Cours d’agriculture (Rozier)/CLASSE DES PLANTES

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 384-387).


CLASSE DES PLANTES, Botanique. Pour bien entendre tout ce que nous allons dire sur les classes des plantes, il faut lire ce que nous avons dit sur la nomenclature de la Botanique, au mot Botanique, section III. Nous y avons développé ce qu’il falloit entendre par les méthodes naturelles & artificielles, & les systèmes ; nous y avons vu que toute méthode ou système étoit divisée en plusieurs parties ; que chaque partie étoit désignée par un terme général qui la caractérisoit ; comme celui de classe, de genre, d’espèce, d’individu. Toute la nature, quoi qu’elle ne paroisse être qu’une, & ne former qu’un tout, se divise naturellement en trois grandes familles ou règnes, qui ont un caractère particulier, qui les fait distinguer les unes des autres. Chaque règne, à son tour, se divise naturellement en classes ; par conséquent les caractères qui constituent les classes, sont plus circonscrits, & n’appartiennent pas à un aussi grand nombre d’objets que ceux des règnes ; mais ils sont plus étendus, & embrassent beaucoup plus d’objets que ceux qui caractérisent les genres. On sent facilement que les caractères généraux qui établissent les classes, ne peuvent pas également convenir aux divisions des trois règnes. Le même caractère qui détermine un arbre, & le différencie d’une herbe, ne sera pas le même qui déterminera un quadrupède ou une pierre, & les différenciera d’un volatile, ou d’un métal, ou d’un sel. Chaque règne a donc son caractère propre, qui divise ses classes. Puisque ce caractère distinctif des classes est moins général que celui des règnes, & plus que celui du genre, la classe est donc un terme moyen, une division intermédiaire entre le règne & le genre. Rendons ceci sensible par un exemple analogue au sujet que nous traitons. Le règne végétal a pour caractère particulier, de renfermer des êtres qui ont une espèce de vie, sans annoncer aucun acte de volonté, & de sentiment réel & animal ; mais ces êtres n’ont pas tous la même forme, la même grandeur, le même port. Les uns sont d’une certaine élévation, d’une consistance dure & ligneuse, & ont une vie qui se prolonge plusieurs années : les autres, au contraire, tendres & herbacés, vivent à peine un ou deux ans. Nous avons donc dans le règne végétal deux grandes classes générales & premières, les arbres & les herbes : mais cette division, frappante au premier coup d’œil, rapproche encore trop cette multitude d’êtres végétans. Qui distinguera les arbres les uns d’avec les autres ? qui apprendra à ne pas confondre cette herbe avec sa voisine ? Si l’on trouvoit une ou plusieurs parties qui, communes dans toutes les plantes, eussent pourtant un caractère différenciel pour telle ou telle quantité de plantes, dés ce moment ce caractère serviroit de ligne de démarcation, pour les arbres & les herbes, qui diviseroit tout le règne végétal en autant de portions différentes, & tranchantes les unes sur les autres : ces divisions formeroient autant de classes. Si, à présent, chacune de ces divisions étoit encore trop nombreuse & trop confuse, on pourroit y mettre de l’ordre, en considérant un caractère moins apparent, à la vérité, que celui de la classe, mais aussi général, ou des rapports constans dans leurs parties essentielles ; on auroit alors les sections & les genres.

Ce caractère classificateur doit donc être facile à saisir, tranchant, & à la portée des yeux les moins accoutumés à voir. Sans cela, il entraîneroit nécessairement de la confusion, & augmenterait le cahos que l’on auroit voulu débrouiller.

Chaque Botahiste qui a bâti un systême, ou créé une méthode, a cherché ce caractère, & a cru l’appercevoir dans les différentes parties de la plante : mais quiconque voudra composer de nouvelles classes, doit s’attacher unièmement aux véritables rapports qui sont entre les genres ; & ces rapports doiventnécessairement se trouver entre tous les genres d’une même classe. La fleur & le fruit offrent naturellement ces divisons & ces caractères classificatifs ; aussi presque tous les auteurs les ont-ils tirés de ces parties, comme nous allons le, voir.

C’est Gesner qui, le premier, ait apperçu qu’il valloit mieux chercher ce caractère dans les parties de la fructification, que dans toutes les autres, surtout les feuilles ; mais il est mort avant d’avoir pu former une méthode d’après ce plan. Césalpin l’exécuta en partie, & vint à bout de séparer d’abord les arbres & arbrisseaux d’avec les herbes, de les diviser en plusieurs bandes, & de subdiviser encore chaque bande en quinze classes. Morisson marcha sur ses traces, rectifia sa méthode, & en donna une, où toutes les plantes, divisées par les fruits, étoient rangées en dix-huit classes. Ray réforma encore les méthodes de Césalpin & de Morisson, & rapprocha plusieurs classes de l’ordre naturel. Les fruits furent la base de ses divisions ; mais il eut recours aux pétales dans quelques cas particuliers. Nous passons sous silence tous les Botanistes subséquens & antérieurs de M. Tournefort, parce qu’ils n’ont fait que varier, sans les perfectionner absolument, toutes les méthodes qu’ils avoient trouvées avant eux. Enfin, M. Tournefort parut ; &, au-lieu de considérer d’abord les fruits, il porta ses premières vues sur les pétales, comme la partie des fleurs la plus apparente & la plus frappante, & son caractère classificateur fut tiré de la corolle, en considérant sa présence ou son absence, sa disposition simple ou composée, le nombre des pétales qui la constituent monopétale ou polypétale, enfin, la figure des pétales, régulière ou irrégulière. Les monopétales régulières lui donnèrent les deux premières classes, & les irrégulières, la troisième & la quatrième. Les polypétales régulières lui fournirent les cinq, six, sept, huit & neuvième classes ; les irrégulières, la dixième & la onzième. Les composées établirent les douzième, treizième & quatorzième classes, & les fleurs apétales ou sans pétales, les quinzième, seizième & dix-septième classes. Il divisa les arbres & arbustes d’après les mêmes principes, mais dans un ordre inverse à celui des herbes. Les fleurs apétales formèrent la dix-huitième classe ; les apétales amentacées, la dix-neuvième ; les monopétales, la vingtième ; les polypétales régulières, rosacées, la vingt-unième ; enfin, les polypétales irrégulières, papilionacées, la vingt-deuxième.

M. le Chevalier von Linné suivit une autre route ; & au-lieu de considérer, comme M. Tournefort, simplement les enveloppes des parties de la fructification, il s’est arrêté principalement aux parties même de la fructification, & sa classification porte essentiellement sur ces mêmes parties : les étamines, qui sont les parties mâles, & les pistils, qui sont les parties femelles, considérés suivant leur apparence ou leur occultation, leur union ou leur séparation, leur situation, leur insertion, leur réunion, leur proportion & leur nombre. Ces sept observations fournissent les caractères de vingt-quatre classes. Les treize premières sont divisées par le nombre des étamines uniquement, à l’exception de la douzième & de la treizième, qui le sont aussi par leur insertion ; la quatorzième & la quinzième, par leurs proportions respectives ; les seizième, dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième & vingtième, par leur réunion en quelques parties ; les vingt-unième, vingt-deuxième & vingt-troisième, par leur union avec le pistil, ou leur séparation d’avec lui ; enfin, la vingt-quatrième, par l’absence, ou le peu d’apparence des étamines.

M. de Jussieu, Démonstrateur de Botanique au Jardin royal de Paris, a tiré son caractère classificateur de la semence ou graine, (voyez ce mot) La graine est pourvue de lobes ou cotylédons, ou en est privée ; ce qui lui fournit naturellement trois grandes classes primitives, qui sont les plantes, dont la semence est acotylédone, ou sans cotylédons ; monocotylédone, ou à un seul cotylédon ; & dicotylédone, ou avec deux cotylédons. Les organes sexuels viennent au secours de ces grandes divisions, qui pourraient être trop générales. La position relative des pistils, & l’insertion ou point d’attache des étamines, complettent la classification naturelle, & fournissent quatorze classes. D’abord sont les acotylédones, & c’est la première classe ; puis les monocotylédones, dont les étamines, attachées au support, désignent la seconde classe : attachées au calice, la troisième ; & attachées sur le pistil, la quatrième. Ensuite viennent les dicotylédones qui forment les classes suivantes ; savoir la cinquième, qui est composée des apétales à étamines attachées au calice ; la sixième, des apétales attachées au Support ; la septième, des monopétales dont la corolle est attachée au support ; la huitième, des monopétales dont la corolle est attachée au calice ; la neuvième, des monopétales dont la corolle est attachée sur le pistil, & dont les anthères sont réunies : la dixième n’en diffère que parce que les anthères sont distinctes ; la onzième, des polypétales à étamines & corolle attachées sur le pistil ; la douzième, à étamines & corolle attachées au support ; la treizième, à étamines & corolle attachées au calice. Enfin, la quatorzième renferme les dicotylédones irrégulières, dont les étamines sont séparées du pistil.

Voyez, pour de plus longs détails sur les classes de Tournefort, de von Linné & de Jussieu, le mot Système, où l’on développera les principes fondamentaux de leur méthode. M M.