Aller au contenu

Cours d’agriculture (Rozier)/COURBATURE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 529-531).


COURBATURE. Les courbatures, l’échauffement & l’abattement, sont plutôt des dispositions à la maladie que la maladie elle-même.

Les personnes attaquées de courbature éprouvent des lassitudes dans différentes parties du corps, des maux de tête, des étourdissemens, des insomnies, des dégoûts ; au plus léger travail qu’elles font, elles sont fatiguées considérablement ; elles sont tourmentées par des diarrhées ou dévoiemens qui se terminent quelquefois par des sueurs ou par des éruptions à la peau.

Cet état, si on n’y remédie promptement, conduit à une maladie grave. La matière propre à faire naître telle ou telle maladie, roule dans le torrent de la circulation, irrite par son acrimonie les parties sensibles, s’arrête par portion, sur tel ou tel organe, & produit tous les phénomènes dont nous avons fait plus haut l’énumération. Les veilles excessives, les alimens échauffans ou de mauvaise qualité, l’étude ou le travail portés au-delà des forces, les excès dans les plaisirs de l’amour, la masturbation, les maladies de la peau rentrées, les sueurs supprimées, les hémorroïdes & les règles arrêtées, les passions violentes ou profondes, la disette, & l’excès des fatigues, sont les causes qui donnent naissance à la courbature.

Peu d’indisposition mérite autant d’attention que la courbature : la médecine qui s’occupe des moyens de prévenir les maladies prêtes à exercer leurs ravages, n’a peut-être pas encore acquis assez de confiance de la part des hommes, & assez d’attention de la part des officiers de santé : pourquoi faut-il que le bien éprouve tant d’obstacles, tandis que le mal chemine rapidement sans être troublé dans sa course ? Ces réflexions n’ont pour but que de présenter les avantages que les hommes peuvent recueillir en s’occupant des moyens de prévenir les maladies graves qui les menacent, & qui sont presque toujours annoncées par des signes faciles à connoître, pour peu qu’on veuille les soumettre à l’observation.

Si l’abus des remèdes est dangereux dans toutes les maladies, c’est dans la courbature, sur-tout, que leur administration doit être fixée par des gens sages & éclairés, observateurs de la marche, des efforts & des ressources de la nature.

Après un examen réfléchi, on doit saisir la cause des courbatures, & proportionner les moyens à l’intensité, au genre & à l’espèce de la cause.

Chez les gens de la campagne, la courbature, signe avant-coureur d’une maladie grave, reconnoît souvent pour cause, la disette, l’excès des fatigues qui épuisent le corps après des travaux forcés, les sueurs rentrées, & les évacuations naturelles supprimées.

Dans ces circonstances, le repos, des alimens sains & de facile digestion, de bons bouillons, & du vin de bonne qualité, suffisent souvent pour arrêter les progrès du mal, sans qu’on soit forcé d’en venir à l’emploi des remèdes, qui, dans des cas semblables, tueroient infailliblement le malade : il n’existe malheureusement que trop de gens dans l’art de guérir, qui ne voient par-tout que l’usage indispensable des saignées, des émétiques & des purgatifs, & qui ne connoissant pas les ressources de la nature, en sont plutôt les bourreaux que les ministres. Le peuple lui-même est tellement séduit par les préjugés, qu’il refuse entièrement de soumettre à sa raison les observations les plus lumineuses, qui lui sont faites par des gens initiés dans la connoissance de la nature, & que, rejetant tous les moyens simples, qui seuls rétablissent sa santé, préviennent les maladies qui les menacent, & combattent celles qui existent : il ne donne sa confiance qu’aux moyens actifs, violens, & sur-tout secrets, que le vulgaire des soi-disans guérisseurs lui prône, & le force d’accepter. L’entêtement de l’habitude & de l’ignorance est tel que les exemples les plus sinistres ne jettent point de jour sur ces préjugés.

Si la courbature doit son origine aux évacuations supprimées, arrêtées ou rentrées, il faut en solliciter doucement l’apparition.

Si la courbature vient de mauvais levains dans l’estomac, il faut en solliciter la sortie par des boissons légères & abondantes, & faire ensuite usage des acides légers en boisson, & des lavemens légèrement purgatifs. Il faut se comporter de cette manière dans les différentes causes de la courbature ; si on n’est pas assez heureux pour prévenir la maladie qui menace, il est certain, du moins, qu’on en diminuera considérablement l’activité, si, à tous les moyens que nous venons d’indiquer, on joint le régime, remède le plus salutaire dans ces circonstances douteuses. M. B,


Courbature, Médecine vétérinaire. La courbature est une inflammation du poumon, occasionnée par un travail forcé, ou une fatigue outrée ou excessive.

Le cheval est beaucoup plus sujet à cette maladie que le bœuf.

Symptômes. Il est triste, dégoûté ; il porte la tête basse, a la fièvre, bat des flancs, respire difficilement, tousse & jette par les naseaux une humeur glaireuse, tantôt jaunâtre, tantôt sanguinolente.

Causes. L’engorgement du poumon, dans la courbature, peut provenir de deux causes : ou de la raréfaction du sang, ou de son épaississement. 1°. Le sang étant mis en mouvement, s’échauffe, se raréfie, & se porte en abondance sur ce viscère ; 2°. ce fluide étant appauvri, & mis, pour ainsi dire, à sec, par des sueurs abondantes, à la suite des exercices outrés, il s’épaissit, circule difficilement, s’arrête en partie, & engorge les vaisseaux capillaires du poumon ; & de-là la courbature.

Traitement. D’après cette théorie, on doit bien sentir qu’il n’y a pas de temps à perdre, si l’on veut sauver la vie du cheval : la résolution étant le moyen le plus sûr & le plus prompt, il faut se hâter de la procurer. La saignée à la veine jugulaire sera donc pratiquée ; on la répétera même de quatre en quatre heures, & toujours en raison de l’état des symptômes. Il est à observer que des saignées au commencement de la courbature, sont plus efficaces que lorsqu’elle est dans son état, & qu’elles deviennent inutiles les cinquième & sixième jour. Dans l’intervalle des saignées, on administrera à l’animal, des breuvages d’une décoction de mauve & de guimauve, auxquels on ajoutera deux onces de miel, & une once de sel de nitre pour chaque : les lavemens émolliens ne seront pas oubliés. Si au bout du quatrième jour de ce traitement, la fièvre & les autres symptômes paroissent diminuer, c’est une preuve que la résolution veut se faire ; l’artiste doit saisir ce moment pour la favoriser, en donnant à l’animal des breuvages d’une forte décoction des baies de genièvre dans l’eau commune. Si l’on voit, au contraire, que l’animal jette, par les naseaux, une matière jaunâtre & séreuse, il faut favoriser la suppuration qui est établie, en faisant respirer au cheval la vapeur des herbes émollientes, telles que la mauve, le bouillon-blanc, &c. &c. L’expérience prouve qu’en pareil cas les fumigations sont un remède aussi prompt qu’assuré, d’autant plus qu’elles calment les douleurs, diminuent l’aréthisme des vaisseaux du poumon, détachent les humeurs, & en facilitent la sortie par les naseaux ; mais il faut prendre garde que la décoction, de laquelle les vapeurs doivent émaner, ne soit pas bouillante, ni trop près des naseaux du cheval ; elles feroient alors plus de mal que de bien ; l’animal battrait des flancs jusqu’à la fin des fumigations ; il risqueroit même de suffoquer, sur-tout si sa tête étoit couverte de manière à s’opposer à la dissipation des particules qui s’exhalent de l’eau bouillante, en les dirigeant dans les naseaux. Ces fumigations doivent se faire deux fois par jour, en observant de n’ôter la décoction de devant l’animal, que lorsqu’elle ne donne plus de chaleur. M. T.