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Décrets des sens sanctionnés par la volupté/4

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A Rome, De l’Imprimerie du Saint Pere, M. DCC. LXXXXIII (p. 27-Grav.).


APRÈS LA PANSE VIENT LA DANSE,
OU

La Philosophie de l’Huissier-Priseur
Bussault, et de la demoiselle Longueil,
Musicienne du Concert Spirituel.


Pourquoi ne nommerais-je pas mes masques ? je le répète : honni soit qui mal y pense. Ce n’est pas le desir de satyriser qui m’a mis la plume à la main : le seul plaisir a pu m’engager à transcrire ces anecdotes telles qu’elles me sont parvenues. Si je les vois un jour consignées dans les fastes de Cythère, tous mes vœux sont remplis ; si les personnages dont j’ose ici publier les transports amoureux, se formalisent de la sincérité de mes descriptions, sans doute ils auront tort, car leur courroux ne fera que m’égayer. Apôtre de Priape, sectateur d’Ovide, disciple de Piron, je marche sur les traces de ces trois précurseurs de la fouterie ; et pourvu qu’à côté de l’aimable amie que j’ai choisie, je puisse, échauffé par la vue de son joli ventre d’ivoire, dessiner quelques actes voluptueux de lubricité et faire passer dans les sens de mes lecteurs, cette ardeur de foutre, qui circule dans les miens, je puis à bon droit me moquer du qu’en dira-t-on ?

L’huissier-priseur Bussault est, sans contredit, l’amour adolescent lui-même, cinq lustres forment son âge, et malgré cette jeunesse, on remarque en lui, taille et jarret d’Hercule, fermeté de hanche, gorge noire, œil fendu, et toujours porteur d’une culotte à la moderne, c’est-à-dire étroitement serrée. Soit qu’il soit toujours en état de grace, ou que la nature l’ait pourvu d’un vit à faire fortune, on ne peut s’empêcher de convenir que l’apperçu de son braquemart ne soit de la plus belle apparence.

La demoiselle Longueil, cantatrice du concert spirituel, est la créature la plus parfaite que les grâces aient pu former : le Dieu qui préside à l’union des amans dignes l’un de l’autre, fit naître entre le gentil Bussault et l’égrillarde Longueil, la plus étroite intimité. Voici ce qu’à cet égard, raconte cet aimable fouteur : écoutons-le parler lui-même.

Oui Longueil est toute divine, disoit un jour Bussault à un de ses amis, c’est le plus beau corps de la terre, chacun de ses appas rend yvre d’amour, ses tettons charmans provoquent le plaisir, ses yeux étincellent de tous les feux de la paillardise, sur ses lèvres de roses siégent les amours, toujours humectées de mousse amoureuse, son doux sourire semble vous inviter à cueillir les myrthes de la volupté ; tels sont les charmes qui sont à la connoissance de tout le monde ; mais ceux dont on ignore la peinture, je vais ami, t’en donner le détail.

Taille belle et élancée, bras faits au tour, cuisses miraculeuses, croupe angélique, fesses rondes, fermes et potelées, je ne puis y penser sans éprouver de nouvelles extases. J’en fis la connoissance au cirque du Palais-royal, où, ce jour-là elle exécutoit un solo de harpe. La délicatesse avec laquelle elle pinçoit de ses doigts mignons les cordes de son instrument me firent désirer plus d’une fois la même faveur pour le mien. Je bandais dans un coin de la salle pour les objets ravissans qui s’offraient à mes regards, quand ses yeux se fixèrent sur les miens. La rougeur me monta au visage, et ses joues se colorèrent. Ce fut sans doute le foutre, comme le dit cet auteur immortel, qui ajouta les roses aux lys de son teint, car dans le même moment sa gorge palpita, ses tettons se haussaient et s’abaissaient, le chant dont elle accompagnait son jeu devint plus tendre et plus passionné ; et en parfait connoisseur, je conjecturai que si de mon côté je bandois d’une force violente pour cette charmante musicienne, elle me rendait le change, et qu’après le solo qu’elle exécutoit, nous pourrions bien former le duo de fouterie le plus flatteur.

Mes pressentimens se vérifièrent. Au sortir du concert je lui donnai le bras jusqu’à la voiture de remise qui l’avait amenée, et je lui demandai la permission d’y monter avec elle, ce qu’elle m’accorda sans répugnance. Nous voici donc dans le Phaëton de louage, glaces fermées et voyageant depuis le cirque, jusqu’à la rue des Amandiers, près Popincourt. J’aurois voulu de bon cœur ralentir la course des chevaux, et terminer sur les coussins de ce boudoir roulant, l’acte délicieux que je me proposais ; mais l’heure du berger ne sonnait pas encore, quoique l’aiguille que je portois extrêmement roide, n’aspirât qu’à toucher au cadran. Après quelques préludes, je devins téméraire, le mouvement de la voiture avoit animé mes sens, je hazardai à coller ma bouche sur la sienne, elle reçut mon baiser, en y répondant par un autre, et fretillant avec sa langue, elle m’excita par ce vif et léger badinage ; à porter une main sur ses tettons, et l’autre sous ses jupons ; je n’éprouvai de sa part qu’une légère résistance, et je parvins au centre de la volupté. Dieux ! que la vue devait en être ravissante, puisque le toucher me faisait éprouver d’aussi voluptueuses sensations ? Vis-à-vis l’un de l’autre on ne pouvait être plus gêné que je l’étais. Aussi sans balancer je la saisis en l’embrassant, et la fis asseoir sur mes genoux. Ce fut alors que je prodiguai à la passionnée Longueil les plus brûlantes caresses : ma main n’avait pas désemparée son poste. Je folâtrais légèrement avec mon doigt dans les poils de sa motte ; ses cuisses s’ouvraient et se resserraient avec fureur, nous désirions l’un et l’autre ; mais à cette séance, nous nous en tînmes à la petite oye. Ce doigt chéri pour lequel de certaines femmes ont tant de prédilection, s’était enfin introduit dans le joli con de ma belle. Je frottais son clitoris, tandis qu’elle-même ayant fait sauter boutons et pont-levis, s’était emparé de mon docteur qu’elle secouait légèrement, ou qu’elle serrait avec ardeur, suivant l’impulsion de son tempérament qu’elle ressentait. Nous confondions nos ames ensemble par la voie des baisers ; déjà les serremens de fesses, et les roidissemens de ma divine, autant que ses soupirs convulsifs m’annonçaient qu’elle jouissait du suprême bonheur ; un frottement délicieux termina l’affaire, et nous déchargeâmmes ensemble : il était teins ; car la voiture arrivait. A demain, mon bel ange, me dit-elle, je t’attends à 10 heures. Eh ! pourquoi pas ce soir ? lui répondis-je. Cela ne se peut, mon cœur, nous courrions risque d’être interrompus, tu dois m’entendre ; que cela te suffise, à demain. Ma voiture te reconduira. Alors elle s’élança dans une maison de jolie apparence[1], et le cocher me roula chez moi, ainsi que mes réflexions amoureuses.

Le peu de mots de ma nouvelle conquête m’avait mis au fait ; je compris qu’il y avait du milord-pot-au-feu dans l’aventure, et je ne me trompais pas. Le comte d’Espagnac, ce fameux libertin, que la chronique scandaleuse et libertine se plaît à citer, faisait les honneurs de la maison du jeune oiseau de passage que j’avais captivé, et qui s’apprêtait à lui faire des roueries. Vingt-cinq louis qu’il lui donnait par mois notaient pas à dédaigner ; il s’en fallait de beaucoup que je fusse en état de lui procurer cette somme. Ergo, il fallait donc que je me contentasse du rôle à la mode que jouent, sur le pavé de Paris, quantité d’honnêtes gens, qui cependant ont la réputation d’être de bonne société.

Je passai la nuit la plus délicieuse en me repaissant de mille chimères voluptueuses, et l’aurore n’eût pas plutôt éclairé la surface de la terre, que je me rendis chez mon incomparable ; mais l’heure du rendez-vous n’étoit point encore expirée ; l’heureux mortel, qui pour son argent avait le droit de primauté, pouvait être encore sur le sein de ma nouvelle amie, occupé entre deux draps à tirer quittance de l’argent qu’il déboursait pour son entretien ; en cas pareil, ma présence eût été importune : Je me résignai donc à la patience, et, comme une sentinelle au corps-de-garde, j’attendis mon heure de faction, en me promenant en long et en large, sous les fenêtres de ma dulcinée.

Les fumées des jouissances foutatives ne m’avaient pas tellement enivré que je ne sentisse bien que mon estomach avait aussi des besoins à satisfaire ; Vive l’amour, pourvu qu’on dîne : cette devise fut la mienne dans tous les tems ; j’aurais bien pu m’installer dans un café, mais j’eus risqué de manquer le moment après lequel je soupirais. Ainsi donc je fis de nécessité vertu.

Enfin, ce que j’avais prévu arriva : la porte s’ouvrit et mon heureux rival sortit dans un cabriolet élégant ; je jugeai à l’air de satisfaction que je lui remarquai, que la séance avait été des plus complettes, et j’enrageais intérieurement que le démon de la concupiscence eût pris assez d’empire sur moi, pour m’inspirer le dessein d’aller foutre, en second, une femme qui ne faisait que de sortir de dessous son cavalier. Les écus qu’il prodiguait me consolaient cependant, et je me disais : puisque c’est usage, je serais ridicule de ne pas m’y conformer.

J’attendis encore quelques minutes, dans l’appréhension qu’il ne prit un remora à monsieur le payant ; mais tranquille sur cet article, je me présentai. Une soubrette intelligente, et déjà prévenue, m’introduisit auprès du lit de ma divinité, qui me reçut à bras ouverts, en me reprochant obligeamment de m’être fait attendre. La vision du monsieur au cabriolet m’aurait fourni une réponse ; mais je respectai la réserve de ma nymphe, et je ne répondis que par des baisers.

Un ordre secret donné à l’oreille de la femme-de-chambre fut bientôt exécuté, et je ne tardai pas à voir paraître un déjeûner, si-non splendide, au moins fait pour faire naître les desirs et les forces, et préparer un galant cavalier à l’amoureux combat. Fort bien, me dis-je en moi-même, la petite personne est prévoyante, et veut être bien servie ; allons, avalons ce précieux restaurant, puisque le Ciel me l’envoie. La chambrière s’éclipsa, et mon adorable et moi nous commençâmmes à sabler quelques verres d’un excellent vin, puis me passant les bras autour du col, elle me dit : ah ! de grace, cher ami, débarrasse-toi de ces incommodes vêtemens ; regarde-moi, ne suis-je pas nue, ne pourrais-je admirer la justesse de tes proportions avec autant de facilité que je t’en donne pour examiner les miennes ? Je ne me le fis pas dire deux fois : en un clin d’œil je fus déshabillé, et en un saut, zeste, je fus dans son lit. Ah ! mon ami, quelle jouissance inexprimable ! Quel raffinement de volupté. Je voulus aller sur le champ au fait ; mais cette fouteuse experte m’arrêta, en me disant, mon tendre ami, n’épuisons pas d’abord toutes les ressources de la volupté, avant de parvenir à son comble ; que les plus charmans préludes nous conduisent par dégrés à cette situation délicieuse ; le prestige de la jouissance est si-tôt évanoui. Rassasie-toi de la vue de mes charmes : alors d’un mouvement de jambes, et de cuisses, la belle écarta les draps qui voilaient ses beautés, et je vis à découvert ; grands dieux ! Comment pouvoir bien exprimer ce que je vis, une gorge ferme et élastique, ventre poli et fait au tour, motte rebondie, enfin tous les attraits qui peuvent captiver l’amour et enchaîner les sens.

A son tour elle me fit l’analyse de ce qu’elle appellait en moi des charmes incomparables ; la grosseur et la longueur de mon vit sur-tout la frappa, elle fit successivement l’éloge de ce membre générique, de mes couilles, et des pretintailles qui y sont annexées. Cet examen nous échauffa, je me présentai en exploiteur hardi, et j’enconnai ma déesse, les coups de cul que j’allongeais avec vigueur et rapidité, faisaient trembler le trône de nos plaisirs ; le mouvement de son croupion, ses élans vigoureux s’accordaient merveilleusement avec les miens. Deux fois nous déchargeâmmes, et j’étais prêt à courir une troisième poste, quand elle m’arrêta, en m’engageant à réparer mes forces. Nous finîmes donc une pause, pour lamper encore quelques gorgées de nectar que la chambrillon avait laissée près du lit ; après La panse vient la danse. Rien de plus naturel. Nous recommençâmmes ensuite et nous nous quittâmes on ne peut pas plus satisfaits l’un de l’autre.

Depuis trois mois ce charmant commerce continua entre nous ; chaque fois que je rends hommage au con de l’aimable Longueil, connaissant l’effet d’un déjeuner salutaire, elle a soin de me le faire servir ; je ne sais quelle drogue elle inserre dans les alimens dont j’avitaille mon estomach ; mais il est certain qu’ils me procurent une nouvelle force, auprès d’elle je suis un Hercule, elle m’appelle son fouteur par excellence. Juge, ami, toi consommé dans la fouterie, s’il existe bonheur comparable au mien.



Décrets des Sens
pag. 39
Anhelat et silet voluptas.


Le ſexe féminin est un ſexe bavard :
Ce reproche est faux ; car
Vous le voyez ici qui garde le ſilence.
Mais s’il ne parle pas, il est bien vrai qu’il penſe
A quoi ? vous vous en doutez-bien :
Il pense à certain petit drôle.
Qui dans certain endroit remplit un certain rôle.
D’ailleurs si Philis ne dit rien,
C’est qu’un ardent baiſer lui coupe la parole.
Comme ce galant est entrain !
D’un déjeuner c’est l’effet ſalutaire :
Bacchus au grand galop mene l’homme à cythere :
On fait tout mal quand on a faim :
Auſſi la belle par prudence,
A fait à ſon galant ſervir d’excellent vin ;
Or vous voyez comme il la récompenſe :
Après la panſe vient la danſe.

  1. Louée à cette charmante sirène par le comte d’Espagnac, demeurant rue des Champs-Elisées. Cette entreteneur de la demoiselle Longueil est neveu de l’ancien commandant des invalides.