Cours de philosophie/Leçon XXVIII. L'attention. La comparaison. L'abstraction

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Nous avons étudié jusqu'ici les trois facultés de perception et les trois facultés de conception. Il nous reste à étudier l'attention, la comparaison, la généralisation, le jugement et le raisonnement.

Attention. C'est la faculté qu'a l'esprit de se concentrer sur un objet déterminé. Suivant Condillac l'attention se réduit à une sensation forte. Cette genèse de Condillac confond les conditions du phénomène avec le phénomène. Sans doute nous ne faisons souvent attention à un objet que parce qu'il nous a frappé. Mais ces deux idées n'en restent pas moins distincte, car la sensation n'est jamais qu'un phénomène affectif que l'esprit reçoit de la chose. L'attention est au contraire éminemment active. Ainsi donc, on ne peut confondre ces deux faits. De plus, très souvent, c'est la sensation forte qui résulte de l'attention. Un objet frappait peu; nous y faisons attention; la sensation devient de plus en plus forte. La genèse de Condillac ne peut être admise.

Ce qui distingue l'attention est qu'elle est l'oeuvre de notre volonté. Voyons maintenant les différentes formes de ce phénomène. Il y en a deux essentielles: ou bien c'est l'objet qui attire à lui l'intelligence, produit l'attention, sans presque que notre volonté ait besoin d'intervenir. Dans l'autre cas au contraire, l'attention est absolument volontaire. C'est nous qui dirigeons notre esprit. Nous sommes tout entiers cause de notre attention. Comme l'attention est peu ou point volontaire sous sa première forme l'esprit peut sur elle peu de chose. Il est tel spectacle qui attire à lui nos regards sans qu'il soit possible de les en détourner. L'obsession est ce même phénomène, transporté dans la vie intérieure. Son caractère est que l'esprit ne peut que très difficilement s'en débarrasser.

Ces deux formes de l'attention sont si différentes qu'on peut se demander s'il n'y a pas lieu d'en faire deux phénomènes distincts. On pourrait réserver le nom d'attention à l'attention volontaire, et appeler le premier phénomène distraction. En effet, la distraction n'est qu'une attention inopportune.

Quel est le rôle de l'attention dans la vie? L'attention est une des facultés les plus fécondes de l'esprit. C'est elle, qui s'appliquant aux faits ou aux idées, en fait jaillir toutes les conséquences. On peut dire que les deux facultés vraiment productrices sont l'imagination et l'attention. L'attention est la faculté du penseur, comme l'imagination celle de l'inventeur. Buffon l'a dit, le génie n'est qu'une longue patience. Il faut comprendre par là une longue imagination, et une longue attention.

La comparaison est une opération qui rapproche deux idées et établit entre elles un rapport de ressemblance ou de dissemblance. Les idées comparées ayant été l'objet d'une attention préalable, Condillac a dit que la comparaison se réduisait à une double attention. Mais la comparaison est un fait particulier, et irréductible à tout autre. Il résulte de la définition même de la comparaison que nous pouvons penser deux choses à la fois: on s'est demandé souvent si deux pensées pouvaient être simultanées. Tout en faisant attention à un objet, on peut en percevoir un autre. Le jugement suppose d'ailleurs dans l'esprit la présence simultanée du sujet et de l'attribut.

De même que la mémoire n'est possible que si le moi est identique, de même la comparaison n'est possible que si le moi est un. En effet, pour comparer deux termes, il faut les rapporter à un terme commun.

L'abstraction est la faculté de séparer d'un tout un élément qui n'existe pas en dehors de ce tout. Cela consiste par exemple à isoler de l'idée totale de cette table, l'idée de sa couleur ou celle de son étendue. Les idées abstraites sont de deux espèces. Les premières ou idées abstraites particulières ne se composent que de l'idée d'une chose particulière à un individu. Les secondes ou idées abstraites générales isolent un élément commun à plusieurs individus. L'étendue par exemple est abstraite de plusieurs individus.