Curumilla/22

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Amyot (p. 267-280).
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XXII

Après la victoire.

Jamais victoire plus éclatante n’avait été remportée avec des troupes numériquement aussi faibles, et dans des conditions en apparence aussi défavorables.

L’armée mexicaine avait évacué Hermosillo dans le plus grand désordre, en abandonnant trois cents morts et blessés, des bagages de toutes sortes, des canons, des munitions et des drapeaux : sa déroute était complète.

Le général Guerrero, la bonté au front et la rage au cœur, fuyait à toute bride sur la route d’Urès, poursuivi l’épée dans les reins par la cavalerie française.

Le comte avait fait un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels se trouvaient plusieurs officiers mexicains.

La joie des aventuriers tenait du délire ; cependant, ces brillants avantage n’avaient pas été remportés sans des pertes sensibles, vu la forée numérique de l’armée. Elle avait perdu vingt-deux hommes, chiffre énorme, qui témoignait de l’acharnement de la lutte et du courage avec lequel les Mexicains avaient combattu.

Parmi les morts, le comte avait à regretter quelques-uns de ses officiers les plus aimés, braves jeunes gens qui s’étaient fait tuer à la tête de leurs sections en entraînant leurs soldats.

Le comte, bien que ses habits fussent criblés de balles, n’avait pas reçu une égratignure ; on aurait dit qu’un charme le protégeait, car nul moins que lui n’avait épargné sa vie pendant le combat. Toujours il avait été au plus épais de la mêlée en avant des plus braves de ses compagnons, les encourageant du geste et de la voix, dédaignant de se servir de son sabre autrement que pour parer les coups qui lui étaient portés de trop près, et faisant à la fois l’office de chef et de soldat.

Aussitôt la bataille terminée, le comte s’installa au Cabildo, où les autorités mexicaines furent convoquées afin de s’entendre avec lui pour aviser à la sûreté de la ville. Don Cornelio ne l’avait pas quitté pendant le combat ; il avait fait bravement son devoir à ses côtés.

— Don Cornelio, lui dit-il, je suis content de vous, vous vous êtes vaillamment comporté ; je veux vous récompenser en vous donnant une mission de confiance de la plus haute importance. Êtes-vous trop fatigué pour monter à cheval ?

— Non, señor conde ; d’ailleurs vous savez que je suis un ginete émérite.

— C’est vrai. Voici deux lettres : une pour don Rafaël ; vous la remettrez en passant à l’hacienda del Milagro ; l’autre, quand vous serez en vue de la Magdalena, vous déchirerez la première enveloppe qui la recouvre, et vous la porterez à l’adresse que vous lirez ; alors en supposant que vous soyez arrêté et fait prisonnier en route, cette lettre ne doit pas être prise sur vous, nul ne doit en connaître le contenu. Vous m’entendez.

— Soyez tranquille, señor conde, le cas échéant, elle disparaîtra.

— C’est bien ! Maintenant, prenez un cheval frais, et en route, sans perdre une seconde : il y va de la vie et de la mort.

— Je pars, don Luis, vous entendrez parler de moi.

Ces paroles furent accompagnées d’un sourire sinistre qui passa inaperçu du comte. Don Cornelio sortit. Cinq minutes plus tard, on entendit les sabots de son cheval résonner sur le cailloutis de la rue.

Il était parti.

En ce moment, Valentin entra. Le chasseur, d’ordinaire si calme, avait les traits bouleversés et semblait en proie à une agitation extrême. Il jeta en entrant un regard autour de lui.

— Que cherches-tu donc, lui demanda le comte, et que signifie l’état dans lequel je te vois ?

— Cela signifie, répondit Valentin… Mais, tiens, ceci vaut mieux : jette un coup d’œil sur ces papiers saisis par moi dans la maison du général Guerrero.

Il remit une liasse de lettres et d’autres papiers au comte ; celui-ci les parcourut rapidement des yeux.

— — Oh ! s’écria-t-il en frappant du pied avec colère, une si grande ingratitude après tant de bienfaits ! Mille démons ! Cette terre est donc maudite, que la trahison surgit de dessous chaque brin d’herbe !

— Heureusement que nous avons les preuves en main. Je me charge d’arrêter le misérable.

— Il est trop tard !

— Comment, trop tard ! s’écria le chasseur. Où est-il donc ?

— Il est parti avec une mission de la plus haute importance, dont je l’ai chargé pour les chefs des mécontents.

— Sacrebleu ! s’écria le chasseur, que faire ? Il est évident que le misérable va vendre nos secrets à l’ennemi.

— Attends, je lui ai donné une lettre pour don Rafaël, il ne peut faire autrement que de la remettre.

— C’est juste, quand ce ne serait que pour endormir les soupçons, je cours à l’hacienda del Milagro.

— Va, mon ami, malheureusement je ne puis t’accompagner.

— C’est inutile ; je te jure que si ce don Cornelio du démon tombe entre mes mains, je l’écrase comme une vipère qu’il est. Adieu.

Le chasseur sortit rapidement du cabildo, et quelques minutes plus tard, suivi de Belhumeur, de l’Élan-Noir, de Curumilla et de la Tête-d’Aigle, il galopait à toute bride sur la route de l’hacienda.

Le comte s’occupa alors, sans prendre un instant de repos, à organiser la tranquillité et la sûreté de la ville. La plupart des autorités mexicaines avaient pris la fuite : il en nomma d’autres, fit enterrer les morts, installa une ambulance pour les blessés, dont il donna la direction au père Séraphin, dont le dévouement évangélique fut, dans cette circonstance, au-dessus de tous les éloges.

Des postes et des corps de garde furent établis, et des patrouilles eurent ordre de parcourir la ville, afin de maintenir la tranquillité, mesure de précaution inutile, car les habitants paraissaient aussi joyeux que les Français ; les rues étaient pavoisées, et partout on entendait les cris de : Vive la France ! vive la Sonora ! répétés avec une expression d’enthousiasme indicible.

Lorsque le comte se fut acquitté de ces devoirs impérieux, son esprit n’étant plus surexcité par la nécessité du moment, la nature un instant vaincue reprit le dessus avec une force de réaction extrême, et don Luis s’affaissa presque évanoui dans le fauteuil sur lequel, depuis huit heures, il travaillait sans relâche.

Il demeura ainsi sans secours, jusque vers une heure assez avancée de la nuit, n’ayant pas la force de faire un mouvement pour appeler.

Enfin le capitaine de Laville entra : il venait rendre compte à son chef des résultats de la poursuite contre les Mexicains. Il fut effrayé de l’état dans lequel il vit don Luis.

Le comte était en proie à une fièvre violente mêlée de délire. Le capitaine appela immédiatement le chirurgien de la compagnie, et le comte fut installé dans un lit fait à la hâte.

Le chirurgien ne se trouva pas ; ce fut un médecin mexicain qui arriva à sa place.

Cet homme déclara que le comte était atteint d’une dyssenterie, et il lui fit boire une potion qu’il prépara séance tenante.

Le comte tomba dans une espèce de sommeil léthargique qui dura près de dix heures.

Heureusement, le chirurgien de la compagnie accourut enfin. Après avoir jeté un coup d’œil sur le comte et avoir examiné les quelques gouttes de potion demeurées dans le verre, le docteur fit immédiatement administrer au comte des œufs battus dans du lait et ordonna des frictions sur tous les membres avec des serviettes chaudes.

— Mais, docteur, lui fit observer le capitaine, quel traitement faites-vous donc suivre au comte ? le médecin a assuré qu’il avait la dyssenterie.

Le docteur sourit tristement.

— Oui, dit-il, il a la dyssenterie ; mais savez-vous ce que lui a donné le médecin ?

— Non.

— De la belladone, c’est-à-dire du poison.

— Oh ! fit le capitaine avec horreur.

— Silence ! reprit le chirurgien ; que ce secret demeure entre nous deux.

En ce moment, le médecin entra. C’était un petit homme replet, à la mine de chat effarouché.

Le capitaine le saisit au collet et l’attira dans un coin de la chambre.

— Voyez, lui dit-il, en lui montrait le verre que le chirurgien tenait encore à la main… De quoi était composée la potion que vous avez donnée au comte ?

Le Mexicain pâlit.

— Mais… balbutia-t-il.

— Du poison, misérable ! reprit le capitaine avec violence.

— Du poison ? s’écria-t-il en levant les bras et les yeux au ciel, il serait possible ! Oh ! mon Dieu ! voyons donc.

Il examina le verre avec une feinte attention.

— C’est vrai, reprit-il au bout d’un instant, quelle inadvertance ! per dios !

Le mot parut si précieux aux deux Français que, malgré leur colère et leur inquiétude, ils ne purent pas y tenir et partirent d’un éclat de rire homérique.

Le petit docteur profita de cet accès de gaieté pour s’esquiver tout doucement, et depuis, quelques recherches qu’on fît, on ne le retrouva pas ; il avait probablement quitté la ville.

Cependant, grâce aux soins intelligents et affectueux du docteur, les effets du poison avaient été neutralisés ; le comte se sentit un peu mieux et donna l’ordre que la compagnie se réunît à l’instant dans le patio du Cabildo.

Cet ordre fut exécuté rapidement, et, une heure après, la compagnie était rangée en armes dans la cour.

Le comte descendit appuyé sur le bras du capitaine de Laville.

— Mes compagnons, dit-il, je suis malade, vous le voyez ; cependant je vous ai réunis pour vous faire connaître un engagement que j’ai pris en votre nom envers les habitants d’Hermosillo ; j’ai certifié que quand bien même vous marcheriez sur des piles de piastres et d’onces, vous ne vous baisseriez pas pour les ramasser. Ai-je eu tort ?

— Non ! s’écrièrent-ils, vous avez eu raison, au contraire.

— Nous ne sommes pas des pirates, quoi qu’on en dise, reprit le comte, l’heure est venue de le prouver.

— Nous le prouverons !

— Merci, mes compagnons.

La compagnie rompit les rangs, elle tint scrupuleusement sa promesse ; pas une boucle de ceinture ne fut enlevée par ces hommes à moitié nus, et qui depuis quatre mois enduraient les plus horribles privations.

Cependant l’état du comte, loin de s’améliorer, empirait au contraire de jour en jour, malgré les soins empressés du docteur et du père Séraphin, qui s’était installé auprès de son lit et ne le quittait pas.

Chez don Luis, le moral tuait le physique. Depuis le départ de don Cornelio, le comte n’avait reçu aucune nouvelle ni de l’Espagnol ni de Valentin. Deux hommes fidèles, expédiés à l’hacienda del Milagro, n’étaient pas revenus, et ni don Rafaël ni doña Angela ne donnaient signe de vie.

Ce silence devenait incompréhensible. D’un autre côté, la situation de la compagnie se faisait à chaque instant plus grave ; le comte, maître d’une ville puissante, se trouvait plus isolé qu’auparavant ; les pueblos qui devaient se soulever ne bougeaient pas ; l’homme, auquel le comte avait écrit et qui s’était engagé à donner le signal de la révolte ne répondait pas à l’appel qui lui était fait et demeurait indifférent aux prières réitérées que lui adressait don Luis.

Malheureusement, la dyssenterie est une de ces affreuses maladies qui annihilent complétement les facultés de l’homme ; pendant un assez long espace de temps le comte fut incapable de s’occuper de rien.

Le señor Pavo était accouru en toute hâte de Guaymas à Hermosillo, en apparence pour féliciter le comte sur son beau fait d’armes, mais en réalité afin de le trahir plus facilement.

Don Luis était seul, sans amis auxquels il pût se fier, couché sur un lit de douleur, intérieurement dévoré d’une inquiétude mortelle et en proie à un profond désespoir de se voir réduit à l’impuissance et de perdre le fruit de ses travaux et de ses fatigues.

Le capitaine de Laville, le seul homme auquel il aurait pu se fier en ce moment, était atteint de la même maladie que son chef, et, comme lui, incapable d’agir.

Le señor Pavo profita habilement de cette position pour répandre des germes de désaffection parmi les Français.

Le comte était l’âme de la compagnie, le seul lien qui la faisait compacte et unie ; s’il manquait, tout manquait à la fois.

Alors un système fut organisé dans l’ombre par le señor Pavo. Ce système consista en démonstrations continuelles de la part des aventuriers, qui, à chaque heure du jour, venaient les uns après les autres exposer au comte les griefs les plus ridicules et le menacer de l’abandonner. Enfin les choses en vinrent à un tel point, qu’il fallut prendre un parti définitif.

Deux moyens se présentaient.

Le premier, de renoncer aux bénéfices de la victoire d’Hermosillo et de se mettre en retraite sur Guaymas ; ce moyen était suggéré an comte par le représentant français le señor don Antonio Mendez Pavo.

Le second était d’attendre à Hermosillo, en se maintenant par la force et même par la terreur et en s’exposant à soutenir un siége, les secours qui ne pouvaient tarder d’arriver de Californie, où ils s’organisaient rapidement, tant la nouvelle de l’éclatante victoire remportée par le comte avait électrisé les esprits des aventuriers et enflammé leur imagination.

Ces deux moyens répugnaient également au comte.

Le premier lui paraissait honteux, le second impraticable.

Cependant la situation se tendait de plus en plus et devenait intolérable.

Alors il se passa un fait étrange, que certes, si au lieu d’écrire une histoire nous avions composé un roman, nous aurions été incapable d’inventer.

La compagnie, incessamment excitée par les hypocrites doléances du señor Pavo et par les sourdes manœuvres qu’il employait, en était arrivée vis à vis de son chef à une désobéissance complète et presqu’à une révolte ouverte. Voyant que M. de Prébois-Crancé, trop malade pour agir vigoureusement, était incapable de s’opposer à ce qu’il leur plairait de faire, ils lui signifièrent que s’il ne consentait pas à donner l’ordre de la retraite, ils quitteraient Hermosillo et l’abandonneraient.

Le comte dut s’exécuter.

Le général Guerrero avait engagé sa parole que la retraite ne serait pas inquiétée. Don Luis parvint à obtenir des otages qui lui répondaient du salut de ses blessés, qu’il était forcé de laisser en arrière, et, le cœur navré, sans forces et sans courage, on le transporta dans une litière.

Alors une réaction s’opéra parmi les volontaires à la vue de leur chef bien-aimé, réduit à cet état misérable et presque mort de douleur ; ils se pressèrent autour de lui, en lui jurant obéissance et fidélité et lui promettant de se faire tuer jusqu’au dernier pour lui.

Un sourire mélancolique glissa sur les lèvres pâlies du moribond. Ces preuves de dévoûment venaient trop tard. Le comte, abreuvé d’outrages, avait bu le calice jusqu’à la lie : il n’avait plus foi en ses compagnons.

La retraite commença.

Malgré l’engagement solennel du général, ce fut une suite non interrompue d’escarmouches ; mais un dernier rayon de gloire vint se refléter sur les Français. Les aventuriers, réveillés par l’odeur de la poudre, retrouvèrent toute leur énergie pour repousser victorieusement les attaques des Mexicains, qu’ils contraignirent à s’éloigner honteusement et à renoncer à les inquiéter plus longtemps.

La compagnie campa à trois lieues de Guaymas, résolue à s’ouvrir passage et à entrer le lendemain de gré ou de force dans ce port.

Le comte, un peu ranimé par l’espoir d’un combat prochain, s’était endormi après avoir fait tous ses préparatifs.

Vers minuit, on le réveilla en lui annonçant des parlementaires.

Ces parlementaires étaient le señor Pavo et un négociant de Guaymas. Ils venaient de la part du général Guerrero. Ils étaient porteurs d’un armistice de quarante-huit heures et d’une lettre du général, qui priait instamment le comte de se rendre auprès de lui, afin de traiter directement de la paix.

— Je consens à l’armistice, répondit le comte. Que le général m’envoie une escorte, je me rendrai auprès de lui.

Ses compagnons se récrièrent :

— Pourquoi ne pas prendre votre cavalerie ? lui dit l’un d’eux.

— À quoi bon ? répondit-il avec découragement, c’est à moi seul qu’on en veut ; si c’est un piége qui m’est tendu, eh bien, j’y tomberai seul.

Les aventuriers insistèrent, il fut inébranlable.

— Nous ne nous entendons plus, leur dit-il.

Se retournant alors vers les parlementaires :

— Retournez à Guaymas, messieurs, et veuillez dire au général Guerrero que je le remercie et que j’attends son escorte.

L’escorte arriva en effet au point du jour, et le comte partit après avoir jeté un dernier et triste regard sur ses compagnons, qui assistaient à son départ le cœur serré et les larmes aux yeux.

Désormais le divorce était accompli entre la compagnie et son chef.

Le général Guerrero, à son entrée à Guaymas, fit rendre au comte de Prébois-Crancé les honneurs dus à un général en chef.

Don Luis sourit avec dédain. Que lui importait ce vain appareil !

Le comte et le général eurent entre eux une longue conversation.

Le général n’avait pas renoncé à ses projets de séduction. Comme la première fois, don Luis répondit par un refus positif.

La compagnie était désormais livrée sans défense aux machinations du señor Pavo. Cet homme ne perdit pas de temps ; d’après ses conseils, les aventuriers députèrent vers le comte, avec ordre d’en finir et de traiter coûte que coûte, deux matelots ignorants comme des carpes.

Ces deux émissaires avaient été choisis par le señor Pavo ; le digne homme savait bien ce qu’il faisait.

Les deux marins se présentèrent au comte, qui leur fit dire qu’il ne pouvait les recevoir en ce moment, et qu’il les priait d’attendre un peu.

Les ambassadeurs, froissés dans leur amour-propre, et gonflés de l’importance de la mission dont ils étaient chargés, quittèrent immédiatement la maison du comte, en jurant contre son insolence, et s’en allèrent tout droit à la maison du général Guerrero.

Celui-ci, prévenu d’avance, savait ce qui arriverait ; il les attendait avec impatience.

Il les fit entrer aussitôt qu’ils eurent décliné leurs noms, les reçut de la façon la plus gracieuse ; puis, lorsqu’il les eut ainsi enivrés de fumée, il les fit signer — c’est apposer une croix que nous devrions presque dire — un traité par lequel ils reconnaissaient qu’ayant été lâchement trompés et abandonnés par leur chef, ils s’engageaient à mettre bas les armes et à quitter le pays moyennant la somme de onze mille piastres, c’est-à-dire à peu près cinquante-cinq mille francs ; il faut avouer que c’était pour rien et que le général Guerrero faisait une bonne affaire, d’autant meilleure que les armes de la compagnie lui restaient. Oh ! les Mexicains sont de fameux négociants et surtout de bien profonds diplomatess !


Ne pouvant vaincre la compagnie, les Mexicains l’avaient achetée à deux misérables par l’entremise d’un troisième dont le devoir était de la défendre.

Ainsi la compagnie Atrevida s’était suicidée elle-même ; elle avait seule opéré sa dissolution, sans même avoir cherché à revoir ce chef qui avait été son idole, et qu’elle abandonnait, se tordant sur un lit de douleur.

Nous devons constater pour l’honneur des plénipotentiaires français que, dans le traité qu’ils avaient signé, la liberté du comte avait été formellement garantie.

Maintenant, par quel concours inouï de circonstances le comte, dans une position aussi critique, avait il été abandonné ainsi de tous ses amis ?

Comment le général Guerrero, son ennemi acharné, s’était-il montré si bénin et presque généreux à l’égard de don Luis lors des derniers événements que nous avons rapportés ?

C’est ce que nous allons expliquer ; mais pour cela il nous faut reprendre les événements de plus haut et revenir à Valentin et à ses compagnons, que nous avons laissés galopant à toute bride sur la route de l’hacienda.