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Décrets des sens sanctionnés par la volupté/7

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A Rome, De l’Imprimerie du Saint Pere, M. DCC. LXXXXIII (p. 50-59).

LES MEUBLES RENVERSÉS,
OU

Le Brevet de Cocu accordé au sieur
M......, Agent de change, rue de
la Verrerie, par le sieur de la C.....
ancien Avocat au Parlement.



Qu’on dispute à l’assemblée, je m’en ris ; que les Jacobins patriotiques tournent en ridicule les Françiscains monarchiques, je m’en moque ; que la municipalité chante des Te Deum, je m’en bats l’œil ; que les sots Parisiens illuminent la façade de leurs maisons, je m’en tiens compte. La fouterie, voilà ce qui m’occupe, c’est mon souverain bien ; le but de tous mes desirs, et foutre long-tems, et expirer de plaisir en festoyant le beau con de ma jolie blonde, voilà les vœux que je forme. Si je dispute, ce n’est que pour recommencer cette douce besogne ; quand, excédée de fatigue, ma gracieuse femelle me refuse le combat, si j’entonne des Te Deum, c’est pour remercier le Très-Haut de m’avoir procuré des forces suffisantes pour enconner nombre de fois ma bien-aimée, et mes seules illuminations partent de la clarté de vingt bougies qui éclairent voluptueusement, en se refluant dans des glaces disposées exprès, les délicieux plaisirs que je goûte avec elle.

C’est sûrement ainsi que raisonne mon confrère de la C....., cet avocat éloquent qui ne détourne les yeux de dessus Cujas et Barthole que pour les reporter sur les charmantes donzelles de son quartier, au moins c’est ce que semble prouver l’anecdote que j’insère dans ce plaisant recueil, toujours en suppliant les héros que j’y désigne de me pardonner la liberté que je prends de les immortaliser par la voie de l’impression.

Le sieur M.... agent de change, rue de la Verrerie, est un financier âgé de cinquante ans, qui prit pour femme femelle, qui en comptoit à peine vingt ; ce sont là des jeux de l’amour, c’est une vengeance que ce dieu exerce contre les vieux garçons ; il les enflamme sur le retour pour des objets qui les conduisent par dégrés au cocuage, et je tiens, moi, que c’est bien employé.

Toujours Barême dans sa poche, et la tête occupée de calculs, ce n’est que les lunettes sur le nez qu’il aborde sa tendre moitiée ; cet appareil ridicule effarouche les grâces, et ne saurait plaire à une jeune et séduisante beauté qui ne peut tout au plus compter que les caresses du plus aimable des amans, et qui, le pressant amoureusement sur son corps satiné et l’entrelaçant entre ses cuisses, lui dit, en remuant vivement la charnière, ah ! mon ami, quels plaisirs tu me fais éprouver, je n’en puis plus .... je me meurs .... Donne-moi ta langue .... que je la suce .... fouts, dépêche .... finis, je me pâme .... eh ! quoi déjà finir .... ah ! de grâce encore un voyage ... Trois et un feront quatre .... Oui, voilà l’addition d’une femme dont le tempérament actif et laborieux ne respire que pour foutre, et tandis que le mari hérissé de systêmes agioteurs, numéraire les assignats ; la compagne de sa couche nuptiale entend beaucoup mieux à nombrer les coups de cul de son ami.

Le vieux et bonnace M... sortait un matin, à sa manière accoutumée, pour se rendre à l’effet d’essayer à augmenter ses fonds et son revenu. Ce jour-là le Diable s’en était mêlé ; son piètre ordinaire était de foutre une fois, tant bien que mal sa jeune épouse. O Priape ! quelle faible portion. Mais hélas ! cette fois nescio vos. C’était en vain qu’il s’était fatigué, c’était en vain qu’il avait manié et remanié les tettons, les cuisses, le ventre, la motte et le con de sa poulette, qui par complaisance avait même passé la main sur son membre mou, lâche et racorni ; rien n’était venu, et le pauvre cher homme s’était vu contraint d’abandonner la partie sans donner aucun signe de vie.

Or, vous saurez, si vous voulez l’apprendre, que son voisin de la C...... était depuis quelques tems dans les bonnes graces de la dame, et qu’en honneur elle n’avait pu choisir un meilleur substitut. Femme galante et rusée a toujours une confidente, c’est dans l’ordre, ainsi donc pendant que sans bander le financier s’évertuait sur le corps de sa Suzanne à la mode, le galant homme de loix attendait dans un cabinet prochain que cette triste et chétive expédition fut terminée, pour aller s’emparer du poste, et procéder à une, beaucoup plus brillante.

Désespéré, confus, le bande-à-l’aise époux donne quelques claques sur les fesses de sa délaissée compagne, et passa la main sur l’ouvrage en lui disant amoureusement, va, mon cœur, ne te fâche pas, c’est un démon jaloux de ma félicité qui s’en mêle ; mais je te promets que ce sera pour tantôt, puis il quitta la besogne et décampa.

Il ne faut pas demander si la femme ratée envoyait de bon cœur son vulcain à tous les diables ; car un mari tel qu’il soit, a beau ne pas être aimé, pour peu qu’il foute, il est moins haïssable, et dans ces momens là, il fait plaisir tout comme un autre.

M...... parti, la dame soupira. Eh quoi ! se disait-elle, ce vieux monstre ne m’a-t-il donc épousée que pour laisser en friche un bien qui n’aspire qu’à être cultivé ; eh ! suis-je donc si mal faite. De cette réflexion elle passa à l’examen de ses charmes, et tout lui disait qu’on en avait foutu de plus laides, et qu’elle méritait bien de l’être. Chien de cocu disait-elle au fort de sa colère, va, tu mérites bien ton sort : ah ! si de la ..... mon cher de la C..... était ici, avec quel délicieux plaisir je me vengerais de l’affront que je viens d’essuyer ! Ce vieux reitre m’a mise tout en feu, et dans ce triste moment je n’ai que mon doigt pour calmer l’ardeur dont je suis dévorée : n’importe, il faut m’en servir, toute désagréable que soit cette ressource.

Garde-t’en bien, ma douce amie, dit de la C...... en entrant, ce serait un outrage que tu ferais au membre sacrificateur de tes plaisirs ; je te défends ce badinage, à moins que ce ne soit au moment où mon vit ne puisse plus t’être d’aucune utilité ; mais que dis-je, cela se pourrait-il ? Non, non ; s’il est possible qu’auprès de toute autre il perde de sa grosseur, de sa vigueur et de sa fermeté, auprès de toi toujours bandant il ne terminera sa carrière, que pour en recommencer une autre ; ton con si joli, si charmant, peut opérer tous les miracles. J’ai tout entendu de ton cabinet ; mon vit frémissait de rage, et écumait de fureur de n’être pas en ce moment à la place de ton froid époux. Etait-il digne, grands Dieux, de posséder tant de beautés.

Au même instant le voluptueux de la ..... renversant tous les meubles qui s’opposaient à son passage, il s’élança dans les bras de la sensuelle M...., qui d’une main leste et empressée le débarassa de ses vêtemens, puis en écartant les cuisses, elle étendit sur l’autel de la lubricité la victime qu’elle destinait à la vengeance que, peu de tems auparavant, elle méditait de prendre contre son glacé mari.

Pauvre cocu, où étais-tu maintenant ? Ah ! si la vertu sympathique avait agi en toi dans toute sa force, sans doute un affreux tintement d’oreilles t’aurait annoncé ton désastre ; le démon de la jalousie t’aurait inspiré, et sans doute tu te serais dit : Je viens de quitter ma femme, en proie à toutes les fureurs de l’ivresse luxurieuse, mon vit, mon triste vit m’a faussé compagnie, que fait-elle à présent ? Comment éteindra-t-elle le feu que j’ai allumé ? Ce qu’elle fait, imbécile ! elle te remplace, elle fout avec un autre, et tu n’as pas à t’en plaindre.

Il fut un tems jadis, où la nature endormie se montrait favorable aux époux impuissans ; Appollon, le Dieu de la lumière, était alors exilé du Ciel, le front des maris était à couvert des injures du cocuage. Je ne sais si dans ce tems, que plus d’un Triton regrette encore, les amans bandaient moins, ou si les femmes étaient moins lascives ; mais tant y à que la chasteté régnait dans ce sexe enchanteur, et toujours prêt à consommer des sacrifices au Priapisme. Le maître du tonnerre rappella le conducteur du char du Soleil ; et ses rayons bienfaisans, en fécondant la nature entière, fertilisèrent toutes ses productions, la femme est de ce nombre. Ses desirs s’augmentèrent, ses sens s’allumèrent, elle ne vit plus dans un mari languissant qu’un meuble inutile ; elle s’ouvrit et le mâle s’allongea. La corne d’abondance en produisit des millions à l’infini, et bientôt il y eut des cocus de tous les rangs et de toutes les espèces. Les contrées les plus éloignées, et où la sévérité des mœurs régnait avec le plus d’empire, furent les premières à se ressentir de cette influance. La fouterie et les cocus se perpétuèrent à l’infini, et ce fut sur-tout en France, que cette espèce se rendit commune ; on le sait et on n’en rougit pas. Cet accident, si on peut ainsi l’appeller, est en vogue, et la mode est en règne.

Dans ce bienheureux climat, on peut compter les cocus presque par le nombre des maris, depuis le Monarque jusqu’au dernier des manœuvres, tout a subi cette chance. Moi-même, tout en écrivant cette paraphrase, telle est aussi peut-être ma destinée ; mais loin de m’en affliger, je m’en console par le nombre de ceux que je connais.

Après plusieurs exploits amoureux, l’amant de la C.... enivré d’amour et de foutre, abandonna sa jolie adultère aux réflexions les plus voluptueuses, et alla promener les siennes où il lui plut. Dieu suprême des fouteurs, tu fus témoin de leurs transports ce fut toi qui guidas l’engin victorieux de cet athelète dans le vagin délicieux de cette jeune fouteuse ; ces ardens prosélytes de tes mystères seront à jamais les corriphées de ta gloire ; range-moi de leur nombre, je t’en adresse la prière.

O divin instituteur de la fouterie, protecteur des couillons chauds et des pines valeureuses ! regarde la mienne d’un œil de pitié ; conduis dans mes bras une jolie Nymphe aguerrie, ou introduis-moi dans le lit d’un cocu ; fais que je ne débande jamais à l’aspect d’un con charmant ; que mille coups de cul signalent mon sacrifice ; que le foutre coulant à gros bouillons en innondant plus d’une matrice, me rende digne de ton culte, et je te promets de ne jamais déserter tes autels. C’est la grâce que te demande le plus ardent de tes sectateurs. Ainsi soit-il.