Cours d’agriculture (Rozier)/VOMISSEMENT

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 419-422).


VOMISSEMENT. (Médecine rurale.) Mouvement spasmodique et antipéristaltique des fibres musculaires de l’œsophage, de l’estomac, et des intestins, accompagné des muscles de l’abdomen et du diaphragme, qui produisent les rots et les nausées, lorsqu’elles sont légères ; et le vomissement quand elles sont violentes.

Le vomissement n’est pas toujours une maladie essentielle, il est plus souvent symptomatique ; quelquefois aussi il est d’un grand secours : et bien loin de le considérer comme un mal, il faut savoir au contraire l’entretenir pour qu’il produise le plus grand bien.

Une infinité de causés peuvent lui donner naissance ; il peut dépendre d’un excès dans le boire et le manger ; d’une surcharge des matières putrides dans l’estomac ; de l’usage des alimens salés, épicés, et de haut goût ; de la rétrocession des dartres et autres maladies cutanées ; de la suppression des évacuations ordinaires ; de la dessiccation de quelque ulcère ou de quelque émonctoire artificiel ; d’une diarrhée arrêtée trop subitement ; d’une goutte remontée à l’estomac. le vomissement est encore souvent excité par les différentes espèces de colique, par un miséréré, par des hernies inguinales avec étranglement, par la présence de la pierre dans la vessie, par des blessures et des plaies au diaphragme, par la phlogose des intestins et l’inflammation du foie et de la rate.

Chez les personnes nerveuses, il est toujours l’effet de différens mouvemens de colère, ou d’une sensibilité extrême. À la moindre fâcheuse nouvelle qu’elles apprennent, à la moindre odeur qu’elles sentent, à la plus légère promenade qu’elles font en voiture, elles s’aperçoivent tout de suite du spasme qui s’empare de leurs nerfs, et lev vomissement suit ordinairement de fort près.

Les femmes grosses sont encore fort exposées au vomissement, sur-tout lorsqu’elles doivent accoucher d’une fille ; elles ne vomissent point quand elles doivent accoucher d’un garçon. Je suis garant de cette assertion ; elle a pour appui l’observation de chaque jour : je l’ai observé sur plus de cinquante femmes grosses. Je n’expliquerai point le quomodo dû phénomène. Je laisse cette belle question aux physiologistes. On sait que cette espèce de vomissement est souvent une annonce de grossesse et qu’il dure pendant les trois ou quatre premiers mois.

Il est quelquefois et le plus souvent même occasionné par le reflux de la bile de l’estomac. Il n’est point difficile de le connoître aux matières jaunes et bileuses que les malades rendent par la bouche, et où l’on trouve souvent des vers et des insectes.

Il y a encore un vomissement de matières noires qui est endémique en Amérique, à Carthagène parmi le peuple, et sporadique chez nous ; Dont Antonio de Villoa en a fait l’histoire. Piquer qui a souvent vu cette maladie, regarde les acides végétaux comme les seuls et uniques remèdes pour la combattre ; et sous ce point de vue il propose l’esprit de nitre dulcifié.

« Le vomissement critique en général est salutaire ; le symptomatique est mauvais. Le pire de tous est celui que cause une acrimonie subtile qui irrite les nerfs.

» Le vomissement violent avec toux, douleur, obscurcissement de la vue, pâleur, est dangereux ; car il peut causer l’avortement, une descente, repousser la matière arthritique, dartreuse, érisipélateuse, vérolique, sur quelques parties nobles, au grand détriment du malade. Il occasionne quelquefois la rupture de l’épiploon : le vomissement devient mortel dans ceux qui sont disposés aux hernies, ou qui en sont attaqués. Car il y produit un étranglement.

» Les vomissemens bilieux, porracés, érugineux sont effrayans. Ils menacent d’inflammation.

» Le vomissement, causé par des vers qui corrodent l’estomac, sur-tout si l’on rend des vers morts, et qu’il y ait cessation des symptômes les plus formidables avec des convulsions violentes dans les membres ; c’est l’indication d’un sphacèle qui détruit les vers et les malades.

» Le vomissement fétide n’augure jamais rien de bon, attendu qu’il indique une corruption.

» Le vomissement du sang continué long-tems et violent ne peut que terminer bientôt la vie du malade.

» Le vomissement qui dure depuis six mois et plus, qui est accompagné de chaleur et de fièvre lente, avec exténuation par tout le corps, donne lieu de soupçonner que l’estomac est ulcéré.

» Souvent le vomissement se guérit de lui-même, parce qu’il détruit la cause morbifique qui le produisoit. C’est ainsi que les matières perçantes étant évacuées et emportées, cessent d’irriter l’estomac : dans ce sens, l’émétique est salutaire dans le vomissement ; et le proverbe qui dit vomitus vomitu curatur, se trouve vrai. C’est le sentiment d’Hippocrate ; et la maxime qui dit que les contraires se guérissent par les contraires, n’est pas moins vraie dans ce cas ».

Le traitement méthodique du vomissement doit être relatif à la cause dont il dépend : d’après ce principe, on aidera le vomissement qui reconnoîtra pour cause la plénitude de l’estomac, par quelques verres d’eau chaude, à laquelle on pourra ajouter la dissolution d’un grain de tartre émétique, pour faciliter plutôt le dégorgement de ce viscère.

On opposera au vomissement causé par la goutte remontée ou par la suppression de quelque évacuation accoutumée, les fomentations et les cataplasmes sur les articulations des extrémités, les vésicatoires, ainsi que la saignée du bras ou du pied, ou bien un cautère, s’il falloit rappeller dans une partie un flux d’humeurs, ou l’écoulement de quelque plaie ou ulcère supprimés trop promptement. Mais alors il faut les entretenir et les panser matin et soir, jusqu’à ce qu’on en ait obtenu des effets salutaires.

Le café et l’eau froide sont les deux remèdes qui conviennent au vomissement produit par la grossesse sur tout lorsque l’estomac est foible.

Le quinquina, l’eau glacée, les amers, tels que le petit chêne, la petite absinthe, la racine de gentiane, la cascatelle ; l’ipécacuanha pris à la dose d’un grain dans la première cuillerée de soupe à ses repas ; l’élixir de vitriol, à la dose de quinze ou vingt gouttes donné deux ou trois fois par jour dans un verre d’eau, de vin ou dans deux cuillerées d’eau de menthe, conviennent très-bien au vomissement qui dépend de la foiblesse de l’estomac.

On aura recours aux purgatifs alkalins, et sur-tout à la magnésie donnée à la dose d’une ou deux drachmes délayée dans une tasse de thé, de bouillon, ou d’eau simple, coupée avec un peu de lait, lorsque les acides domineront dans l’estomac et exciteront le vomissement.

Ou emploiera les secours moraux, et on recommandera le plus grand repos et la plus grande tranquillité aux personnes qui sont en butte avec les vives passions d’ame, qui sont chez elles la source du vomissement qu’elles éprouvent.

Enfin, lorsque cette maladie est purement nerveuse, c’est-à-dire, quelle est causée par le spasme des fibres nerveuses de l’estomac, les antispasmodiques, tels que les bains tiédes, le musc, le camphre corrigé par le nitre, le castoreum, les emplâtres fétides appliqués sur le centre épigastrique, doivent être employés : le plus tôt n’est que le mieux. La liqueur anodine minérale d’Hoffmann, les gouttes anodines, les pillules de cynoglosse, de Styrax, sont autant de remèdes dont on ne doit point négliger l’usage : l’anti-émétique de Rivière est un remède infaillible ; sa composition est vingt-quatre grains sel d’absinthe qu’on fait neutraliser dans un mortier avec le suc d’un citron ; on y délaie une drachme de thériaque dans quatre onces d’eau de menthe. On parfume le tout avec une cuillerée d’eau de fleurs d’orange : on donne la moitié de cette potion en commençant, et l’autre moitié à la cuillerée, toutes les demi-heures ou toutes les heures. Il y a encore le julep musqué de Fuller, dont on peut faire usage avec. confiance. Ces deux remèdes sont sûrs ; rarement ils sont infructueux.

M. Ami.