Cours d’agriculture (Rozier)/PIED-D’ALOUETTE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 647-648).


PIED-D’ALOUETTE. Von-Linné le classe dans la polyandrie trigynie, & le nomme delphinium consolida. Tournefort le place dans les fleurs de plusieurs pièces & irrégulières dont le pistil devient un fruit à plusieurs capsules, & il l’appelle delphinium segetum.

Fleur ; à cinq pétales inégaux disposés en rond ; le supérieur échancré ; antérieurement plus obtus que les autres, postérieurement en forme de tube, finissant en une longue corne, les autres pétales sont ovales, en forme de fer de lance, presque égaux ; un nectar d’une seule pièce, divisé en deux, placé au milieu des pétales & prolongé en arrière, dans le tube du pétale supérieur ; point de calice ; la corolle bleue ou blanche.

Fruit ; à une seule capsule dans cette espèce, long, droit, recourbé à la pointe, à une seule valve, contenant plusieurs semences anguleuses, rudes, noires…

Feuilles ; adhérentes aux tiges, divisées en folioles étroites.

Racine ; pivotante, droite, rameuse, fibreuse, blanchâtre.

Port ; tige tout au plus d’un pied dans les champs, herbacée, cylindrique, rameuse ; les fleurs naissent au sommet, disposées en grappe, avec des feuilles florales à la base de chaque pédoncule ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu ; les champs ; la plante est annuelle & fleurit au printemps.

Propriétés ; la plante est peu employée en médecine ; on la regarde cependant comme vulnéraire & astringente.

Culture. Qu’il y a loin de la plante maigre & grêle qui croît spontanément dans nos champs, parmi nos bleds, avec le pied d’alouette cultivé dans nos jardins ! cependant c’est la même plante que la bonne culture a successivement portée au point de perfection, de beauté, & de couleurs brillantes où nous la voyons.

La forme de sa racine indique qu’elle aime les terres légères, faciles à pénétrer, & pour maintenir le pied d’alouette dans sa perfection, il faut lui donner un sol riche d’engrais animaux ou végétaux bien consommés.

On sème, sur sa fin d’octobre, la graine dans une terre bien préparée, & même au commencement de ce mois, dans les climats froids, afin que la plante ait le temps de prendre assez de consistance avant les grands froids & qu’elle les supporte bien. Si chacun veut avoir une époque suivant le climat qu’il habite, il n’a qu’à considérer l’époque à laquelle la graine qui s’est semée d’elle-même, germe & lève naturellement. Si on attend après l’hiver à semer, c’est contrarier l’ordre de la nature, & il n’y aura pas une différence de quinze jours au terme de la fleuraison ; par conséquent la végétation de la plante aura été trop précipitée par les chaleurs, & les fleurs seront moins belles, les grappes moins garnies de fleurs, & la graine moins bonne pour semer de nouveau. Liger conseille de semer sur couche pour transplanter ensuite. Il faut donc semer dans des pots, les dépoter au temps nécessaire, & prendre garde que la terre ne se détache de la mère-racine très-peu garnie de chevelus. Après le pavot, je ne connois aucune plante d’agrément aussi difficile à la reprise, & j’ignore même si en elle est susceptible, à moins qu’on ne l’enlève avec toute la terre de sa circonférence, & qu’elle ne s’aperçoive pas qu’elle ait change de place. Il vaut donc beaucoup mieux semer sur place, soit en bordure, soit par compartiment, & semer fort clair, à moins qu’on ne soit sans cesse à supprimer les plants surnuméraires à mesure qu’ils poussent. La graine demande à être peu enterrée & simplement recouverte avec le râteau.

Cette plante si petite pendant les cinq premiers mois, acquiert tout à coup souvent une hauteur de quatre pieds ; ses feuilles s’étendent & occupent un espace de douze à quinze pouces, suivant la nature du sol qui les nourrit ; ainsi ce n’est pas trop de laisser entrer à chaque plante la distance d’un pied. Sarcler arroser, travailler la terre par un petit labour, suivant les besoins, est la seule attention qu’elle demande au jardinier. Les fleurs affectent principalement une de ces quatre couleurs ; la blanche, la couleur de chair, la bleue ou la violette, les autres sont des dégradations de celles-ci. Qu’il est agréable de voir des pyramides de fleurs sur une hauteur de quinze à dix-huit pouces, & chaque fleur avoir presque la largeur d’une pièce de vingt-quatre sols. Mais aussi la plante dégénère si on sème la graine dans un terrain qui lui convienne moins que celui où elle a végété.

Si on veut se procurer une graine bien nourrie, on doit, après que les premières fleurs du bas de la pyramide ont noué, & que la capsule est formée, en supprimer la partie supérieure & ne conserver que cinq à six fleurs : supprimez également les pyramides latérales à mesure qu’elles paroissent.

Il convient d’être attentif au moment où l’on doit cueillir la graine, parce que l’extrémité de la capsule s’ouvre d’elle-même, & la moindre agitation imprimée à la plante, suffit pour faire tomber la graine.

Une borduré faite avec ces plantes, offre un des beaux spectacles des jardins ; les compartimens ont le même mérite.