Cours d’agriculture (Rozier)/VANNEAU

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VANNEAU, (tringa vanellus Lin.) biseau qui, dans ses formes et ses habitudes, présente de grands rapports avec le Pluvier ; (Voyez ce mot) mais il a quatre doigts, au lieu que le pluvier n’en a que trois.

Le vanneau tire ce nom moderne du bruit produit par le mouvement de ses ailes, assez semblable à celui d’un van ; il estaussi connu sous le nom vulgaire de paon sauvage, à cause de l’aigrette dont sa tête est ornée, et des reflets brillant qui jouent dans les couleurs de son plumage ; enfin, il est des pays où on lui a imposé le nom de dix-huit, parce que son cri de rappel semble exprimer ces mots. Quoique le vanneau soit, à proprement parler, un oiseau voyageur, néanmoins on en voit en tout temps en France ; les froids rigoureux seuls les en font momentanément disparoître. En général, ils cherchent une température douce, se répandent au nord en été, et au midi en hiver : on les voit affluer en France, dès février, après les dégels, lorsque les vents du sud règnent ; ils deviennent plus rares vers la fin de l’automne. C’est avant cette époque qu’ils sont parvenus au plus haut degré d’embonpoint qu’ils peuvent atteindre, et qu’ils sont plus recherchés pour la table. L’estime qu’on en fait, comme gibier, n’est point universelle ; et comme, en fait de goût, il n’est rien d’absolu, les uns les prisent, les autres en font assez peu de cas. Il y a cependant un vieux proverbe qui dit que, qui n’a point mangé vanneau, n’a point mangé bon morceau. Je laisse au reste cette question à décider aux gourmands, et je passe à l’exposé des connoissances utiles a ceux qui veulent chasser ces oiseaux.

Hors le temps des amours, les vanneaux volent toujours en troupes très nombreuses ; ils sont gais et folâtres, se jouent sans cesse en l’air ; et quand ils sont à terre, ils se livrent à la même pétulance avec beaucoup de grâces et de légèreté ; cette mobilité, jointe à une extrême défiance, les rend très-difficiles à approcher, excepté par de très-grands vents qui les empêchent de s’enlever. Ils fréquentent les prairies, les terrains bas et humides, les blés verts et les champs ensemencés. Ils se nourrissent principalement de vers de terre, de mouches, de limaçons et autres insectes ; voilà pourquoi on élève, dans plusieurs pays, de petits vanneaux qu’on lâche dans les jardins et les vergers, après qu’on leur a cassé le bout de l’aile, et ils y font la guerre aux insectes dont on y craint la présence. L’adresse du vanneau à faire sortir les vers du sein de la terre est quelque chose de singulier : dès qu’il a apperçu ces petits tas de terre en boulettes ou chapelets que le ver a rejetés et qui indiquent sa présence, il les écarte avec légèreté et découvre le trou des vers ; frappant alors de son pied la terre voisine, il guette immobile le mouvement de sa proie que le bruit fait sortir de terre, et qui est aussitôt saisie. La nuit, ces oiseaux sentent sous leurs pieds les vers que la fraîcheur a attirés dehors, et ils en font de même une ample pâture. C’est cette manière de chasser et de chercher leur vie qui les amène, comme les bécasses et les pluviers, au bord des eaux pour s’y laver le bec et les pattes après avoir véroté pendant la nuit. Si on parvient à tuer un vanneau dans une volée et qu’on ait un fusil double, on peut espérer de tirer à profit son second coup, car toute la bande tournoie quelque temps en volant autour du mort.

Les vanneaux, comme je l’ai dit, rompent leur société au temps de la ponte ; les mâles se disputent alors les femelles avec acharnement ; les couples une fois appareillés, cherchent des pelouses et des friches pour faire leur nid ; ou s’ils les placent dans des terrains humides, c’est toujours sur quelque butte ou tertre élevé sur le niveau de ce terrain. Ce nid n’est qu’un trou formé dans l’herbe, qui se flétrit par l’incubation ; de sorte qu’on peut reconnoître si les œufs qu’on rencontre sont frais pondus au degré de flétrissure du nid. Ces œufs sont au nombre de trois ou quatre, d’un vert sombre tacheté de noir ; ils passent pour un fort bon manger, et sont recherchés en Hollande pour la table. Les petits, qui éclosent au bout de vingt jours, sont couverts d’un duvet noirâtre et d’espèces de longs poils blancs ; ils courent au bout de deux ou trois jours, et sont bientôt si alertes qu’on ne peut les arrêter sans chiens. Lorsqu’on approche d’un nid de vanneau, cet oiseau semble ne pouvoir se résoudre à abandonner sa famille, et il voltige autour de la tête du chasseur ; mais cette preuve de tendresse ne sert qu’à le trahir. Vers la fin de juillet les petits vanneaux sont adultes, et c’est alors que se recompose la grande société, et qu’on revoit ces oiseaux par bandes de plusieurs centaines. Bien qu’on les chasse en tout temps, l’époque de la fin de l’été et commencement de l’automne est préférable parce qu’elle donne un meilleur gibier.

On prend le vanneau dans les rets saillans ou nappes tendues comme pour alouettes et pour canards. Les prairies et les voisinages des eaux sont les lieux propres à cette chasse. Il faut, comme pour les autres oiseaux, que le nappiste se prépare une cabane de branchages éloignée de ses filets, qu’il se munisse d’appelans, ou à leur défaut, d’un appeau de vanneau. Cet appeau peut se faire d’un petit jet de vigne plié en double, et où l’on place pour languette une écorce de sarment. D’autres se servent d’un petit bâton de coudrier gros comme le petit doigt, long de trois ou quatre pouces, et refendu dans sa longueur presqu’au milieu à peu près. On insère, pour languette, dans cette fente un peu vidée, une feuille de lierre ou de laurier. Lorsqu’on voit des vanneaux en l’air, on fait jouer cet appeau dont le son les fait descendre. On les chasse aussi de nuit aux flambeaux, et de jour, avec la vache artificielle. Si l’on se trouve à portée de prairies bordées d’un ruisseau, on peut y former un affût très productif : pour cela on se construit, dans la prairie, une hutte en gazon et eu branchages, et on l’entoure d’eau en faisant une saignée à la rivière, ce qui inonde la prairie. Le matin, lorsque les vanneaux, après avoir véroté, viennent à l’eau pour laver leur bec, on les fusille à l’aise du fond de la cabane. On peut aussi à cette chasse se munir d’un appeau pour les déterminer à s’approcher quand on les voit voler aux environs. Cette chasse donne beaucoup de gibier ; on la commence vers la Saint-Michel. On a vu, à l’article Pluvier, que le vanneau se mêloit volontiers à ces oiseaux, et que beaucoup d’habitudes semblables faisoient venir l’une et l’autre espèce aux mêmes pièges et au bruit des mêmes appeaux.

Les plaines de la Beauce, de l’Orléanais, de la Sologne, du Berry ; celles de la Champagne, de la Brie, etc., sont les lieux où abonde plus qu’ailleurs ce gibier. (S.)