De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour/1

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Editions du chat qui pelote (p. 11-29).

I

DE LA FUTUTION


Où il est question de l’acte naturel de l’amour et de ses gestes nombreux et variés en ce qui concerne son accomplissement.

Lecteurs, ne redoutez point les quelques termes latins ; qui en cet ouvrage, pourront se dresser devant vous. Il ne sera même pas utile de porter d’universitaires diplômes pour les comprendre, car ils signifient un acte universel et éternel ; l’acte essentiel de la Nature toujours renouvelée.

Quand vous saurez que la « Mentule » c’est le membre viril, que le « cunnus » est son complément nécessaire, aujourd’hui signifié par le monosyllabe « con » et que le « culus » réduit aussi à un simple monosyllabe qui atteste un signe commun aux deux sexes : vous en saurez assez. Et vous pourrez pénétrer aussi hardiment et avec autant de plaisir dans ce chapitre que dans la femme qui vous plaît.

L’œuvre d’amour peut être réalisée soit par la mentule, soit sans la mentule. Dans le premier cas, le frottement de la mentule, source de toute jouissance, s’opère par le cunnus, le culus, la bouche, la main ou quelque autre cavité du corps. Dans le deuxième cas, le cunus peut être exploré par la langue, par le clitoris ou tout autre objet analogue au membre viril.

Occupons-nous d’abord du baiser qui s’opère par l’introduction de la mentule dans le cunnus. Cette opération se nomme « foutre ». La « futution » a divers modes : l’homme s’étend sur la femme couchée sur le dos et la pénètre ; — la femme s’étend sur l’homme couché qui la pénètre ; — l’homme couché pénètre la femme qui lui tourne le dos ; — l’homme assis pénètre la femme assise sur lui, face à face ; — l’homme assis pénètre la femme assise sur lui et lui tournant le dos ; — l’homme debout ou à genoux pénètre la femme qui lui fait face ; l’homme debout ou à genoux pénètre la femme qui lui tourne le dos. Reprenons une à une ces postures.

Le coït de l’homme étendu sur la femme couchée sur le dos est la forme courante et la mieux conforme à la nature ; un entretien d’ « Aloisia Sigea » le décrit de la manière suivante :

« Pour moi, j’aime par dessus toutes la posture commune du baiser, quand l’homme s’étend sur la femme, poitrine contre poitrine, ventre contre ventre, poils sur poils, forçant de son rigide épieu l’entrée de la fente délicate. Peut-on concevoir, en effet, quelque chose de plus doux que d’être couchée sous son amant ? Le poids de son corps vous foule délicieusement et vous excite sans trêve, avec une flatteuse impatience, aux plus lascives fureurs. Quoi de plus agréable que de repaître ses regards du visage de son amant, d’aspirer ses baisers, ses soupirs, et de se brûler aux flammes de ses yeux mourant de plaisir ? Rien ne peut surpasser la joie de réchauffer son amour dans l’étreinte, au feu d’une passion que l’âge, non plus qu’aucune difformité n’a émoussée. Rien qui puisse flatter davantage les désirs de l’un et de l’autre partenaires, rien qui puisse mieux aider à leur jouissance que les mouvements de ces deux corps qui se renvoient des secousses lascives. Rien de plus opportun pour un être qui expire de volupté, que de sentir sa vigueur renaître grâce à l’action vivifiante de baisers enflammés. Celui qui s’amuse au baiser à rebours ne satisfait que l’un ou l’autre de ses sens ; celui qui combat face contre face les satisfait tous. »

C’est surtout aux belles femmes qu’Ovide, le maître ès-amours, conseille d’adopter cette posture ; « De l’art d’aimer. »

« N’ignorez donc aucun détail, et apprenez les diverses attitudes du corps. La même position ne convient pas à toutes. Êtes-vous d’une beauté indiscutable, étendez-vous sur le dos. »

Cette posture admet d’ailleurs des variantes. Le cavalier peut en effet prendre entre ses cuisses la femme couchée, ou réciproquement ; dans le second cas, il peut encore se faire ou que la femme couchée écarte les jambes, ou bien qu’elle les soulève.

C’est cette attitude, la femme couchée écartant les jambes, que Caviceus demande à Octavia de prendre pour faire l’amour, ainsi que cela est relaté dans un entretien d’ « Aloisia Sigea. »

« Je ne veux pas que tu remues les fesses, ni que tu répondes à mes secousses, je ne veux même pas que tu soulèves les jambes, ni les deux ensemble, ni l’une ni l’autre, lorsque je te chevaucherai. Mais je désire que tu te fendes et que tu ouvres les jambes le plus possible. Tu mettras bien à découvert ta vulve que ma mentule va percer ; et dans cette posture, que tu garderas jusqu’à la fin, tu me laisseras arriver à la jouissance. Compte bien toutes mes secousses, et prends garde de te tromper au nombre. »

Plus loin c’est dans l’attitude où la femme soulève les jambes que Callias place Tullia.

« Lorsque je me serai étendu sur ta chère poitrine, entoure mon corps de tes bras, et que rien ne puisse délier ton embrassement. Puis soulève tes jambes le plus haut que tu pourras, de façon que tes si jolis pieds viennent caresser, talons joints, mes fesses lisses. »

Si l’on veut pénétrer une femme couchée qui a soulevé les jambes, on peut placer sa partenaire autrement que Callias ne le fit de Tullia, et d’une façon peut-être beaucoup plus plaisante, ses pieds relevés et croisés sur les reins du cavalier.

Une épigramme de Sosipater préfère aussi cette position.

« Lorsque j’eus étendu sur le lit Doris aux fesses de rose, en la vigueur de ma jeunesse, je me sentis immortel ; et la belle m’ayant fait une ceinture de ses pieds surélevés, accomplit jusqu’au bout sans fléchir la course de Cypris. »

Donc Doris ne chevauchait pas ; elle était bien couchée sur le dos et des pieds soulevés serrait son cavalier.

Les pieds de la femme étendue peuvent encore être soulevés par un tiers. Ainsi Aloïsius, un des personnages des « Aloisia Sigea », prêta son aide à Tullia pour parfaire le baiser avec Fabricius.

« Voici dit Tulla, qu’accourent Aloisius et Fabricius. « Lève tes jambes », me dit Fabricius, en exhibant son braquemart. Je les soulève ; il se couche sur moi et m’enfonce son membre jusqu’au fond. Aloisius me soulève alors les deux jambes, et glissant ses mains sous mes jarrets, il me secoue les reins sans que j’aie à prendre la moindre peine. Ah ! que cette sorte de mouvement est singulière et plaisante ! Je m’écrie que je brûle ; mais j’avais à peine ouvert la bouche que la liqueur de Vénus m’inondait et éteignait l’incendie. »

C’est aussi les pieds relevés, avec ou sans le secours d’un tiers, que Léda se donna aux médecins avec l’autorisation de son mari, ainsi que le raconte Martial.

« Léda ayant déclaré à son vieux mari qu’elle est hystérique, se lamente en disant qu’il lui est nécessaire d’être baisée. Pleurant et gémissant, elle se refuse à payer de ce prix sa guérison, et jure qu’elle mourra plutôt que d’en passer par là. Mais l’époux la conjure de vivre et de ne pas renoncer à ses belles années ; il lui permet de se faire faire par un autre ce que lui-même ne peut plus faire. Soudain arrivent les médecins et disparaissent les gardes-malades. Elle soulève les cuisses : ô le pénible remède ! »

Même à l’époque d’Aristophane, ces procédés n’étaient pas inconnus :

« Vous pouvez dès maintenant lui lever les jambes en l’air (à Théoria) et consommer le sacrifice. »

« Je commencerai par écarter les jambes de la messagère et je l’enfilerai », dit ce poète dans la « Paix » et les « Oiseaux ».

L’homme peut encore, pour donner le baiser, se pencher sur une femme à moitié couchée ou étendue de biais, soit sur un lit, soit sur un siège, ou même couchée sur le côté.

Ovide recommande aux femmes dont les cuisses ont la fraîcheur de la jeunesse, et dont la gorge est sans défaut de s’étendre dans cette posture sur un lit :

« Vous, dont les cuisses ont la fraîcheur et l’embonpoint de la jeunesse, dont la gorge est sans défaut, étendez-vous toujours obliquement sur le lit. »

Quant au coït de l’homme penché sur une femme étendue obliquement sur un siège, Aloisia en a donné une description suavement fine, à son habitude :

« Caviceus accourt en hâte et plein de joie, m’enlève mon vêtement (c’est Octavie qui parle), et avance effrontément sa main vers mon sexe. Puis il me fait asseoir. Dès que je fus assise, il plaça sous chacun de mes pieds un escabeau de manière que, mes jambes soulevées, la porte du jardin fut grande ouverte à son attaque. Il glisse sa main droite sous mes fesses et me rapproche un peu de lui ; de sa main gauche il soutenait le poids de sa pique. Il se couche alors sur moi, applique le bélier à l’entrée de la porte et fait pénétrer la tête de son membre dans la première commissure, dont il entr’ouvrait les lèvres à mesure avec


ses doigts. Mais là il se trouva arrêté ; et ses efforts furent vains. « Octavie, ma très douce, dit-il, embrasse-moi, élève ta cuisse droite et appuie-la sur mes reins. — Je ne comprends pas ce que vous voulez, lui dis-je. » Lui-même alors soulève ma cuisse droite au-dessus de mes reins, comme il le désirait. Il enfonce enfin sa mentule dans l’antre de Vénus ; il pousse alors, d’un mouvement lent d’abord, mais qui devient de plus en plus rapide ; un dernier effort est si violent que je crus en recevoir la mort. Son membre était roide comme de la corne. Il pénétrait si rudement que je m’écriai qu’il me déchirait. Il s’arrêta un peu. « Tais-toi, mon petit cœur, dit-il, il en est toujours ainsi (la première fois) ; aie du courage pour le supporter ». Il glisse de nouveau sa main sous mes fesses, m’amène à lui, alors que je semblais reculer ; sans retard il reprend ses infatigables secousses qui me font presque tomber en défaillance ; puis d’une attaque rapide, il pousse sa pique, et l’extrémité de sa pointe pénètre jusqu’au fond de moi-même. Je pousse un cri. À l’instant même Caviceus laissa échapper le liquide vénérien, et je me sentis inonder d’une pluie chaude. Au moment où Caviceus commençait à faiblir, il me survint une sorte de démangeaison voluptueuse, comme si j’avais envie de pisser ; je soulevais alors mes fesses et subitement je sentis s’échapper de moi, non sans une grande jouissance, je ne sais quoi qui me chatouillait délicieusement les parties. Mes yeux se ferment, je perds le souffle, j’ai le visage en feu et tout le corps dans un accablement extrême. « Ah ! ah ! ah ! je me meurs, Caviceus, m’écriai-je ; arrête, mon âme est prête à sortir. »

Enfin le coït avec une femme à moitié couchée, appuyée sur le côté droit, Ovide le considère comme le plus simple :

« Le baiser a mille formes ; la plus simple et la moins fatigante est celle dans laquelle la femme reste à demi-penchée sur le côté droit. »

Il conseille surtout aux femmes de longue taille de se faire ainsi chevaucher :

« Qu’elle appuie ses genoux au lit, en inclinant légèrement la tête, la femme dont les flancs sont remarquables par leur longueur. »

Quant à Martial, il indique cette position de chevauchement, à Phyllis, courtisane célèbre.

« Deux amants, dit-il, étaient venus un matin chez Phyllis pour la baiser, et chacun d’eux désirait la prendre toute nue le premier. Phyllis promit de se donner en même temps à tous deux, et elle tint parole. L’un d’eux lui souleva les cuisses, l’autre la tunique. »

Phyllis était donc à moitié couchée, penchée sur le flanc : un de ses amants la baisait en lui soutenant la jambe, l’autre la pédiquait en relevant sa tunique.

Venons maintenant à cette forme du baiser dans laquelle l’homme couché sur le dos pénètre une femme penchée sur lui. Les rôles renversés, la femme joue ici celui de cavalier, l’homme devient la monture. On appelle cette posture « le cheval d’Hector », selon une proverbiale expression du même Martial.

« Les esclaves phrygiens se masturbaient derrière la porte chaque fois que l’épouse se mettait à cheval sur Hector. »

Ovide affirme éloquemment que cette posture ne pouvait et ne devait pas être du goût d’Andromaque, laquelle était très grande ; seules en effet, les femmes de petite taille se font ainsi porter :

« Que la femme de petite taille chevauche son amant ; jamais la Thébaine Andromaque, qui était trop grande, ne chevaucha ainsi son Hector. »

Il ne nous appartient pas de prononcer en cette matière, mais des personnages des « Sigea », adoptent fréquemment cette posture.

« Impatient, Chrysogon lui dit de retirer son vêtement. « Maintenant, dit-il, ma chère Sempronie, mets-toi dans cette posture que j’aime tant. » Il se jette sur le dos, et Sempronie, grimpée sur lui, lui faisant face, écarte ses cuisses, entre lesquelles elle enfonce elle-même le dard brûlant de Chrysogon. »

C’est la même attitude que, dans une satire d’Horace un esclave réclame de sa petite putain « qui à la clarté d’une lanterne, chevauche en agitant lascivement les fesses, le coursier renversé sur le dos. »

Quant à la matrone qui, dans la même satire (vers 64) « ne commet pas le péché en se mettant dessus », cette attitude ne lui sourit pas : chacune a son attitude préférée.

Elle ne semblait pas plaire non plus beaucoup à cette femme à qui Xanthias commandait de « chevaucher », dans les « Guèpes », d’Aristophane : indignée en effet, elle demande, jouant sur les mots, s’il veut rétablir la tyrannie d’Hippias :

« Irritée, elle me demanda si je voulais rétablir la tyrannie d’Hippias. »

Et pour cette même raison l’éplucheur d’obscénités proclame dans « Lysistrata » que le genre féminin est très disposé à l’équitation et aux courses en char :

« La femme aime beaucoup le cheval et se tient bien en selle. »

La même posture charmait la Plangon d’Asclépiade, dont Brunck dans ses « Analecta » nous dit qu’il « vainquit à la course l’ardente Philénis, ses coursiers d’Hespérie rongeant encore leur frein. »

Chevauchant dans l’arène de Vénus, Plangon surpassait Philénis même dans l’art d’inventer des postures ; aussi cette merveilleuse artiste ès-voluptés rend-elle grâces à Vénus, dans cette épigramme, d’avoir récemment si bien fait son service avec quelques jeunes gens d’Hespérie qu’elle avait couchés sur le dos pour les chevaucher, que, leurs lascives mentules éreintées, ils l’avaient quittée incapables de tout désir.

C’était aussi la coutume de Lysidica d’exercer sur des hommes couchés ; elle était du reste tout aussi peu facile à lasser dans l’arène de Vénus ; Asclépiade en effet, dit dans l’épigramme suivante que « souvent elle a lutté contre des adversaires couchés sur le dos, sans jamais écorcher dans l’action sa cuisse agile. »

Et si ces femmes consacrent à Vénus un fouet, des rênes, des éperons, c’est pour rappeler cette posture qu’elles préfèrent dans le coït, et où elles chevauchaient au lieu d’être chevauchées.

Ne terminons pas sur ce sujet, sans indiquer que c’est par un moyen analogue que Fotis assouvit son cher Lucien par les jouissances d’un baiser onduleux, ainsi qu’on peut sans peine en conclure, en lisant ces quelques lignes des « Métamorphoses » d’Apulée :

« En disant ces mots, elle monta sur la couchette, s’accroupit sur moi, et par des secousses répétées, des mouvements lubriques elle agita si bien ses reins élastiques qu’elle me fit goûter la saveur du baiser onduleur ; tant qu’enfin, la tête vide, les membres mous, accablés de lassitude, nous nous laissâmes aller haletants dans les bras l’un de l’autre. »

La posture suivante, celle d’un homme couché sur le dos et pénétrant une femme qui lui tourne le dos, Rangonius l’a réalisée avec Octavie sous la direction de Tullia ; voici du reste, sur ce point, leur entretien tel qu’il est relaté dans les « Sigéa » :

« Rangonius. — Vois comme je bande. Mais je veux aller au but par un nouveau chemin.

Tullia. — Par un nouveau chemin, dis-tu ? Non, je te jure, quelle que soit mon envie du baiser, tu n’iras point par un nouveau chemin.

Rangonius. — Ma langue a fourché ; je voulais dire une nouvelle posture.

Tullia. — Laquelle ? L’idée me vient d’une, qu’on appelle « le cheval d’Hector ». Couche-toi tout de ton long, Rangonius, et que ta pique foudroyante se jette bien roide au devant de l’ennemi pour le transpercer. Bien.

Octavie. — Que dois-je faire, moi, Tullia ?

Tullia. — Debout, tourne le dos à Rangonius, enferme-le entre tes cuisses de façon que sa lance soit juste à l’entrée de ton fourreau. C’est cela même, tu es bien placée.

Rangonius. — Ô le dos digne de Vénus ! Ô les reins d’ivoire ! Ô les fesses brûlantes !

Tullia. — Assez d’outrages. C’est insulter au cunnus que d’encenser les fesses de louanges. Ah ! tu es sage, Octavie. Tiens, Rangonius, son cunnus gourmand a englouti ta rude mentule.

Octavie. — À moi, Rangonius, à mon secours, viens, viens…

Rangonius. — Voilà, Octavie, voilà… À toi, à toi…

Tullia. — Eh quoi ! si vite vous vous mourez tous deux ? »

Il semble bien aussi qu’on peut interpréter dans le sens de la même posture les sacrifices pygiaques qu’Eumolpe invite une jeune fille à célébrer et dont nous parle Pétrone, en un chapitre du « Satyricon : »

« Sans retard Eumolpe invita la jeune fille à célébrer les mystères pygiaques (de Vénus Callipyge). Il la pria de venir s’asseoir sur cette bienveillance qu’on venait de lui recommander (c’est-à-dire sur lui, à la générosité de qui la mère avait recommandé sa fille) ; puis il ordonne à Corax de se glisser sous le lit où lui-même est couché et d’appuyer les mains sur le parquet pour secouer son maître avec ses reins. Sur son ordre il va doucement, et grâce à lui Eumolpe répond par des mouvements égaux à ceux de l’habile enfant. Au moment où l’exercice touche à sa fin, Eumolpe dit à haute voix à Corax de presser la cadence ; et le vieillard ainsi balancé entre son esclave et sa maîtresse semblait jouer à l’escarpolette. »

Quoi d’étonnant si, dans ces mystères pygiaques, il arriva à la mentule d’Eumolpe de commettre quelque solécisme, en prenant une fente pour l’autre ?

Cette attitude est du goût de beaucoup de gens et les dames mêmes y trouvent plus de plaisir. On prétend que Priape va plus au fond, et que la belle, par ses mouvements, se procure une volupté plus vive et une libation plus abondante.

Une femme couchée peut-elle être pénétrée par un cavalier lui tournant le dos ? De plus habiles en décideront. C’est à raison qu’Aloisia le dit :

« Il y a beaucoup d’attitudes qu’on ne saurait réaliser, les membres et les reins de ceux qui s’accouplent pour les mystères du baiser fussent-ils élastiques au-delà de ce qu’on peut imaginer. Certainement il vient à la pensée beaucoup plus d’attitudes qu’on n’est capable d’en exécuter. Comme rien n’arrête les désirs de sens ardents, rien non plus n’est difficile à une imagination lubrique. Elle se glisse où elle veut, par tout chemin qu’elle essaie ; au milieu même des rochers inaccessibles elle découvre une plaine. Le corps qui n’a pas les mêmes privilèges ne peut réaliser toutes les inventions, bonnes ou mauvaises, de l’esprit. »

Il est aussi des plus fréquents, le coït d’un homme debout avec une femme lui faisant face. D’abord il est facile à réaliser en quelque endroit que ce soit ; il suffit que la femme relève ses vêtements, que l’homme tire son membre. D’autre part, il est des mieux appropriés aux exigences de ceux qui doivent profiter en hâte d’une occasion qui s’offre, et surtout lorsqu’il importe d’aller vite, comme il arrive souvent dans les plaisirs dérobés. C’était la posture qu’adoptaient les voisines, au prurit insatiable, dont Priape blâme le dévergondage en sa « Priapée XXV : »

« Coupez-moi le membre génital que toutes les nuits me fatiguent des voisines en rut insatiable, plus dévergondées que des moineaux aux printemps, ou bien je crève. »

J’ai souvenir d’un très illustre médecin, mon contemporain — j’ai failli dire son nom, — lequel, pour convaincre de sa véracité, faisait venir sa fille rougissante et, la montrant du doigt à ses auditeurs souriants, disait : « Je l’ai faite debout. »

Un homme debout peut encore coïter avec une femme lui faisant face et qu’il soulève, soit qu’il supporte tout le poids de son corps en croisant les jambes de la femme sur ses reins, soit qu’il soulève seulement la partie inférieure de son corps, laissant la partie supérieure étendue sur un lit. C’est l’une ou l’autre de ces postures qui dut être offerte en spectacle à Ovide, qui en parle ainsi dans l’« Art d’aimer : »

« Milanion portait sur ses épaules les jambes d’Atalante. Si vous avez des jambes agréables à voir, acceptez la même posture. »

C’est certainement la première de ces attitudes qu’a décrite Aloisia Sigéa, doctoresse ès-libertinages, avec tant de vivacité d’esprit et d’élégance, que sa description ne laisse rien à désirer ;

« Turrianus survint aussitôt. J’avais quitté le lit (c’est Tullia qui parle) ; j’étais nue, il avait la lance en arrêt. Sans perdre une minute, il saisit mes seins de ses deux mains, et brandissant entre mes cuisses son dard chaud et roide : « Vois, dit-il, ma chérie, comme ce trait s’élance vers toi, pour te donner non pas la mort, mais toutes les voluptés possibles. Je t’en prie, conduis toi-même ma mentule aveugle dans cette voie sombre, pour qu’elle ne se trompe pas de but ; car je me garderai de priver mes mains de la jouissance qu’elles éprouvent. » Je fais ce qu’il veut ; j’introduis le trait brûlant dans l’ouverture non moins brûlante. Il le sent, il pousse, me pénètre. À l’instant, et après une ou deux secousses, je suis envahie d’un chatouillement incroyable, à tel point que je faillis plier les genoux de défaillance. « Arrête, dis-je, mon âme s’envole. — Je sais par où elle sort, réplique-t-il en souriant. Tu penses qu’elle pourrait s’évader par cette petite fente que j’occupe, mais la voilà fermée et bien fermée. » En disant ces mots, il retenait en quelque sorte son souffle le plus possible, pour accroître le volume de sa mentule enflée. « Je vais repousser dans ton corps ton âme fugitive », ajouta-t-il, et il m’imprimait les secousses les plus violentes. Le membre pénétra plus profondément en moi. À nouveau il multiplia ses aimables poussées, il précipita ses fureurs voluptueuses avec une telle violence et dans un effort si lubrique que, à défaut de son corps même, il faisait passer en moi tous ses désirs, ses envies, sa luxure et jusqu’à ses pensées et son esprit en démence. Dès qu’il sentit enfin venir, comme dans le délire, la semence bouillonnante, il mit ses mains sur mes fesses qu’il souleva en l’air. Pour moi je resserre mon étreinte autour de son corps en fureur, alternativement je pèse de mes jambes et de mes cuisses sur ses cuisses et ses fesses, si bien que j’étais attachée à son cou, comme lancée au-dessus du sol. J’étais suspendue en l’air, comme si j’eusse été attachée à un clou. Mais il s’attarde, il traîne en longueur, et voilà qu’une seconde fois je sens venir l’ardente jouissance du baiser, je ne peux m’empêcher de crier, dans le transport d’un violent spasme d’amour : « Je sens, oh ! je sens toutes les délices que Junon dut éprouver lorsqu’elle fut chevauchée par Jupiter, je suis ravie au ciel. » Au même moment, Turrianus, que la passion agitait des plus violentes fureurs, arrosa mes parties génitales d’un ruisseau brûlant de semence débordante. Le lierre n’est certainement pas aussi solidement enroulé à un arbre que j’étais attachée à Turrianus par l’entrelacement des bras et des cuisses. »

Quant à la dernière forme de la même posture, celle que peut prendre, comme nous l’avons dit, un homme debout pénétrant une femme qu’il soulève, Conrad l’a réalisée avec Tullia, non sans quelques légères modifications et la description s’en trouve encore dans un entretien des « Sigéa » :

« Il m’entr’ouvrit les cuisses (c’est Tullia qui parle). Conrad ne me déplaisait pas, mais il ne me plaisait pas beaucoup non plus ; je ne lui ai rien refusé, mais je ne lui ai rien donné. Il essaie donc une nouvelle posture, qui ne manquait pas de sel. Il me jette sur le lit, me prend la cuisse droite et la met sur son épaule gauche, puis il me pénètre. J’attendais sans désirs. Il avait glissé sa cuisse droite le long de ma cuisse gauche. Ayant enfin poussé sa lance jusqu’au fond, il pressa, il secoua, il se tourmenta. À quoi bon en dire davantage ? »

Un homme debout peut pénétrer une femme qui lui tourne le dos, à la façon des animaux à quatre pattes, chez lesquels d’habitude, pour le coït, le mâle grimpe sur le dos de la femelle. Il est des gens qui croient que les femmes besognées ainsi par derrière sont mieux fécondées ; Lucrèce en parle ainsi :

« On croit généralement que les femmes s’engrossent plus souvent en adoptant l’habitude des animaux, l’attitude des quadrupèdes ; car la poitrine étant étendue et les reins exhaussés, les canaux pompent plus aisément la sève. »

Pline, dans son « Histoire Naturelle », n’a pas dédaigné de traiter doctement ce sujet.

Même opinion dans les « Sigéa » :

« Il y en a qui disent que la posture indiquée par la nature est de chevaucher la femme à la manière des quadrupèdes, en la faisant mettre à quatre pattes et les reins projetés en arrière ; à leur avis, dans cette situation, la charrue virile pénètre bien plus avant dans le champ féminin et la semence coule mieux dans les parties génitales. Mais les médecins interdisent à la femme cette posture penchée qui est contraire à la nature et défavorable, affirment-ils, à la conformation des parties génératrices. »

Quoi qu’il en soit, il arrive souvent que des femmes ne peuvent être pénétrées autrement que par derrière. De quelle autre façon, en effet, un homme obèse pourrait-il aller au but, s’il trouvait en face de lui un autre ventre obèse ou celui d’une femme enceinte ? C’est pour cela qu’Auguste, dit-on, après avoir enlevé Livie Drusille à Tibère Néron dont elle était grosse de six mois, la chevauchait à la façon des animaux. Un texte ancien qui commente « les Monuments de la vie privée des douze Césars », décrit d’une façon élégante cet impérial accouplement.

« Cette Drusille, dit-il, est la fameuse Livie, femme de Tibère Néron, qui avait été un des amis d’Antoine : Auguste en devint passionnément amoureux, et Tibère la lui céda quoiqu’elle fut grosse de six mois. L’on plaisanta beaucoup sur cet empressement de l’empereur, et un jour qu’ils étaient tous à table, et que Livie était couchée près d’Auguste, un de ces enfants nus, que les matrones élevaient pour servir à leurs plaisirs, s’approchant de Livie : « Que faites-vous là, maîtresse, dit-il ? Votre mari (montrant Néron), le voilà. » Livie accoucha peu de temps après, et l’on disait publiquement à Rome que les gens heureux avaient des enfants après trois mois de mariage, ce qui passa même en proverbe. Un historien dit qu’Auguste fut obligé de caresser sa femme « more pecudum » (à la mode des bêtes) à cause de sa grossesse ; et c’est à cette luxurieuse attitude que fait allusion le camée d’Apollonius, graveur célèbre du temps d’Auguste. L’état où était Livie peut, il est vrai, avoir rendu cette posture nécessaire, mais il paraît qu’elle était en tout temps du goût des anciens, soit qu’ils crussent, ainsi que l’indique Lucrèce, que cette attitude était favorable à la génération, soit plutôt qu’ils la préférassent par un raffinement de volupté. Les postures les plus recherchées, les moins naturelles souvent, ont paru en tout temps à quelques débauchés augmenter le plaisir de la jouissance. Mais il faut convenir que l’imagination va encore au-delà de la possibilité réelle. »

L’esprit subtil d’Aloisia s’est avisé de découvrir un motif étrange à la nécessité de pénétrer la femme par derrière.

« Les hommes estiment surtout un cunnus qui n’est pas complètement caché entre les jambes, mais est éloigné du nombril de neuf ou dix pouces. Chez la plupart des jeunes filles, le pubis descend si bas qu’il semble être le chemin du baiser à rebours. Avec les femmes ainsi conformées le coït est difficile. Théodora Aspilcueta ne put être dépucelée qu’en se mettant à plat ventre, et en relevant les genoux jusque sur les reins. En vain son mari avait peiné sur elle après l’avoir fait coucher sur le dos ; il avait perdu son temps. »

Ovide recommande aux femmes dont les rides ont commencé à sillonner le corps d’exercer de préférence le baiser à rebours :

« Quant à toi, dont les travaux répétés de Lucine ont sillonné les flancs de rides, fais comme le Parthe agile, tourne le dos à l’amant qui te chevauche. »

Mais en dehors de la nécessité, il est de fait qu’on pénètre souvent les femmes à rebours par simple raffinement, le véritable plaisir consistant à varier les jouissances. Ce n’est pas pour un autre motif que Tullia subit le baiser de Fabricius en lui tournant le dos ;

« Aloisius se retira (c’est Tullia qui parle), et Fabricius se mit à même de soutenir un nouveau combat. Sa mentule rubiconde était enflée de façon menaçante : « Je t’en prie, me dit-il, tourne-toi. » Je me tourne comme il le voulait. Dès qu’il eut vu mes fesses, dont la blancheur eût fait honte à l’ivoire et à la neige, il s’écria : Ô que de beautés ! Mets-toi sur les genoux, et courbe la partie supérieure du corps. » Je courbe la tête et la poitrine, je relève les fesses. Il lance alors au fond de ma vulve son dard ailé et bouillant. Il manie mes tétons de ses deux mains, puis il commence à s’agiter tant et si bien qu’au bout d’un instant je sens couler dans la douce fente de Vénus le divin baume, et je suis enivrée de voluptés merveilleuses. La jouissance était si grande que je manquai défaillir. La quantité de semence secrétée par les reins de Fabricius et dont il m’emplit me chatouilla tellement que de mon côté je fis une copieuse décharge qui m’épuisa complètement. En ce baiser j’ai perdu plus de forces que dans les trois autres qui le précédèrent. »

Voici encore un autre moyen, et point banal, d’effectuer ce baiser à rebours ; on le représente ainsi dans les « Monuments du Culte secret des dames romaines : la femme a les mains posées à terre, la partie inférieure de son corps est soulevée au moyen d’une corde ; dans cette position elle est pénétrée par un homme debout derrière elle. Et elle semble bien avoir adopté une posture du même genre, la femme du forgeron dont parle Apulée en ses « Métamorphoses ».

« Appuyée sur un tonneau elle se faisait tranquillement raboter par son amant, qui se penchait sur elle. »