Délicieuses voluptés/07

La bibliothèque libre.
(pseudo non identifié)
Éditions de Minuit, 8 rue de Tracy (p. 69-77).
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VII

… Oui, chérie mignonne, il y a longtemps déjà ! J’étais encore toute petite fille, après la mort de mon papa. Comme tu le sais, je fus confiée à l’oncle Gaston qui devint mon tuteur. Et c’est lui qui fit envoler mon oiseau ; c’est-à-dire qu’il prit mon pucelage…

— Ton pucelage Colette, qu’est-ce à dire ?

— Mais mon pucelage, c’était mon oiseau !

— Ah ! bon, ton oiseau était donc ton pucelage…

— Oui, qui se trouvait par là, nichée au fond, tiens, là, où tu glisses tes doigts…

— Ah ! Colette chérie, là où je t’embrasse tous les matins et tous les soirs ?…

— Mais non, petite sotte, ce n’est plus lui que tu embrasses, puisqu’il s’est envolé !

— Mais alors, c’est le mien que tu embrasses, toi, quand…

— Mais oui, mais oui, chérie mignonne !… Car ton oiseau à toi est encore là où je t’ai embrassé ce matin…

— Le mien aussi était encore dans son petit nid quand l’oncle Gaston l’en fit sortir.

— En l’embrassant ?…

— D’abord, oui… C’était un soir dans sa grande bibliothèque. Il y avait des livres et des livres, beaucoup de livres tout autour des murs, le long desquels pouvaient courir de grandes échelles roulantes. Et quelquefois, quand mon oncle travaillait, je restais juchée sur une de ces échelles, à regarder des images ou même à lire des livres que ne lisent pas ordinairement les jeunes demoiselles.

Ah ! Jacqueline j’ai de bonne heure appris beaucoup de choses dans la bibliothèque de mon oncle !

Un soir donc, l’oncle Gaston me regardait avec un air bizarre. J’avais souvent remarqué la façon dont il me regardait quelquefois, en devenant soudain tout rouge et en fermant à demi les yeux. Mais ce soir-là, son regard fut plus long et plus bizarre encore que les autres fois. Vois-tu, Jacqueline, je m’en souviendrai longtemps…

Mon oncle tout d’un coup se leva, et venant se placer devant l’échelle sur les marches de laquelle j’étais assise, mes jambes sortant de la jupe, il me caressa les mollets et m’embrasa les genoux.

Jamais encore mon oncle ne m’avait caressé de cette façon-là, avec tant d’ardeur.

Je compris tout de suite où il désirait en venir, car j’étais dès cette époque suffisamment avertie. Aussi, profitant de la position de mon oncle tenant son visage tout près de mes jambes, je les écartai doucement, faisant remonter ma jupe en découvrant la chair de mes cuisses…

Ah ! Jacqueline chérie, si tu avais vu les yeux de l’oncle Gaston !

Il approcha lentement sa tête, comme toi la première fois, en hésitant ; et moi, je restais immobile, me demandant avec curiosité comment cela allait finir, et si mon oncle irait jusqu’au bout.

J’avais hâte de voir s’envoler mon oiseau !…

… Il avait des lèvres très douces, mon bon oncle, mais bien moins douces que les tiennes, ma Jacqueline, et puis, ses moustaches me chatouillaient drôlement. Il m’embrassa longuement et je gémis jusqu’au moment où je tombai en avant, dans ses bras, presque inconsciente.

Je sentis cependant mon oncle me baiser le visage et me caresser les cheveux…

Quand je revins à moi, j’étais couchée dans la chambre de mon oncle, et lui me parlait doucement, me disant des choses très tendres en m’embrassant sur les lèvres.

Il s’était déshabillé déjà, et avait revêtu son beau pyjama violet. Et je m’aperçus qu’il avait dégrafé ma jupe et mon corsage, et qu’il était très aisé maintenant de les faire glisser et de paraître presque nue, avec seulement ma chemise et mon petit pantalon.

Tout de suite, je sentis bien ce qui allait arriver ; et je devinais mon oncle plein d’un étrange désir ; d’ailleurs il me suppliait doucement :

Colette, petite chérie, veux-tu ? dis…

J’acquiesçai en me déshabillant très vite, et en attirant sur mes lèvres le visage de mon oncle…

Il se coucha près de moi, et avec des gestes très doux, il m’initia à l’amour…

— Et alors, Colette chérie, ton oiseau s’envola ?…

— Il s’envola tout d’un coup, et je poussai un grand cri, car cela est très douloureux la première fois…

Mon oncle Gaston fut ainsi mon premier amant. Et ma foi, il en valut bien un autre, et je n’eus qu’à me féliciter par la suite d’avoir accepté ce soir-là ses caresses et ses baisers…

La lampe-veilleuse lentement baisse, et la nuit envahit soudain la chambre.

Jacqueline a écouté le récit de la grande cousine avec beaucoup d’attention, et de temps à autre, elle égare ses mains sur le beau corps nu, en caressant les harmonieuses courbes.

Soudain Colette se lève.

— Écoute bien, ma Jacqueline, il y a un délicieux moyen de nous baiser et caresser ensemble, au lieu de le faire l’une après l’autre comme à l’accoutumée. Tu verras comme c’est ingénieux… J’ai gardé cette dernière leçon pour le jour où tu serais capable d’en apprécier tout le charme, et où tu serais experte en certaines mignardises. L’heure est venue ! Couche-toi là, bien allongée sur le dos…

Et dans l’obscurité profonde, la douce Jacqueline sent sur elle tout le poids de Colette, sa chair ferme et ses cuisses nerveuses ; et sur ses lèvres ce qu’elles aiment…

Cependant qu’elle sent les lèvres de la grande cousine s’insinuer doucement, elles aussi, sur ce qu’elles aiment du corps de Jacqueline…

Ah ! la révélation que cela fut pour la petite châtelaine. Rien encore ne lui avait paru aussi bon, et elle se jura de ne plus procéder autrement pour les caresses et les ébats futurs.

Le sommeil les prit gémissantes et ivres de volupté, et le lendemain à l’aube, quand elles s’éveillèrent, elles étaient encore étroitement enlacées.