Cours d’agriculture (Rozier)/CROSSETTE
CROSSETTE. Mot particulièrement consacré à la vigne : c’est un sarment de l’année, bon, fort, sain & vigoureux, que l’on coupe sur le cep, en lui laissant pour base une couche ou portion du bois de l’année précédente, en quoi elle diffère de la bouture. (Voyez ce mot) On dit une crossette de saule, d’olivier, &c.
Le nom de crossette vient de la forme de crosse, que présente ce morceau de l’ancien bois, joint au nouveau. Dans quelques provinces où l’idiome a conservé l’usage des mots latins, on l’appelle maillole, malleole, du mot malleolus, qui signifie petit maillet. Ce morceau de bois, laissé à la base du sarment, est pour lui ce que la greffe est pour l’arbre. Si on plante un sarment sans être garni de sa crossette, il n’est pas franc. C’est par le bois de l’année précédente que les premières racines s’élancent ; la sève qu’elles pompent est élaborée dans les fibres de ce vieux bois ; elle monte moins grossière dans les fibres droites du nouveau ; & lorsque le sarment a bien repris, il n’a pas besoin d’être provigné (voyez ce mot) pour être franc.
En taillant la vigne, on fait alors le choix des crossettes. Le bois de chaque cépage doit, aux yeux du vigneron instruit, indiquer l’espèce de raisin qu’il porte ; cependant, crainte de méprise, l’amateur qui désire ne planter que des plans choisis, doit, lorsque le raisin est sur le cep, marquer, avec des fils de soie de différentes couleurs & foncées, l’espèce qu’il désire : cette méthode est plus sure que la science du vigneron ; il est, lors de la taille, si aisé de se tromper !
Quand faut-il tailler la vigne ? Quand faut-il planter les crossettes ? Nous l’examinerons à l’article Vigne. Je dois seulement prévenir ici que aussitôt qu’on a coupé la crossette, il faut la porter à l’ombre, la recouvrir de terre, afin que le soleil & l’air ne la déssèchent point. Lorsque l’ouvrier se retire du travail, il fait de petits fagots des crossettes coupées dans la journée, en observant que la base de toutes soit de niveau : à cet effet, il les tient par le haut perpendiculairement à la terre, & écartant les doigts de ses mains, il les laisse couler jusqu’à ce que le bois bois de l’année précédente touche la terre. Alors, avec des osiers ou tels autres liens, il met deux ou trois attaches à chaque paquet, les serre légèrement, & seulement assez pour que les sarmens ne se dérangent point. Arrivé chez lui, il ouvre dans le voisinage de l’eau une fosse proportionnée au nombre des paquets, il les y place droits, recouvre leurs pieds avec de la terre à la hauteur de six pouces, & la serre avec le pied. Il faut entretenir habituellement de l’humidité tout autour : j’ai vu de semblables crossettes éprouver les rigueurs du plus grand froid, être environnées & serrées par la glace la plus épaisse, reprendre & pousser très-bien au printemps suivant.
Je préfère planter la crossette au moment qu’elle est coupée sur le cep. Au mot Vigne, j’entrerai dans de plus grands détails.