Cours d’agriculture (Rozier)/FRUIT

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 188-190).


FRUIT, Botanique. Le fruit n’est, à proprement parler, que le germe renfermé dans l’ovaire, fécondé par la poussière séminale, grossi & développé jusqu’au point prescrit par la nature, & en état de germer & de produire une plante. D’après cette définition, il est clair que la graine, de quelque nature qu’elle soit, est le véritable fruit, & que c’est à tort que l’on a consacré par l’usage ce mot, pour désigner la pulpe succulente ou le péricarpe qui enveloppe certaines graines.

Le fruit est composé d’une enveloppe extérieure, le péricarpe, & de la graine ou semence. Nous nous occuperons des variétés du péricarpe à ce mot, & nous donnerons l’analyse de la semence au mot graine. Nous n’allons parcourir ici que quelques généralités qui regardent les fruits en général.

Le grand moyen que la nature emploie pour la reproduction des végétaux & pour assurer leur succession, est la fécondation du germe dans l’ovaire, la formation du fruit & sa maturation. Le germe est le vrai fœtus végétal, qui a tout ce qu’il faut pour jouir de la vie, mais qui attend ce stimulus puissant qui le fasse sortir de cet état d’engourdissement & de torpeur, qui n’est pas la mort, puisqu’il n’a pas vécu, & que l’on peut appeler la non-existence vitale. Ce stimulus réside, pour la plus grande partie des plantes, dans la poussière fécondante, & pour quelques privilégiées, qui paroissent n’avoir pas besoin de cette poussière pour le développement du germe, dans un principe qui nous est encore inconnu, mais qui n’en est pas moins actif & vivifiant. Le germe ayant reçu la première impulsion, le premier degré de mouvement, acquiert des rapports avec toutes les parties de la plante ; les parties de la fleur le protègent & lui communiquent la première nourriture : comme ces organes sont extrêmement fins, la nourriture qui s’y prépare participe à cette finesse, à cette délicatesse ; elle en est plus appropriée au germe ; il commence à croître, & dès l’instant de ce premier degré de développement, on peut distinguer quelques-unes de ses parties. Il en est du fruit comme de l’œuf ; chaque jour offre un nouvel accroissement, &, pour ainsi dire, la formation d’une nouvelle partie, jusqu’à ce qu’il approche de son état de perfection. Tendre enfant, la corolle lui sert de berceau, qui le quitte dès qu’il a acquis assez de force pour résister aux vicissitudes de l’air. À la chute de la corolle, le fruit est en petit tout ce qu’il doit être un jour ; son enveloppe se distingue très-bien du corps de la graine, & la loupe, souvent même les yeux, y retrouve le germe nouveau & la radicule. Dans les arbres fruitiers, comme pommiers, pêchers, abricotiers, on apperçoit alors le petit fruit ; il est plus ou moins vert, conservant, suivant sa nature, les débris de quelques parties de la fleur, &, dans cet état, on dit que le fruit est noué. Depuis ce temps jusqu’à sa maturité, il ne fait que croître, que grossir ; quelquefois même il passe en grosseur toute la plante qui le voit naître, comme dans les melons, les citrouilles, &c. ; enfin, il touche à sa maturité, c’est-à-dire, qu’ayant acquis toute sa perfection, la plante ne semble plus le nourrir qu’avec regret ; elle cherche à se débarrasser d’un poids inutile ; elle lui refuse les sucs nécessaires à la prolongation de sa vie ; le cordon ombilical qui l’attachoit à son sein, se dessèche ou n’obstrue ; enfin, il se détache & tombe sur la terre, qui s’apprête déjà à lui donner une nouvelle vie, en développant les germes qu’il renferme.

Telle est, en peu de mots, la vie du fruit, depuis l’instant de la naissance jusqu’à sa mort.

On peut considérer dans les fruits trois objets intéressans, leur couleur, leur disposition & leur forme. Leur couleur tient aux mêmes principes que nous avons traités en grand au mot Couleur des plantes ; (Voyez ce mot) elle réside dans le suc qui imbibe le parenchyme que l’on retrouve au-dessous de l’épiderme ; ce suc subissant différens degrés de fermentation durant le cours de la vie du fruit, change de couleur ; aussi presque tous & peut-être tous les fruits sont verds en naissant, & ils sont différemment colorés lors de leur maturité : l’action directe du soleil influe pour beaucoup sur ceux qui sont rouges ou jaspés.

Le fruit étant la production de la fleur, est nécessairement disposé comme elle sur la branche & sur la tige. (Voyez par conséquent le mot Fleur, à l’article de sa disposition).

La forme du fruit varie beaucoup, comme on le verra au mot Graine ; cependant on peut dire, en général, que tous les fruits approchent de la forme ronde, plus ou moins exacte ou plus ou moins alongée. Quelques auteurs ont dit que cette forme étant la plus simple de toutes, la nature, qui agit toujours par la voie la plus simple, devoit la préférer à toutes les autres ; mais c’est rendre raison d’une chose obscure par une plus obscure encore. Grew en a donné une solution, d’après les conséquences qu’il a tirées de l’anatomie de différens fruits. « Cette figure ronde du fruit, vient, dit-il, de la fleur, ou plutôt de l’entrelacement qui se fait de toutes les fibres vers la base de la fleur ; car la fleur étant tombée, la force du soleil & des vents émousse les pointes de ces fibres, & les oblige de se courber ; & ainsi le suc qui entre dans le fruit n’ayant pas assez de force pour les séparer les unes des autres, & pour les pousser & les faire croître en long, il faut nécessairement qu’elles demeurent ainsi courbées, & que se nourrissant dans la suite, elles s’étendent seulement en rond avec le parenchyme. » Sur la manière de conserver les fruits, consultez l’article suivant. M. M.