Cours d’agriculture (Rozier)/GOUTTE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 324-331).


GOUTTE, Médecinie rurale. Maladie qui attaque les jointures & les articulations, & dont l’invasion est toujours accompagnée de rougeur, de gonflement & de douleur.

Il n’est aucune articulation, aucune jointure qui ne puisse être le siège de la goutte. Pour l’ordinaire elle se fixe sur les pieds, les mains & les hanches. C’est aussi à raison de ces trois sièges qu’on lui a assigné différens noms : la goutte au pied est appelée podagre ; la goutte à la main, chiragre ; & celle qui se borne à la hanche, sciatique.

Il y a encore une autre espèce qu’on appelle goutte nouée, parce qu’elle établit des nodosités dans les parties qu’elle attaque ; on appelle goutte remontée, celle dont l’humeur refluant dans le sang, se dépose sur toute autre partie que sur les articulations.

La goutte est régulière quand elle a des retours périodiques fixes, qu’elle se borne aux extrémités, & disparoît peu à peu. Elle est au contraire irrégulière quand ses retours sont incertains & très-fréquens, & qu’elle se fixe sur les parties internes.

La goutte peut-être essentielle, de même d’accidentelle. Elle peut être aussi héréditaire à raison des différens accidens qu’elle produit, de leur durée, de leur période & des différens sièges de sa cause.

L’accidentelle est toujours subordonnée à des causes relatives, tant à l’âge qu’au tempérament & autres circonstances. Les causes prochaines de cette maladie sont l’épaississement de la lymphe & de la sinovie qui adoucit les ligamens & entretient la souplesse dans les articulations.

Il seroit très-difficile de pouvoir rassembler ici toutes les causes éloignées capables d’exciter la goutte. Nous nous contenterons d’indiquer les plus générales. Souvent elle dépend d’un régime échauffant, des excès dans les plaisirs de l’amour, de l’abus des liqueurs spiritueuses, de l’usage du café porté à l’extrême, d’une transpiration arrêtée, de la suppression du flux hémorroïdal chez l’homme, & du flux menstruel chez la femme ; du changement subit d’un lieu chaud à un air froid : la bonne chère, un air épais, humide & marécageux, peuvent aussi lui donner naissance.

Les symptômes avant-coureurs sont des fréquentes indigestions, l’assoupissement, des maux de cœur, des défaillances, des lassitudes, des éblouissemens. On ne doit pas oublier les douleurs qui se font sentir dans certaines parties du corps, & sur-tout aux lombes ; le défaut d’appétit, le dégoût, la pesanteur de tout le corps, des ardeurs d’urine. Bientôt après le malade est saisi d’une forte douleur au talon, ou au gros orteil, ou aux mains ; les frissons se font sentir ; la fièvre se mêle de la partie ; alors la douleur & la fluxion augmentent ; la partie goutteuse se tuméfie, & ne permet plus à celui qui en est attaqué d’exécuter le moindre mouvement : la sensibilité est quelquefois portée à un si haut degré, que le malade ne peut supporter l’application du linge le plus fin. C’est alors qu’il pousse les hauts cris ; & cet état si cruel & si douloureux dure souvent plusieurs jours.

Si la transpiration insensible se rétablit, les douleurs diminuent & deviennent plus supportables. Le malade se trouve soulagé ; c’est alors qu’il commence à goûter le repos, à jouir du sommeil, à remuer ses bras ou ses pieds malades ; l’appétit revient, & l’ordre naturel des fonctions se rétablit peu à peu.

Les attaques de goutte, pour l’ordinaire, sont de quatorze jours, lorsque le malade est jeune & d’une bonne constitution ; mais chez les personnes foibles & âgées, elles portent à un terme plus long : leur durée néanmoins est assez constante dans certains sujets.

La goutte est comme l’asthme ; elle porte avec elle un vrai caractère d’intermittence ; elle revient presque tous les ans, & souvent plusieurs fois dans la même année. On observe ses retours en tout temps, & sur-tout au printemps & en automne. Elle se manifeste à tout âge & sur les deux sexes : les jeunes gens n’y sont pas aussi exposés que les vieillards ; ils n’en sont point pour cela exempts : les femmes y sont moins sujettes que les hommes ; rarement en sont-elles attaquées avant l’âge de puberté. Ce n’est qu’à 40 à 45 ans, époque où elles cessent d’être réglées, qu’elles en sont atteintes. Les hommes n’en sont point à l’abri jusqu’à cet âge ; on l’observe chez eux depuis vingt jusqu’à soixante & quatre-vingts ans, qui est l’âge qu’on peut regarder comme l’époque la plus générale de leur destruction.

La goutte héréditaire est incurable ; l’accidentelle est difficile à guérir. On n’a pas encore trouvé de spécifique contre cette cruelle maladie : elle est souvent nécessaire à certains sujets ; elle est même pour eux un préservatif de maladies plus dangereuses, & un moyen salutaire que la nature emploie pour hâter la coction des humeurs, & débarrasser certains viscères des sucs viciés qui les embourbent. En général, la goutte est peu dangereuse, lorsqu’elle attaque les extrémités ; mais il y a beaucoup à craindre, lorsqu’elle se porte au tronc, à la tête, ou lorsqu’elle se jette sur quelque viscère essentiel à la vie.

Les indications à remplir dans le traitement de la goutte, doivent se rapporter, 1°. à la force & à la foiblesse des accès ; 2°. à la constitution du malade ; 3°. à la surabondance du sang ; 4°. enfin à l’épaississement sensible des humeurs, à leur âcreté & au vice de la digestion.

1°. Dans les foibles accès de goutte où il n’y a pas à craindre le repompement de l’humeur goutteuse, on ne doit appliquer aucun topique, mais seulement recommander la patience au malade, & lui faire faire des légères frictions sur la partie affectée avec des flanelles, s’il peut les supporter. Le point le plus essentiel est de tenir la partie très chaudement, afin d’y rappeler la transpiration ; une peau de mouton, telle qu’on la sort de dessus l’animal, & encore chargée de son suint, produit de bons effets. Comme cette peau est souvent remplie d’ordures, de piquans, & la laine rassemblée en petits flocons durs, il convient, avant de s’en servir, de la peigner fortement, afin que chaque brin séparé du voisin, soit plus chaud, & le tout plus mollet.

2°. La constitution du malade doit fixer l’attention du médecin. La saignée, en général, a toujours des mauvais effets dans les sujets pituiteux & flegmatiques ou délicats. On ne doit pas perdre de vue ses forces ; il faut les soutenir par des cordiaux légers, tels que le bon vin vieux, la confection hyacinthe, le quinquina & les martiaux.

3°. Si la fluxion goutteuse a un caractère inflammatoire, la saignée est très-avantageuse, pourvu qu’il n’y ait point de contre-indication. Les rafraîchissans, les nitreux légèrement acidulés, les émussions, les lavemens rafraîchissans seront très-utiles.

La suppression du flux hémorroïdal, est la cause la plus générale des accès de goutte qui viennent par surabondance d’humeurs. Le vrai spécifique dans ce cas, sera l’application des sangsues à l’anus, ou des ventouses scarifiées qui épuiseront cette humeur surabondante.

4°. L’épaississement des humeurs peut être causé par un excès des viandes trop succulentes, & sur-tout par des fortes boissons de bierre & de cidre. Le savon, l’eau seconde de chaux sont très-propres à résoudre le mucilage des humeurs porté au plus haut degré. L’usage des purgatifs, entremêlé avec le savon, peut être très-approprié dans les pays où les vins acides causent la goutte ; & le meilleur remède, dans ce cas, est de réduire le malade à la diète végétale : mais comme elle peut énerver les personnes foibles, & sur-tout les vieillards, il faut leur permettre l’usage modéré du vin, ou de tout autre cordial. Dans la goutte, avec acrimonie & altération des humeurs digestives, & où les vices de la première digestion influent sur les autres, on s’attachera sur-tout à les corriger. Pour cet effet, il n’y a pas de remède préférable au quinquina, aux amers & aux martiaux unis, âcres, savonneux. Je m’explique ; je veux qu’on préfère le quinquina aux martiaux, s’il y a des retours périodiques, & les martiaux au quina dans les tempéramens flegmatiques. L’idiosincrasie des sujets demande qu’on essaie, qu’on tâtonne. Il est prudent de commencer par les plus foibles, & par une petite dose, & augmenter peu à peu, pour pouvoir accoutumer la nature à leur action. Quand les premières voies sont surchargées de matières indigestes, les stomachiques sont sans effet : il faut alors entremêler l’usage de la teinture vineuse de rhubarbe, ou bien celle d’aloès.

Le lait ne peut être donné que pour combattre l’âcreté des humeurs ; il peut encore beaucoup nuire, si l’estomac est foible, & les digestions difficiles. Il a sur-tout de mauvais effets dans les goutteux hypocondriaques, dont l’estomac paroît singulièrement affecté, & dans l’empâtement des viscères. Il produiroit à coup sur des gonflemens dans l’estomac, des nausées, des obstructions dans les viscères, & d’autres maux plus graves & plus rebelles que la goutte. La diète blanche ne peut convenir que dans les accès de goutte extrêmement douloureux ou invétérés. Werloof ne la permet que dans cette circonstance. Les purgatifs sont toujours dangereux dans les attaques de goutte : Hoffman conseille (quand l’accès est imminent) une prise de poudre cornachine. Cette application est délicate : j’ai vu les plus heureux effets de l’eau médicinale.[1]

L’application des topiques attractifs est très-délicate : elle peut produire les plus grands maux. Hippocrate se servoit de la combustion du lin : les Chinois brûlent le moxa. (Voyez ce mot). L’urtication peut être utile ; mais, dans des cas graves, Duhamel a beaucoup conseillé l’application du bulbe de la renoncule des prés ou clairette. Je m’en suis servi avec succès ; mais j’ai aussi observé qu’il produisoit un ulcère qui donnoit beaucoup de matière, & séchoit difficilement.

Les topiques les plus appropriés sont les huileux sous forme d’émulsion. Ce seroit partir d’une mauvaise théorie que de les proscrire dans l’idée qu’ils bouchent les pores, & peuvent par-là diminuer la transpiration. Lob en a vu de bons effets, & sur-tout de l’huile camphrée de la Pharmacopée de Paris, qu’on a vu résoudre des nodosités commençantes.

Il n’y a point, à proprement parler de spécifique pour la goutte : s’il existe quelque remède qui puisse mériter ce nom, ce sont les amers. Haller vante beaucoup la gentiane ; Guaven, l’infusion de chamæpitys ; un célèbre médecin de ce siècle, la douce amère. La saponaire, prise pendant un très-long-temps, pourroit peut-être mériter le nom de spécifique : cette plante, par sa vertu fondante, ne peut produire que des effets très-salutaires ; on ne sauroit trop en recommander l’usage.

L’électricité peut convenir dans la contracture des membres ; mais il ne faut point exposer le malade à des coups foudroyans, à une commotion générale & trop forte. Il faut observer quels sont les muscles qui souffrent, & qui ont perdu le ressort & le mouvement, & en tirer des étincelles, selon leur direction : il faut, d’un autre côté, appliquer des fomentations émollientes, des vapeurs d’eau chaude aux muscles antagonistes. Ces remèdes servent très-bien à modérer leur force tonique augmentée : mais avant d’exposer les malades à l’électricité, il faut les préparer par des moyens propres à les rendre moins sensibles aux secousses qu’elle procure. M. AM.

Lorsque l’on est continuellement attaqué de la goutte, sur-tout lorsqu’elle est irrégulière, & qu’elle se jette tantôt sur la poitrine, sur l’estomac ou sur tel autre viscère, le remède le plus sûr, le plus efficace, & que l’expérience a démontré être le plus salutaire pour en prévenir les retours, est d’appliquer un cautère à une ou aux deux jambes, & d’avoir le plus grand soin de l’entretenir. Une personne raisonnable ne peut mettre en parallèle le petit assujettissement que ce remède exige chaque jour, avec les douleurs inouies, & de-là le danger éminent de perdre la vie par une goutte remontée.


Goutte sereine, Médecine rurale. C’est la privation de la vue sans cause apparente, ni vice sensible dans le globe de l’œil. La pupille néanmoins est plus dilatée que dans l’état naturel.

On distingue deux sortes de goutte sereine ; l’une est parfaite, & l’autre imparfaite. Dans la goutte sereine parfaite, on n’aperçoit aucun rayon de lumière : dans l’imparfaite, on ne distingue aucun objet d’une manière sensible, mais seulement la lumière des ténèbres.

La goutte sereine parfaite est regardée comme incurable, sur-tout si ceux qui en sont attaqués, sont dans un âge fort avancé, & si elle est le produit de quelque longue maladie. Il n’en est pas de même de imparfaite ; elle est toujours susceptible de guérison.

Les signes avant-coureurs de cette maladie sont le vertige, des éblouissemens, des maux de tête, un tintement d’oreille, de fréquentes fluxions aux yeux, la foiblesse de l’organe de la vue, un assoupissement extraordinaire.

Cette maladie est subordonnée à une infinité de causes ; elle peut dépendre d’un reflux d’humeurs sur l’organe de la vue, de la suppression du flux hémorroïdal, de la répercussion des dartres invétérées, d’une abondance de sang dans les vaisseaux du cerveau.

Elle peut être encore l’effet d’une fièvre maligne, de quelque coup porté à la tête, d’une opiniâtre exposition aux ardeurs du soleil, des intempéries d’un air froid, humide & marécageux.

L’abus des saignées, des hémorragies fréquentes, des pertes très-considérables, le coït immodéré, les convulsions, les resserremens spasmodiques des nerfs, la métastase de quelqu’humeur hétérogène sur les nerfs optiques, une commotion violente dans le cerveau, la présence des vers dans l’estomac, une inflammation à l’œil ; enfin, tout excès possible, peuvent déterminer cette maladie.

D’après cela, il est aisé de voir que les vues curatives que l’on doit le proposer pour combattre avec succès la goutte sereine, se rapportent aux différentes causes qui la produisent. Si elle dépend d’une tendance d’humeurs vers la tête, ou d’une inflammation, les saignées du bras & du pied seront de la plus grande utilité. Si elle reconnoît pour cause la suppression du flux hémorroïdal, on appliquera des sangsues à l’anus. Si elle est l’effet d’une métastase sur les nerfs optiques, on appliquera des vésicatoires à la nuque ou au gras des jambes.

Les vermifuges, les antispasmodiques seront aussi très-appropriés, lorsqu’elle sera causée par la présence des vers & les resserremens spasmodiques des nerfs.

Mais si elle est subordonnée à la foiblesse des nerfs optiques, & des autres parties qui composent l’œil, la douche à la tête avec l’eau de balaruc & autres eaux thermales, a souvent procuré de bons effets. On exposera l’œil affecté à la vapeur de l’eau vulnéraire ou du baume de Pioraventi ; on le lavera, on le bassinera souvent avec la décoction des tiges de fenouil ou des feuilles de marrube, ou on les frottera avec la paume de la main imbibée d’eau de carmes ou de mélisse.

Le scorbut, les écrouelles, la vérole peuvent exciter la goutte sereine. Il faut alors prescrire au malade le traitement relatif à chacune de ces maladies : en vain emploieroit-on toute autre méthode, on échoueroit à coup sûr.

Les sudorifiques, tels que la salsepareille, la squine, les purgatifs, les sternutatoires, les cautères & les sétons sont toujours très-salutaires, si la goutte sereine dépend d’une abondance d’humeurs séreuses : mais leur emploi doit être dirigé par un homme de l’art. La réussite est dans la combinaison de ces différens remèdes : ils ne doivent pas être donnés indistinctement ; des circonstances peuvent déterminer l’emploi des uns, & faire différer l’application des autres. M, AM.


Goutte, Médecine vétérinaire. Cette maladie est très-rare dans les animaux. L’animal goutteux ne peut ni se tenir long-temps couché, ni marcher. L’articulation affectée de la goutte est douloureuse & chaude, les muscles qui entourent l’articulation, & ceux qui servent au mouvement des os articulés sont tendus, contractés, & permettent à peine à l’articulation de se mouvoir.

Nous n’avons observé cette maladie qu’une fois sur un bœuf âgé de huit ans. Cet animal ne pouvoit rendre aucun service ; il mangeoit beaucoup ; les deux jarrets & les deux genoux étoìent gonflés alternativement, & jouissoient à peine d’un mouvement sensible. Nous apprîmes que cet animal étoit attaqué de cette maladie depuis dix-huit mois, & qu’il y avoit des temps où il souffroit moins, & qu’il paroissoit mouvoir l’articulation avec moins de peine. Nous nous étions proposé d’appliquer les vésicatoires sur les deux parties affectées, si le propriétaire n’eût préféré de le faire égorger pour en vendre la chair.

Il nous est impossible de déterminer un traitement fondé sur l’observation, puisque nous n’avons jamais été à portée de combattre cette maladie. Mais à juger par analogie & par les effets des remèdes sur l’homme attaqué de la goutte, il nous paroît que la saignée doit être proscrite. N’auroit-on rien à craindre de cette pratique ? ne seroit-elle pas capable de causer des métastases fâcheuses, de déranger l’effort de la nature, & de l’affoiblir ? Les purgatifs ne doivent pas non-plus être donnés sans nécessité ; il est seulement permis d’entretenir la liberté du ventre par des lavemens. Les répercussifs, appliqués à titre de topiques, doivent être également bannis, par les métastases funestes auxquelles ils pourroient donner lieu ; on ne risqueroit rien néanmoins de se servir de fleur de sureau ou de camomille & de la mie de pain bouillie dans le lait ; ce remède pourroit soulager l’animal. Le feu ou cautère actuel n’auroit aucun succès, la cautérisation ne devant être employée que pour les douleurs fixées depuis un certain temps, lorsqu’elles sont errantes comme dans la goutte, le feu ne feroit que les déplacer. « L’usage du moxa, dit M. Pouteau, avoit été introduit en Angleterre pour la guérison de la goutte. On fut bientôt désabusé de ce remède ; la goutte quittoit l’articulation cautérisée, & alloit se jeter sur une autre. Lorsqu’on employa ce remède, on ne consulta pas assez la nature de la goutte, & la manière d’agir du remède. » Les eaux thermales employées en douches & en bains, méritent d’être recommandés de même que le bain de marc des raisins, qui est un des meilleurs fortifians qu’on puisse employer en pareil cas. On a vu encore sur l’homme de très-bons effets de l’application de l’esprit de sel avec l’huile de térébenthine ? Ne seroit-on pas bien de les tenter sur les animaux ? De tous les quadrupèdes, l’âne est le plus sujet à la goutte. M. T.


Goutte sereine, Médecine vétérinaire. C’est une affection des yeux de l’animal, dans laquelle la vue est totalement perdue, quoique ces organes paroissent beaux extérieurement & sans aucune tache ; la prunelle ou pupille est seulement un peu plus dilatée que dans l’état naturel.

On est fondé à croire que cette maladie qui a plusieurs degrés, dépend de la compression & de la paralysie des nerfs optiques. Les observations anatomiques dans les animaux attaqués de ce mal, ont montré dans le cerveau des vaisseaux engorgés, des épanchemens séreux & sanguins, le dessèchement & la pourriture des nerfs optiques, des abcès comprimans ces cordons, des tumeurs lymphatiques, des excroissances charnues, &c.

L’aveuglement de l’animal arrive quelquefois tout d’un coup, & quelquefois d’une manière presqu’insensible, ce qui fait distinguer la goutte sereine en parfaite & en imparfaite.

Outre qu’en examinant les yeux de l’animal au grand jour, on observe le même degré de dilatation dans la pupille, on peut s’apercevoir encore de cette maladie lorsqu’il marche, & à la manière dont il place les oreilles ; il lève les pieds très-haut, soit au pas, soit au trot ; les oreilles, l’une en avant, l’autre en arrière alternativement, & souvent toutes les deux en avant.

À l’égard des topiques ophtalmiques tant vantés, j’ose avancer qu’ils sont tous inutiles, & que la maladie est incurable. M. T.


Goutte, Pharmacie. On entend par ce mot, un remède fluide & violent qu’on ne doit donner qu’à très-petite dose, &, pour ainsi dire, en compter les gouttes. Telle a été jadis l’eau de Rabel ; les gouttes connues en France, sous le nom du Maréchal de la Motte, qui, malgré leur très-longue & pénible préparation, ne sont autre chose qu’un Ether imparfait, (voyez ce mot) & que l’usage de ce dernier a fait oublier entièrement. Les gouttes connues sous le nom d’Angleterre ou gouttes anodines, sont encore souvent employées. En voici la préparation… : écorce de sassafras & de racine d’asarum ou cabaret, (voyez ce mot) de chacune une once… ; sel volatif de corne de cerf rectifié, un gros… ; bois d’aloès, demi-once… ; opium, trois gros… ; esprit de vin, une livre.

Mettez toutes ces substances digérer à froid, dans un matras pendant 30 à 40 jours, ou au bain de sable pendant cinq ou six jours : passez le tout au tamis.

On s’en sert avec avantage dans les apoplexies séreuses, dans les accès convulsifs & dans les affections histériques pendant l’accès.


  1. Note du Rédacteur. Ne seroit-il pas de cette eau médicinale si décriée par les uns, & portée aux nues par les autres, comme du tafia ou liqueur des Caraïbes ? Cette dernière liqueur a produit d’excellens effets sur certains goutteux, & de très-pernicieux sur un grand nombre. En effet, la goutte, chez les uns comme chez les autres, provient-elle des mêmes causes ? Je ne le crois pas. Dans ce cas, il n’est donc pas étonnant qu’un remède rende la vie à un malade, & en tue plusieurs. La goutte a toujours été l’écueil de la médecine, & l’insuffisance des traitemens a fait imaginer mille prétendus spécifiques. M. Buchan, dans son excellent ouvrage, intitulé Médecine Domestique, s’explique ainsi : « Il est vrai qu’il existe plusieurs moyens d’abréger un accès ; qu’il y en a même quelques-uns qui peuvent l’emporter entièrement mais on n’en a encore trouvé aucun qui produise cet effet sans faire courir de grands risques aux malades. Dans le temps de la douleur, on saisit avec empressement tout ce qui peut procurer un prompt soulagement, & on hasarde sa vie pour un bien-être momentané. » Il dit ailleurs : « J’ai vu très-souvent que, pendant plusieurs années, on éloignoit les accès de goutte par l’usage du quinquina & des autres remèdes ; mais, dans tous les cas où j’ai eu occasion d’en voir faire l’expérience, j’ai vu que les personnes mouroient subitement, &, selon toute apparence, parce qu’elles n’avoient pas eu d’attaques de goutte régulière. Nous sommes portés en-conséquence à conclure que ces attaques, chez certaines personnes avancées en âge, sont plus salutaires que nuisibles. ».