Croquis honnêtes/47

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Gangloff (p. 150-152).

Après la bataille.

Le Président du Conseil municipal de Paris (il s’appelle Hovelacque et a pour spécialité de ne pas aimer Charlemagne) a eu l’occasion de prononcer un grand discours sur la tombe des Gardiens de la paix qui sont morts victimes de leur dévouement professionnel, morts en héros, morts en chrétiens.

Il y avait là matière, n’est-il pas vrai ? à une admirable harangue, et je me persuade, ami lecteur, que devant un pareil sujet, nous aurions été heureusement inspirés, vous et moi. Vous surtout.

M. Hovelacque ne l’a pas compris de la sorte, et il a profité de cette circonstance auguste pour professer une vilaine et cynique leçon de matérialisme. Il a déclaré qu’au delà de la mort il n’y a rien. « Nos molécules se désagrègent ; voilà tout. » En fait d’immortalité, ce conseiller municipal n’en admet pas d’autre que la gloire. Ô misère !

Ce discours d’Hovelacque me revient en la mémoire devant ce tableau du dernier Salon qui représente un pauvre soldat mourant sur le champ de bataille et contemplant, d’un regard attendri, d’an dernier regard, le crucifix montré par un prêtre. La scène se passe dans la dernière guerre, sous les murs de Metz, à Saint-Privat.

Pauvre petit soldat, il sent tout fléchir et tourner autour de lui ; la nuit s’abat sur ses yeux ; il a le frisson ; il s’affaisse, il va mourir, il meurt.

Eh bien au lieu de ce prêtre qui lui dit : « Dieu t’attend là-haut. Dieu te tend les bras ; tu vas revivre près de lui et tu ne mourras plus ; »

Supposez un Hovelacque disant tranquillement à ce pauvre mourant : « Tes molécules se désagrègent. »

Supposez, et comparez.