Cours d’agriculture (Rozier)/DÉGRADATION ou DIMINUTION DE VALEUR

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 653).


DÉGRADATION ou DIMINUTION DE VALEUR. La main du temps dégrade les bâtimens des métairies, la vieillerie détériore les forêts, diminue le prix du bétail ; mais la négligence de l’homme est plus active que la faulx du temps ; je n’oublierai jamais la belle leçon qu’a donnée l’immortel Francklin dans un ingénieux délassement de ce grand homme : Moyen de s’enrichir, enseigné clairement dans la préface d’un vieil almanach de Pensilvanie, intitulé le Pauvre Henri à son aise : « une petite négligence peut porter un grand préjudice, car faute d’un clou, on a perdu un fer, faute d’un fer on a perdu un cheval ; & faute d’un cheval, on a perdu un cavalier, qui a été surpris & tué par les ennemis ; le tout faute d’une petite attention à un clou d’un fer à cheval. » Que de châteaux, de métairies, de fermes, de granges &c. perdus, & qui n’offrent plus qu’un monceau de ruines, le tout pour n’avoir remis en place une tuile dérangée ou qui manquoit ! On doit en dire autant des terres situées aux bords des rivières, des ruisseaux, ou en pente ; une pierre auroit fermé la première petite rigole, le premier petit ravin ouvert par les eaux ; on l’a négligé dans le principe, bientôt la dégradation est à son comble, & toutes les réparations inutiles. Il en est ainsi des domaines & des terres données à ferme : l’agriculteur vigilant répare sans peine les petites dégradations, & à moins des cas extraordinaires, ses bâtimens, ses champs sont toujours dans le meilleur état possible. Il n’est pour voir que l’œil du maître ; & cet œil fait plus de besogne que ses deux mains, comme dit le pauvre Henri.