Cours d’agriculture (Rozier)/CHARME, CHARMILLE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 49-51).


CHARME, CHARMILLE. Tant que l’arbre reste forestier, on l’appelle charme ; & charmille lorsqu’il est élevé en palissade. M. Tournefort le place dans la première section de la dix-neuvième classe, qui comprend les arbres & les arbrisseaux à fleurs à chatons séparés sur le même pied, & dont le fruit est une semence osseuse ; & il le nomme, d’après Bauhin, ostrya ulmo similis, fructu in umbilicis foliaceis. M. von Linné le classe dans la monœcie poliandrie ; & l’appelle carpinus betulus. Cet arbre est commun aux deux hémisphères ; on le trouve également en Europe & au Canada.

Fleurs, mâles, séparées des fleurs femelles, mais sur le même pied ; les fleurs mâles attachées sur un filet commun, en forme de chatons, & ces chatons sont composés d’écailles qui recouvrent les étamines fort courtes, souvent au nombre de vingt & plus. Les fleurs femelles sont placées comme sur un épi écailleux, & sous chaque écaille paroît le pistil divisé en deux.

Fruit ; espèce de noyau ovale anguleux, dans lequel est une amande.

Feuilles, ovales terminées en pointes, dentelées sur les bords, plissées avant leur développement, d’un vert foncé en dessus, & d’un vert blanchâtre, légérement cotonneux, en dessous. Elles ne tombent qu’au printemps, quoiqu’elles soient sèches depuis les premières gelées.

Racine, brune, ligneuse.

Port. Sa hauteur le met au second rang des arbres de nos forêts ; son tronc est rarement bien arrondi ; son écorce est unie, blanchâtre & marbrée ; son bois est excellent à brûler, & attendu sa dureté, les ouvriers s’en servent pour faire des masses, des maillets, des manches d’outils, &c. Dans la fabrique à poudre de Berne, & qui est si estimée, on se sert par préférence du charbon de charme.

Lieu. Les grandes forêts.

De ses espèces. On en compte plusieurs espèces ou variétés. La première est le charme, dont les écailles des chatons sont planes, & c’est l’arbre qu’on vient de décrire.

La seconde, dont les écailles des chatons sont enflées. Elle quitte ses feuilles avant l’hiver, & croît plus vite que la précédente.

La troisième, le charme à feuilles ovales, dentelées & en forme de fer de lance ; ses chatons sont courts. Il ne s’élève guère au-dessus de dix à douze pieds.

La quatrième, le charme à feuilles en forme de lance, terminées en pointes, & à très-longs chatons. Son bois est plus dur que celui des deux seconds, & aussi dur que celui du premier.

De sa multiplication. Aucun arbre ne se prête plus facilement aux fantaisies des décorateurs des jardins, soit pour former des palissades, des haies, des portiques de colonnades ; en un mot, toutes les décorations en verdure. Il supporte la tonte en été comme en hiver ; enfin, sous les mains exercées d’un jardinier, il prend toutes les formes qu’on veut lui donner.

La nature prend soin de son éducation dans nos forêts ; la graine qui tombe après sa maturité, le reproduit ; & c’est de ces semis naturels qu’on tire, pour l’ordinaire, les sujets destinés aux palissades, &c. ; mais comme ces sujets ont souvent leurs racines écourtées ou mutilées lorsqu’on les arrache, il en périt beaucoup dans la transplantation : pour éviter cet inconvénient, on a eu recours aux semis, pépinières, &c.

Du semis. On recueille la graine au temps de sa maturité, à peu près dans le mois d’Octobre, & on la sème aussi-tôt dans un terrein frais & à l’ombre. Quelques graines germeront au printemps suivant, & la totalité à la seconde année. Le seul soin que demandent ces semis, consiste à les arroser au besoin, pour tenir la terre fraîche, & à les sarcler souvent.

Des pépinières. Un ou deux ans après que la plante a germé, que la tige a acquis une certaine consistance, on commence par défoncer la terre d’un côté, jusqu’au dessous des racines ; & successivement en défonçant toujours, on tire de terre tous les plants sans endommager les racines. C’est dans cet état, & sans étêter les jeunes plants, qu’on les transporte dans les petites fosses préparées pour la pépinière, où ils sont plantés à dix à douze pouces de distance. Sarclez souvent ces pépinières, travaillez-les deux fois l’année, & arrosez au besoin. À la sixième ou septième année, les plants auront fait de belles tiges, & seront en état d’être transplantés ; de cette manière on est assuré de voir réussir à merveille les plantations de palissades, de bosquets, &c. sur-tout si le terrein a été bien défoncé, & si, dans les deux premières années, on ne leur laisse pas éprouver les rigueurs de la sécheresse.

Le temps de transplanter la charmille est marqué par le desséchement des feuilles ; alors la sève ne monte plus des racines aux branches, le bouton à bois est bien formé. Les pluies de l’hiver ont le temps de joindre exactement les parcelles de terre contre la racine. Dans les provinces méridionales, elles travaillent un peu pendant cet espace de temps : enfin, au printemps la végétation de la plante hâte son développement. Si la transplantation a lieu après l’hiver, la reprise sera moins assurée, & beaucoup plus tardive. Il arrive cependant quelquefois que les fortes gelées font périr les tiges jusqu’au niveau de terre, sur-tout dans les terreins humides ; mais c’est un mal léger, puisqu’en coupant cette tige desséchée, de nouvelles branches sortiront du pied.

Si on veut jouir promptement, & si le terrein est bon, on peut planter des charmilles de douze à quinze pieds de hauteur, & de huit à dix dans un sol de médiocre qualité. La distance entre l’un & l’autre doit être de dix-huit pouces. On aura soin de couper toutes les branches de la tige, & de laisser un chicot de deux à trois pouces à la naissance de chaque branche. Ce chicot retient la sève, pousse des bourgeons, & ces bourgeons garnissent bientôt l’espace qui se trouve vide ; de sorte qu’à la seconde année, la palissade est toute formée. Si les charmilles qu’on a arrachées dans les bois sont d’une belle venue, bien saines, bien vigoureuses, & sur-tout bien enracinées, elles suppléeront les charmilles élevées dans les pépinières. Une précaution à prendre avant de les replanter, c’est de les laisser tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures.

Après la plantation, l’alignement, &c. il convient de ficher en terre de forts piquets, & de retenir des deux côtés les charmilles, par des perches transversales, afin d’empêcher que les coups de vent ne dérangent leur direction.

La taille s’exécute au croissant & aux ciseaux, avant le renouvellement de la sève du printemps & du mois d’Août : l’épaisseur qu’on doit donner à la palissade dépend de sa longueur ; mais il est toujours prudent de tailler & de raccourcir les branches vers le tronc, parce que les feuilles poussent seulement à l’extérieur des rameaux. À quoi sert donc alors une épaisseur de six à huit pieds ?

Outre l’agrément inappréciable que procure cette charmante verdure, la charmille réunit encore l’avantage de parer les coups de vent, d’en garantir les vergers, les potagers, &c.