Cours d’agriculture (Rozier)/SARCLER, SARCLOIR

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 100-101).


SARCLER, SARCLOIR. Sarcler, c’est enlever d’un champ, d’une vigne, d’un pré, d’un jardin, &c., les herbes parasites : si c’est pour des allées on se sert du sarcloir ou râtissoir, (Fig. 8 & 9 de la Planche V, page 347 du Tome VII.) À l’inspection d’un champ, d’une vigne, &c. on juge si le propriétaire est un bon cultivateur ; & le plus ou moins de mauvaises herbes annonce au premier coup d’œil si un jardinier est paresseux ou s’il aime son travail. En effet, quoi de plus dégoutant que de voir un bon fond à froment dévoré par les pavots sauvages, les nielles, les vesce sauvages &c. ; à coup sur la récolte en reçoit le plus grand dommage ; car toutes ces plantes ne peuvent subsister qu’aux dépens de la récolte qui est sur pied. Ce n’est pas tout, les graines des yvraies, des blés de vache, des vesces, (consultez ces mots) restent en parti mêlées avec le grain après que le seigle, le froment, l’avoine &c. &c. sont battus : ce n’est qu’à force de peine, de soins & de machines qu’on parvient à la longue à les en séparer, soit pour avoir un blé net ou un beau blé de semence, & le blé ordinaire ainsi mélangé perd beaucoup de sa valeur lorsqu’on le porte au marché. On croit économiser en ne faisant pas sarcler les blés au commencement du printemps, tandis que l’on perd réellement, & sur la quantité de la récolte, & sur la quantité du grain. L’herbe seule que l’on arrache à cette époque où le fourrage frais est encore rare, dédommage amplement des frais si on le fait consommer par les troupeaux & sur-tout par les vaches ; il n’est aucune des herbes citées que celles-ci ne mangent avec avidité.

Dans tous les pays de vignobles où par conséquent les prairies ne sont pas communes, on doit sarcler rigoureusement, quand ce ne seroit que pour détruire cette petite espèce de millet si ordinaire dans le gros été. Il faut cueillir cette plante avant que la graine soit mûre, la faire sécher, & elle fournit une excellente nourriture d’hiver au bétail & aux troupeaux. En automne la mercuriale (consultez ce mot) fourmille ; arrachez-la, laissez la sécher sur le sol, elle y pourrira & deviendra un engrais mais n’attendez pas que la graine soit mûre, elle se multiplieroit à l’infini dans le cours de l’année suivante… On se plaint de la pourriture des raisins dans les années un peu pluvieuses ; mais si, toutes circonstances égales, on jette les yeux sur deux vignes voisines, on verra que dans celle qui est rigoureusement sarclée, le raisin y pourrit moins & beaucoup moins promptement que dans celle dont le sol est couvert d’herbes, parce qu’elles y entretiennent beaucoup d’humidité.

Dans un jardin potager, les mauvaises herbes déshonorent le jardinier, & je ne prendrois jamais à mon service un homme qui, sous quelque prétexte que ce soit, laisse croître ces plantes parasites. Les excuses ne manquent jamais ; aucun raisonnement ne peut les justifier. Si le potager est pour le compte d’un propriétaire qui n’entend rien à sa culture, cette négligence ne me surprend nullement quoiqu’elle ne soit pas pardonnable ; si au contraire le potager appartient au jardinier, il ne faut plus en parler, il n’est pas digne de le cultiver. À coup sûr c’est un ivrogne ou un débauché.

Les herbes appelées mauvaises, ne méritent cette dénomination que parce qu’elles occupent inutilement le terrain, épuisent ses sucs, & tiennent la place d’une plante utile ; mais comme il est démontré qu’une plante quelconque rend à la terre plus de principes qu’elle n’en a reçus, ces mauvaises plantes deviennent donc utiles si on les enfouit dans le temps de la fleuraison & avant qu’elles aient grainé. Cependant un jardinier auroit tort de présenter cette assertion pour excuse, puisque pour un bien à venir les bonnes plantes végètent mal & sont étouffées par les mauvaises.