Cours d’agriculture (Rozier)/SOUFRE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 269).


SOUFRE. Substance d’un jaune pâle citronné, d’une odeur assez désagréable, qui lui est particulière, & qui se fait mieux sentir quand il est frotté ou chauffé. Il devient très-électrique par le frottement ; sa pesanteur spécifique est beaucoup plus grande que celle de l’eau, & moindre que celles des pierres & des terres. À froid il est cassant, & se réduit facilement en poudre. À chaud il se ramollit & se fond ; il s’enflamme aisément à l’air libre. L’air & l’eau n’ont point d’action sur lui ; du moins elle n’est pas sensible… Le soufre est un mixte formé par la combinaison de l’acide vitriolique parfaitement concentré avec le principe de l’inflammabilité en grande proportion. Le soufre est en général l’ouvrage des volcans, soit actuellement en activité, soit jadis éteints ; cependant il s’en forme quelquefois dans le sein de la terre, mais en très-petite quantité. On en a trouvé à Paris de très-bien cristallisé, dans la démolition du grand bastion qui couvroit la porte St.-Antoine. Ce bastion avoit été jadis élevé sur l’emplacement d’une ancienne voirie… Le soufre est-il de quelque utilité à l’agriculture ? c’est ce qu’il faut déterminer. Nos anciens écrivains sur l’agriculture, & même quelques-uns parmi les modernes, ne cessent de parler des sels & des soufres de la terre, & de leur efficacité dans la végétation. Pensent-ils expliquer clairement des choses simples par des mots insignifians, ou veulent-ils marcher sur les traces des alchimistes, en employant des mots mystérieux ? On ne doit pas leur prêter de pareilles idées, mais dire plutôt, que n’ayant pas des idées claires & précises, ils se sont servis de mots dont ils ne comprenoient pas la signification. Il est bien démontré que l’eau & l’air n’ont aucune action sur le soufre ; qu’un morceau de soufre restera cent ans enseveli dans la terre, sans altération & sans se décomposer. Or, la végétation des plantes est le dernier résultat des décompositions, des combinaisons & des recombinaisons qui fournissent la sève ; (consultez ce mot) le souffre, qui n’est pas susceptible de ces modifications, n’y concourt donc pas ; donc il n’agit pas plus sur la végétation, qu’un morceau de rocher vitrifiable, enfoui à plusieurs toises dans la terre. Mais si par le mot soufre, ils ont entendu parler de ses principes constituans, de son acide & de son principe inflammable, disséminés & épars entre les molécules de la terre ; dans cet état ils ne forment pas le soufre, puisqu’il n’est, en dernière analyse, que le résultat de ses principes fortement rassemblés en masse, & fortement combinés entre eux. Ainsi se servir du mot soufre, c’est employer une expression au moins impropre & vide de sens.