Cours d’agriculture (Rozier)/IMMORTELLE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 622-625).


IMMORTELLE. Les jardiniers donnent le même nom à trois plantes très-différentes. Comme leurs fleurs conservent après l’exsiccation la même couleur, de cette propriété dérive leur dénomination ; d’après elle on distingue trois genres d’immortelles ; la jaune, la violette, & la xéranthème.

I. Immortelle Jaune. Tournefort la place dans la seconde section de la douzième classe, destinée aux fleurs à fleurons, dont la semence est aigrettée, & il l’appelle elychrysum. Von-Linné la classe dans la singenésie polygamie superflue, & l’appelle Gnaphalium Stœchas, Syst. Nat., 13e édit. Il en compte quarante espèces que je ne décrirai certainement pas : il importe peu aux cultivateurs & aux fleuristes de les connoître.

Fleur. C’est le calice, proprement dit, qui fait la beauté de la fleur ; il est composé de plusieurs rangs d’écailles de couleur de fleur de soufre ; chaque écaille est creusée en cuilleron, disposée sur l’écaille en dessous en recouvrement. Dans le centre de ce calice sont les vraies parties constituantes de la fleur, c’est-à-dire, des fleurons hermaphrodites dans le disque, & femelles à la circonférence.

Fruit. Les fleurons femelles & hermaphrodites produisent des semences semblables, oblongues, petites, couronnées d’une aigrette plumeuse. Avant l’épanouissement du calice, la couleur de la fleur ressemble, comme il a été dit, à celle de la fleur du safran ; mais après l’épanouissement, les aigrettes paroissent, & sont colorées en rouge.

Feuilles oblongues, en forme de spatule, marquées d’une forte nervure sur le dos, cotonneuses en-dessus & en dessous, embrassant les tiges par leur base.

Racine ligneuse, fibreuse, noirâtre.

Port. Espèce d’arbrisseau dont les tiges s’élèvent de 18 à 14 pouces, & sont feuillées, & les feuilles opposées. Les fleurs naissent au sommet, disposées en corymbe, & chacune a son pédicule particulier,

Lieu ; commune dans les provinces méridionales : la plante est vivace.

Culture. J’ai beaucoup de peine à me persuader que l’immortelle jaune ou dorée, cultivée dans nos jardins, soit absolument la même espèce que celle qu’on rencontre dans les champs de Provence, de Languedoc, & qu’on y appelle Stœcascitrin. Cependant, à la grandeur près de chaque partie de la plante, elles se ressemblent beaucoup. En ce cas, celle des jardins est une espèce jardinière (voyez ce mot), & elle mérite l’attention des amateurs. D’un autre côté, je vois qu’elle craint le froid, que dans nos provinces du nord elle exige la serre chaude pendant l’hiver, ce qui la rapprocheroit du gnaphalium eximium (Lin. 13e édit.) originaire du Cap de Bonne-Espérance. Quoi qu’il en soit, cette plante craint l’humidité dans les serres, & alors la moisissure s’en empare ; un froid un peu vif la fait périr, ainsi que les trop grands arrosemens pendant l’été. On la multiplie facilement par graines semées dans un terreau léger, & encore plus facilement, en éclatant les tiges & leur laissant un peu de racines. Chaque année, à la fin de l’hiver, on doit dépoter la plante, supprimer les chevelus qui tapissent le vase, & lui donner de la terre nouvelle & très végétale. Pour avoir la fleur dans son plus bel état, il ne faut pas attendre son entier épanouissement.

II. Immortelle Violette, ou Vadapo. Tournefort la range parmi les fleurs flosculeuses, & l’appelle amæcanthoides lycnidis folio capitulis purpureis. Von-Linné la nomme gomphrena globosa, & la classe dans la pentandrie digynie.

Fleur. Deux feuilles florales servent de calice à la fleur générale rassemblée en tête contre un axe ou colonne qui sert de point d’appui à chaque fleur en particulier. Le calice est coloré & composé de deux pièces qui recouvrent les pétales au nombre de cinq, de couleur verte, & très-étroits ; les étamines au nombre de cinq, & le pistil se divise en deux.

Fruit ; capsule ronde, fendue tout autour, contenant une seule semence arrondie, excepté à son sommet.

Feuilles, d’un vert foncé tirant sur le rouge, simples, entières, ovales, alongées, marquées en dessous par une nervure saillante.

Racine, très-fibreuse.

Port. La tige branchue s’élève ordinairement à la hauteur d’un pied ; la fleur générale naît à son sommet, ordinairement solitaire, quelquefois deux à deux ; elle est beaucoup plus grosse que celles qui poussent sur les rameaux ; les pédicules qui supportent les fleurs sont un peu velus, les feuilles sont opposées.

Lieu ; cultivée dans nos jardins, originaire des grandes Indes, commence à fleurir en juillet : la plante est annuelle.

On y cultive également une autre immortelle, qui ne diffère en rien de celle-ci, sinon par sa fleur blanche.

Culture. Elle demande à être semée sur couche dans nos provinces du nord, & sous cloche pour peu que la saison soit froide ; & dans celles du midi, en pleine terre, contre de bons abris, si on ne trouve pas à mieux employer le fumier qu’à des couches. La terre qui recouvre la couche, doit être très meuble ; le vieux terreau des couches, mêlé avec autant de bonne terre de jardin, est ce qui lui convient le mieux. Quelques amateurs conseillent de faire tremper la graine dans l’eau, pendant plusieurs heures, avant de la semer ; un léger arrosement après avoir semé, ne vaudroit-il pas mieux ? Je crois que la terre s’uniroit mieux aux graines. Lorsque la plante a un ou deux pouces de hauteur, on la repique sur une nouvelle couche, ou encore mieux dans de petits pots qu’on enfouit dans la couche ; enfin, lorsqu’elle commence à marquer fleur, & que la chaleur de la saison commence à être forte, on la dépote avec toutes ses racines & sa terre, & on lui donne un plus grand vase. Dans les provinces méridionales, il faut moins d’embarras ; dès que la plante commence à marquer fleur, on arrose la terre de la pépinière la veille de la transplantation ; le lendemain, avec la houlette, la bêche ou le luchet, &c., on l’enlève avec la terre & ses racines, pour la mettre en place dans le parterre, à demeure, ou dans des vases. Mais comme la chaleur du soleil est très-active, on fera très-bien, après avoir arrosé la plante, de la recouvrir avec un vase renversé, si on en a, ou avec des feuilles de choux, ou d’artichaut, que chaque soir on aura soin d’enlever, afin de la laisser profiter de la fraîcheur de la nuit & de la rosée ; on répétera cette petite opération jusqu’à ce qu’on soit bien assuré de la reprise de la plante. La meilleure graine pour semence, est celle de la tête venue la première, & au haut de la mère tige.

On place ces plantes en massifs dans les parterres, ou bien on les distribue parmi les autres plantes d’automne.

III. La Xéranthème. Tournefort la place dans la cinquième section de la quatorzième classe, qui comprend les herbes à fleurs en rayons, dont le disque est composé de pétales aplatis, & il l’appelle Xeranthemum flore simplici, purpureo majori. Von-Linné la nomme Xeranthemum annuum, & la classe dans la singénésie polygamie superflue.

Fleur. Les écailles du calice sont brillantes, marquées dans le milieu d’une ligne pourpre. Les petits fleurons hermaphrodites sont dans le disque, en forme d’entonnoir & en assez grand nombre ; les fleurons femelles, en forme de tube, en petit nombre, & dans le disque. Les étamines des fleurs hermaphrodites sont au nombre de cinq, & le pistil se divise en deux.

Fruit ; réceptacle couvert de petites écailles, entre lesquelles sont des semences ovales, aplaties, couronnées d’une très-petite aigrette.

Feuilles, lancéolées, ouvertes, blanchâtres, simples, très-entières.

Racine, très-petite, presque simple.

Fort. Tige herbacée presque rameuse ; les rameaux en très-petit nombre, simples, cotonneux, s’écartant des tiges ; les fleurs naissent seules au sommet des rameaux ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieux ; les terrains secs & arides du Languedoc, de l’Italie, &c. ; la plante est annuelle, & fleurit en août.

Culture. On sème au commencement de mars, dans le midi de la France, & à la fin d’avril, en pleine terre à son nord. La terre ordinaire de jardin lui suffit ; cette plante craint les grands arrosemens.

Je crois que celle que nous cultivons dans les jardins, est une variété due à la culture, & qui la fait différer de grandeur & de force de celle qui croît d’elle-même dans nos terrains incultes. Tournefort en découvrit une grande espèce dans son Voyage au Levant, qu’il nomma flore maximo ; mais c’est toujours la même espèce que la première, à la grandeur près. En total, cette plante produit un petit effet pour les grandes pièces, parce qu’elle s’élève peu ; ses rameaux décharnés & ses feuilles blanchâtres figurent assez mal. Il n’en est pas ainsi dans un espace rapproché, tout se voit, & rien ne s’y confond. Ce qui plaît de cette plante, c’est que ses fleurs conservent leur couleur pendant plus d’années, & elles dédommagent des privations de l’hiver.