Cours d’agriculture (Rozier)/PARTERRE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 443-445).


PARTERRE. Jardin ou partie d’un jardin voisin de l’habitation du maître, décoré par des compartimens, tracés soit avec des buis, soit par des découpures de gazon, soit avec des fleurs, soit enfin par de petites allées couvertes de sable, ou d’une même couleur ou de couleurs différentes.

On peut appeler de convention, la beauté d’un parterre, puisqu’il doit tout à l’art & presque rien à la nature qui y est toujours tenue resserrée & captive. Aussi la décoration & le plan du parterre tient au génie de celui qui en trace le dessein. Si, du premier étage du château des Thuileries on examine le parterre dont le plan a été donné par Lenotre dans les jardins de ce château, on est forcé de convenir que tout y est grand, noble, dessiné de main de maître, & que la couleur & la forme des gazons contraste agréablement avec celle du sol & des buis : en un mot, on peut citer ce parterre comme parfait dans son genre. Cependant, s’il falloit aujourd’hui en tracer un nouveau, on ne suivroit pas cet ancien & beau modèle : pourquoi cette différence ? C’est qu’un parterre n’est pas dans l’ordre de la nature, mais seulement dans l’ordre idéal ; & cet ordre varie suivant le goût du siècle : par exemple, le gazon découpé a remplacé les buis, & il aura à son tour le même sort.

Le premier mérite d’un parterre, dans quelque genre qu’il soit, est le dessin ; & ce dessin doit varier, quant à sa masse & à ses distributions, suivant l’étendue du local, de ses points de vue, enfin suivant la nature & l’arrangement des objets qui l’environnent. Il est fait pour l’habitation, il doit donc lui être presqu’entièrement sacrifié ; & le grand art tient à le marier adroitement avec les accessoires.

Tout ce qui tient à l’art est nécessairement méthodique : dès lors, on a distingué cinq sortes de parterres ; le parterre de broderies, de compartimens, à l’angloise, le parterre des pièces coupées ou découpées, enfin les parterres d’eau.

Les parterres de broderie tirent leur nom de l’imitation de la broderie que forment les traits de buis dont ils sont plantés.

Les parterres de compartimens sont ainsi appelés, à cause que le dessin se répète par symétrie de plusieurs côtés ; ils sont mêlés de pièces de broderies & de gazon qui forment un compartiment.

Ceux à l’angloise, plus simples, ne sont remplis que de grands tapis de gazon d’une pièce, ou un peu coupés, entourés ordinairement d’une plate-bande de fleurs. La mode qui en vient d’Angleterre lui a fait donner ce nom.

Les parterres des pièces coupées ou découpées, sont différens de tous les autres en ce que les plates-bandes de fleurs qui les composent, sont coupées par symétrie sans gazon ni broderie, & que le sentier qui les entoure sert à se promener sans rien gâter au milieu de ces parterres.

À l’égard des parterres d’eau, leurs compartimens sont formés par plusieurs bassins de différentes figures, ornés de jets & de bouillons d’eau ; ce qui les rend très-agréables à la vue, mais ils sont peu démodé aujourd’hui.

Les parterres de broderie & de compartimens décorent les places les plus proches d’un bâtiment. Ceux à l’angloise les accompagnent, ou se pratiquent au milieu d’une salle, dans un bosquet ou dans une orangerie. Ces derniers s’appellent parterres d’orangerie.

Les parterres de pièces coupées ou découpées, servent encore à élever des fleurs, d’où ils prennent le nom de parterres fleuristes.

Telles sont les distinctions caractérisées dans les parterres de Lenotre, & décrites par Leblond, & ensuite rassemblées dans le Dictionnaire Encyclopédique d’où nous venons de les copier.

La largeur des parterres doit être au moins égale à celle des bâtimens, & les parterres à compartimens sont carrés : on s’écarte quelquefois de cette règle. Ceux à l’angloise flattent plus le coup d’œil quand leur forme est alongée : de quelques genres qu’ils soient, il convient, avant de les tracer, 1.o d’en dresser le plan sur le pied divisé par carreaux ou par triangles plus ou moins nombreux, plus ou moins rapprochés, suivant la grandeur du dessein. Ces carreaux sont exactement proportionnés entre eux, & réduits sur une échelle, par exemple, du pied au pouce, du pouce à la ligne ; de manière que l’ensemble des carreaux représente très-au juste l’étendue du parterre. Soit un quarré qui forme quatre triangles, qui, réuni à trois autres carrés, fournira trente-deux triangles. Cette opération suppose un arpentement exact & préliminaire du sol, afin de faire ensuite l’application du dessein sur le sol.

2.o Le terrain demande à être parfaitement nivelé & râtelé de frais, afin que la terre reçoive & conserve les impressions des coups de cordeau. Supposé que chaque carreau du dessein représente une largeur & longueur de deux pieds réels, on divise tout le sol au moyen d’un cordeau, par autant de carreaux de deux pieds en tous sens & angle ; on place un petit piquet ou jalon. Si, dans le dessein il y a des divisions, des coupures, &c., on place dans ce point des jalons plus élevés ; enfin, après la division générale en carreaux ou triangles, le parterriste commence à tracer suivant le plan qu’il doit exécuter, c’est-à-dire, qu’il applique à chaque carreau du sol la partie du dessein qui y correspond. De cette manière il ne peut pas se tromper, & il est sûr de conserver la régularité.