Cours d’agriculture (Rozier)/VULNÉRAIRES suisses

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 445).

VULNÉRAIRES suisses. C’est une collection de différentes herbes qu’on récolte le plus souvent sur les montagnes, et que les habitans de l’Helvétie surtout sont en possession de préparer et de vendre à presque tous les droguistes de l’Europe, sous le nom de falltranck. Ce mot est composé de fallen qui veut dire tomber, et de tranck qui signifie boisson, voulant par cette dénomination faire allusion aux vertus de ces plantes, qui prises en infusion théïforme, préviennent, dit-on, les dépots, suites funestes et trop fréquentes des chûtes et des coups à la tête.

On présente aux acheteurs ces petits paquets d’herbes soigneusement cachetés et enveloppés de certificats qui attestent que les plantes dont ils sont composés ont été récoltées avec soin et à l’époque de leur floraison. Lorsqu’elles ont l’odeur, la couleur et la saveur requises on présume favorablement de leur efficacité, et alors on se borne à une moindre dose pour l’usage auquel on se propose de les appliquer. Quoique les premiers vendeurs aient le plus grand soin, dès qu’elles sont sèches de les diviser en très-petits morceaux pour les mieux déguiser, on sait que les paquets doivent être composés ou des feuilles ou des fleurs (et quelquefois des unes et des autres) de sanicle, de bugle, de pervenche, de verge d’or, de véronique, de pyrole, de pied-de-chat, de pied-de-lion, de langue-de-cerf, d’armoise, de pulmonaire, de brunelle, de bétoine, de verveine, de scropulaire, d’aigremoine, de petite centaurée, de menthe, de piloselle et de capillaire. Les vertus connues de chacune de ces plantes diffèrent si peu entr’elles, que cette longue série pourroit être réduite de plus de moitié, sans que le remède en reçût la moindre altération. Il n’est pas douteux que les simples des montagnes ne renferment en général des principes odorans et savoureux beaucoup plus énergiques que ceux des plaines ; mais il est de fait aussi que les herbes (auxquelles nous donnons l’épithète de vulnéraires, pour nous conformer à l’usage) qui croissent sur les coteaux des départemens du Jura, du Mont-d’Or, des Ardennes et de beaucoup d’autres, n’ont pas une vertu inférieure à celle des plantes d’Helvétie. Nous ajouterons même que les simples de nos plaines produiront les mêmes effets quand on aura l’attention d’en augmenter les doses en raison du moins d’énergie qu’on peut raisonnablement leur supposer.