Cours d’agriculture (Rozier)/SUEUR

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 300-302).


SUEUR. Médecine rurale. C’est l’excrétion d’une humeur ordinairement claire & limpide par les pores.

La sueur n’est pas une fonction perpétuelle. Selon M. de Haller, « elle est toujours l’effet d’un excès, ou dans le mouvement du sang, ou dans le relâchement de la peau. Naturellement assez claire & un peu trouble, la sueur se teint par la chaleur, par l’exercice, par la mal-propreté, qui retient & accumule l’onguent des glandes, et par les fièvres. Elle prend aussi une teinture des alimens ; elle prend de la mauvaise odeur, par les causes que je viens de nommer, & plus encore, par les crises des fièvres humorales putrides, dans lesquelles elle contracte une odeur particulière, qui trahit la crise avant qu’elle se fasse ».

La sueur, qui n’est point habituelle, ne doit pas être regardée comme une maladie. On sait qu’elle peut être excitée par une infinité de causes, telles que la chaleur, l’exercice immoderé une marche trop longtemps soutenue, l’exposition aux ardeurs du soleil, le passage subit du chaud au froid, la boisson excessive des liqueurs spiritueuses, les veilles forcées, les vives passions de l’ame, la mollesse du tempérament, la délicatesse des fibres, un air lourd, épais, chaud & humide.

On a observé que les personnes sanguines & pléthoriques, & celles qui sont d’un tempérament phlegmatique ou spongieux, sont les plus sujètes aux sueurs. On distingue encore la sueur en critique, symptomatique & en colliquative.

La sueur, pour être vraiment critique, ne doit paroitre que sur la fin des maladies, c’est-à-dire, dans le temps de la coction, & doit être toujours précédée d’un frisson, qui est suivi, à son tour, d’un mouvement d’ondulation dans le poulx, & d’une chaleur halitueuse, qui se répand sur tout le corps ; il faut de plus qu’elle soit abondante, & ne demande que d’être entretenue par le repos, & une boisson chaude & copieuse. On doit, à l’exemple d’Hipocrate, s’exciter dans certaines maladies, par des remèdes appropriés, afin de porter la nature à se débarrasser de la matière morbifique : mais, il faut faire attention qu’elle ait lieu d’une manière parfaite, pour voir diminuer la violence des accidens, & pour que les malades se trouvent & moins accablés & plus forts.

La sueur symptomatique s’annonce toujours dans le principe des maladies, c’est-à-dire, dans le temps de la crudité. Elle n’est d’aucune utilité aux malades, parce qu’elle ne diminue point la cause qui lui donne naissance, & qu’elle dépouille le sang de la sérosité qui lui est nécessaire, pour en surmonter la violence. Rarement a-t-elle lieu d’une manière générale. Pour l’ordinaire, elle est partielle, & ne recouvre qu’une ou plusieurs parties du corps. Les fièvres putrides & les fièvres de suppuration nous en offrent un exemple.

La sueur est enfin appelée colliquative, si l’humeur qui sort par les pores, quoique abondante, est extrêmement claire, sans aucune odeur, & sur-tout, si le malade, loin d’en être soulagé, se trouve encore plus affaissé. Elle est toujours l’annonce d’une maladie dangereuse, par le dessèchement & l’épuisement dans lequel elle peut jeter ceux qui en sont attaqués.

Personne n’ignore que la sueur est une évacuation qui est utile dans les maladies aiguës : on sait encore qu’elle paroit toujours après quelque mouvement violent : en général, on fait peu d’attention à se bien couvrir quand on sue beaucoup ; on cherche à se dessuer, en découvrant le corps, en quittant les habits que l’on porte, enfin, en passant d’un endroit chaud en un lieu plus frais : cette manière d’agir est pour l’ordinaire suivie de certaines maladies, telles que la pleurésie, la courbature, la fièvre éphémère, l’asthme, les rhumes & les différentes espèces de catarre : on n’en contracteroit aucune, si l’on prenoit plus de précautions, & si, bien loin de se découvrir, on avoit, au contraire, l’attention de bien serrer & boutonner ses habits, & d’éviter l’exposition au grand air. Rien de plus salutaire, quand on sue bien, sur-tout en été, que de se laver les mains avec de l’eau froide ; ce moyen, quoique simple, n’est pas moins le plus propre à diminuer le mouvement du sang, & à porter le calme dans tout le système vasculaire : il est d’autant plus recommandable, qu’il est confirmé par l’observation & l’expérience journalière.

Les sueurs symptomatiques ne disparoissent qu’à fur & : mesure que la cause qui les produit s’éclipse à son tour : ce seroit en vain qu’on leur opposeroit certains remèdes ; lorsqu’elles dépendent d’une saburre abondante dans les premières voies, elles exigent l’emploi des purgatifs. Si elles sont l’effet des fièvres intermittentes, le quina sera le remède spécifique ; si elles viennent à la suite d’une suppuration de quelque organe, les balzamiques, les vulnéraires détersifs & les analeptiques pourront être prescrits avec quelques succès.

La sueur habituelle se traite par les adoucissons, les tempérans, tels que l’eau de riz, légèrement acidulée, dans laquelle on fait dissoudre quelques grains de nitre purifié ; la limonade, l’orangeade, le suc de cerise, délayé dans de l’eau, édulcoré avec le sucre : quand elle est entretenue par le relâchement de la peau, le quinquina & les martiaux doivent être employés, de préférence à tous les autres remèdes.

Il seroit très-dangereux d’arrêter subitement la sueur colliquative. On doit la combattre par quelques cordiaux légers.

Enfin on rappellera la sueur qui aura été subitement interceptée, par de légers diaphorétiques, tels que l’eau de coquelicot & la décoction de la fleur du sureau. On emploiera des frictions sèches sur tout le corps, qu’on recouvrira de linges imbibés de la fumée de carabé ou de thein. M. AMI.