À cette côte anglaise
J’ai donc fait mes adieux,
Et sa blanche falaise
S’efface au bord des cieux !
Que la mer me sourie !
Plaise aux dieux que je sois
Bientôt dans ta patrie,
Ô grand maître anversois !
Rubens ! à toi je songe,
Seul peut-être et pensif
Sur cette mer où plonge
Notre fumeux esquif.
Histoire et poésie,
Tout me vient à travers
Ma mémoire saisie
Des merveilles d’Anvers.
Cette mer qui sommeille
Est belle comme aux jours
Où, riante et vermeille,
Tu la peuplais d’Amours.
Ainsi ton seul génie,
Froid aux réalités,
De la mer d’Ionie
Lui prêtait les clartés,
Lorsque la nef dorée
Amenait autrefois
Cette reine adorée
Qui s’unit aux Valois,
Fleur de la renaissance,
Honneur de ses palais, —
Qu’attendait hors de France
Le coupe-tête anglais !
Mais alors sa fortune
Bravait tous les complots,
Et la cour de Neptune
La suivait sur les flots.
Tes grasses Néréides
Et tes Tritons pansus
S’accoudaient tout humides
Sur les dauphins bossus.
L’Océan qui moutonne
Roulait dans ses flots verts
La gigantesque tonne
Du Silène d’Anvers,
Pour ta Flandre honorée,
Son nourrisson divin
À sa boisson ambrée
Donna l’ardeur du vin ! —
Des cieux tu fis descendre
Vers ce peuple enivré,
Comme aux fêtes de Flandre,
L’Olympe en char doré.
Joie, amour et délire,
Hélas ! trop expiés !
Les rois sur le navire
Et les dieux à leurs pieds ! —
Adieu, splendeur finie
D’un siècle solennel !
Mais toi seul, ô génie !
Tu restes éternel.
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