Croquis honnêtes/45

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Gangloff (p. 145-147).

Le Soir d’une Première Communion.

Nous sommes au bord de la mer, où tout prend je ne sais quel air grandiose. Cette jolie enfant, avec son charmant costume traditionnel, ajoute au paysage austère un charme incomparable. Victor Hugo, qui est par excellence le poète de l’antithèse, ne manquerait pas d’observer que cette fillette si calme forme avec la mer « toujours bouleversée » un contraste auguste et vivant.

Il semble cependant qu’aujourd’hui le grand Océan lui-même est calme. Tout respire la sérénité en cette petite scène si vraie. L’aïeule tient sa vieille main ridée entre les mains de l’enfant ; la mère sourit, et la communiante a dans son regard une merveilleuse douceur d’obéissance et de tendresse que les païens n’ont pas connue.

À Paris, hélas ! c’est quelquefois bien différent, et les soirs de première communion n’y ont pas toujours ce caractère de recueillement silencieux et de majesté tranquille.

J’ai vu de petites communiantes, encore tout en Dieu, que leurs parents conduisaient le soir (qui le croirait ?) au cabaret, au café-concert, au théâtre !

Ô chère petite communiante normande, si douce, si pure, si sereine, prie pour les petites Parisiennes ; prie pour Paris, lui-même, afin que Dieu, dans sa colère, ne l’écrase pas dans sa main redoutable avec ses théâtres et ses baladins.

Il y a encore tant de justes à Paris, et il s’y fait encore, malgré tout, tant de bonnes premières communions !

Mais c’est égal, petite Normande, ne t’endors pas ce soir sans avoir prié pour nous.