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Cours d’agriculture (Rozier)/CRAN

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CRAN, (Cochlearia armoracia L.) Sa tige est haute de deux pieds, droite, cannelée et rameuse seulement vers son sommet ; ses feuilles radicales sont droites, très-grandes, pétiolées, ovales, oblongues, crénelées, glabres et nerveuses ; les feuilles inférieures de sa tige sont quelquefois découpées et semi-pinnées : les supérieures sont longues, fort étroites et chargées de quelques dentelures ; les fleurs sont blanches, assez petites, et disposées par bouquets ou espèces de grappes lâches et terminales.

Cette plante croît naturellement dans nos provinces septentrionales ; mais alors sa racine est mince et filandreuse, et ne sauroit être employée à l’usage de la table. La culture lui donne un plus gros volume, plus de force, et un goût plus agréable.

Elle demande un sol un peu humide et substantiel, quoique cependant elle croisse dans toute espèce de terrain : l’ombre lui convient assez. On préparera la terre qu’on lui destine, par un labour profond, afin d’obtenir des racines grosses, droites, et sans bifurcation.

On pourroit la multiplier de graines ; mais comme elle a une grande force végétative, on la propage en transplantant ses rejetons ou ses racines, qu’on divise en plusieurs portions, et qu’on taille à la longueur de deux ou trois pouces ; on peut même la reproduire en mettant en terre des morceaux de sa racine nouvellement cueillis, et coupés en rouelles, de l’épaisseur de deux ou trois lignes. Cette opération doit être l’époque où la sève est en mouvement. Les racines de la plante venue de graine ne parviennent à leur grosseur qu’au bout de quelques années, tandis qu’elles y arrivent dès la seconde, lorsqu’on les multiplie par la transplantation. Aussi cette dernière méthode est-elle la seule usitée.

Lorsqu’on cultive le cran pour la consommation d’un ménage, on se contente d’en placer quelques pieds dans un coin de jardin. Si l’on veut, au contraire, en faire une culture assez considérable pour fournir aux marchés publics, on le dispose dans des carreaux, et en pleine terre.

Après avoir bien ameubli le sol, l’avoir labouré à la profondeur de deux fers de bêche, et l’avoir fumé convenablement, on y forme des creux ou des tranchées, dans lesquelles on pose les racines à la distance d’un pied ou quinze pouces, et que l’on recouvre de terre.

Cette plantation a lieu en automne, ou au printemps ; c’est-à-dire, en octobre pour les terrains secs, et en février pour ceux qui sont humides. On a soin d’extirper les herbes parasites qui croissent, jusqu’à l’époque où les feuilles de la plante sont assez fortes pour les étouffer.

Dès la fin de la première année, les racines seront propres à l’usage auquel on les destine ; elles n’atteignent cependant toute leur grosseur qu’à la seconde année de leur plantation. Passé cette époque, elles deviennent coriaces, et elles perdent leur saveur.

On a coutume, dans quelques parties du Nord, de les couvrir, pendant l’hiver, avec de la paille ou du fumier ; mais cette précaution est inutile sous le climat de Paris, où ces racines ne souffrent pas de la gelée.

Les Anglais et les Allemands font un grand usage de la racine de cran : lorsqu’elle est fraîche râpée, elle a un goût approchant de celui de la moutarde. Elle remplace celle dernière substance, et sert d’assaisonnement aux viandes et aux poissons ; elle excite l’appétit. On la ratisse et on l’étend avec du beurre sur des tartines de pain ; elle a un goût âcre qui ne plaît pas à tous les palais, sur-tout à ceux qui n’y sont pas habitués. Elle offre cependant un assaisonnement sain et doué d’une propriété antiscorbutique. Elle conserve d’autant plus sa force et ses qualités, qu’elle a été retirée de terre plus récemment. (Lasteyrie.)