raison pour le Vexin, dans lequel il écrit, parce que la chaleur est moins forte que dans la Provence ; mais comme l’été dernier 1781 j’ai vérifié le fait dans le bas Languedoc, je suis entièrement de l’avis de M. Joyeuse ; mes observations sont conformes aux siennes.

On pourroit supputer dans le midi de la France, quelle seroit la postérité d’une seule paire de charançons qui pondroit pendant 150 jours. La première génération seroit de 150 charançons ou 75 paires : il y en aura 45, c’est-à-dire, celles pondues depuis le 15 Avril jusqu’au 15 Juillet, qui seront en état de multiplier & qui pondront depuis le 15 Juin jusqu’au 15 Septembre ; c’est-à-dire, que la première paire ou la plus ancienne pondra pendant cet intervalle 90 charançons ; la seconde 88 ; la troisième 86 ; enfin les productions de ces 45 paires formeront une progression arithmétique de 45 termes, dont le premier sera 1, le second 2, & le dernier 90 ; l’exposant 2, & la somme totale 2071. Il y aura donc 2071 charançons provenus de la seconde génération.

De ces 2071 charançons provenus de la seconde génération, il y en aura qui seront en état de multiplier depuis le 15 Avril jusqu’au 13 Septembre, & cette troisième génération sera de 3825. Si à présent on ajoute ensemble le nombre des charançons de chaque génération, 150, 2070, 3825, on aura la somme totale de 6045 charançons provenans d’une seule paire pendant un été, c’est-à-dire, pendant 5 mois à dater du 15 Avril au 15 Septembre que la liqueur se soutient dans le thermomètre au-dessus de 15 degrés, & ne descend jamais guère plus bas dans nos provinces méridionales. Après cela, doit-on être étonné si des monceaux énormes de blé sont si promptement dévorés ?

Aux espèces de charançons décrites par M. D. L. L., il est essentiel d’ajouter celle du charançon rouleur à cause du mal qu’il apporte aux vignes, par le dégât qu’il fait de leurs feuilles, dans un temps où elles ont le plus grand besoin de cet organe de leur respiration. À la gravure du mot Insecte, ce charançon sera représenté dans son état de ver & d’insecte parfait. M. von Linné le nomme Curculio Bacchus.

Ce charançon, comme tous les insectes de cette famille, est armé d’antennes coudées dans le milieu. La partie qui tient à la trompe est formée d’une seule articulation, & l’inférieure est en masse. La trompe noire un peu élargie à son extrémité antérieure est de la longueur du corcelet. La couleur du corcelet & des étuis des charançons femelles est d’un beau vert rougeâtre, tirant un peu sur le rouge ; celle du mâle est d’une couleur bleue tirant sur le brun ; le dessous du corps & du corcelet est noir. La longueur de la larve ou ver est de six lignes environ, son épaisseur, d’une ligne ; la peau de son corps est blanche & lisse, & celle qui recouvre la tête est jaune.

Le rouleur paroît dans le temps que la vigne commence à pousser ses pampres & ses feuilles. Il se nourrit des feuilles les plus tendres, & par conséquent nuit beaucoup à la végétation du sarment qui s’alonge. Lorsque le temps de sa ponte, qui se fait dans le courant de Juin, est arrivé, il choisit la feuille la plus ample, la mieux nourrie & la plus saine pour y déposer ses œufs. On se rappelle que les feuilles de vigne sont communément découpées en cinq lobes, & que la queue de la feuille se divise en cinq nervures principales, dont chacune occupe le milieu de chaque section de la feuille. Le rouleur commence par ronger ou cerner dans le milieu de la longueur, la queue ou pétiole de la fleur, ce qui occasionne une extravasion de séve. Cette séve ne se portant plus aux ramifications de la feuille, la feuille devient molle & se flétrit après quelques jours. Aussi-tôt que le rouleur a fait cette première opération, il va la renouveler sur chacune des nervures de la feuille. Il pique la nervure du petit lobe extérieur, il y dépose ses œufs & les y fixe par une espèce de gluten ; alors ce lobe se roule sur lui-même en forme de spirale. Dès que le premier lobe est roulé, l’insecte attaque la nervure du second, mais en sens contraire, c’est-à-dire, en dessous ; de sorte que l’endroit de la division du lobe où finit la première spirale, est le principe d’une nouvelle spirale en sens contraire. Lorsque toute l’opération est finie, on trouve deux lobes, dont la spirale commence de droite à gauche, & deux de gauche à droite ; enfin la cinquième sert de recouvrement à toutes les quatre. Chaque spirale renferme des œufs, & il faut cinq ou six jours pour que la feuille soit entièrement roulée. Alors elle est parfaitement desséchée, & reste pendante. Les œufs y sont en sureté & à l’abri de toutes les variations de l’air ; la pluie même la plus abondante ne sauroit pénétrer jusqu’à l’endroit du dépôt, parce que chaque spirale de la feuille joint exactement la partie voisine. L’œuf reste huit à dix jours sans éclore & après ce temps il en sort une petite larve ou petit ver qui cerne tout autour de lui la feuille desséchée dont il s’alimente, puisqu’on trouve auprès de lui, des excrémens, & on ne voit aucune ouverture par où il ait pu passer pour aller chercher sa nourriture. Il en sort insecte parfait ou vrai charançon. Heureusement pour les vignes, sa multiplication se borne à une seule génération, puisque l’époque dont on a parlé, est la seule où l’on trouve des feuilles de vigne roulées en spirale.