Court Traité/Seconde partie/Chapitre VII

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Traduction par Paul Janet.
Germer Baillière (p. 71-72).


CHAPITRE VII


DU DÉSIR ET DE LA JOIE.


Après avoir vu comment la haine et l’admiration se comportent, et avoir montré avec certitude que jamais ces passions ne peuvent trouver place dans ceux qui usent bien de leur entendement, nous poursuivrons de la même manière, et nous traiterons des autres passions. Pour commencer, les premières que nous avons à étudier sont le désir et la joie ; or, comme elles naissent des mêmes causes que celles d’où provient l’amour, nous n’avons rien autre chose à dire qu’à nous souvenir de ce que nous avons dit déjà de cette passion ; bornons-nous donc là sur ce sujet.

Ajoutons-y la tristesse, de laquelle nous pouvons dire qu’elle ne naît que de l’opinion et de l’imagination qui vient à la suite de l’opinion, car elle procède de la perte de quelque bien.

Nous avons déjà dit que tout ce que nous faisons doit servir à notre amélioration et à notre progrès. Or, il est certain que lorsque nous sommes tristes, nous sommes incapables de rien faire de tel : c’est pourquoi nous devons nous délivrer de la tristesse, ce que nous pouvons faire en cherchant le moyen de récupérer le bien perdu, si cela est en notre pouvoir ; sinon, il est nécessaire de renoncer à la tristesse, dans la crainte de tomber dans toutes les misères que la tristesse entraîne après elle, et c’est ce qu’il faut faire avec joie, car il serait insensé de vouloir recouvrer ou accroître un bien par le moyen d’un mal volontaire et persistant.

Enfin, quiconque use bien de son entendement doit tout d’abord nécessairement connaître Dieu, puisque, comme nous l’avons prouvé, Dieu est le bien suprême et qu’il est même tout bien. D’où il suit incontestablement que quiconque use bien de son entendement ne peut pas tomber dans la tristesse. Comment cela ? C’est qu’il se repose dans le bien qui est tout bien, toute joie et toute suavité.