De l'amour des femmes pour les sots/04

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IV

L’amour, a-t-on dit, est un voyage dont le point de départ est le sentiment, et le terme inévitable la sensation. Si cela est vrai, il s’agit d’embellir la route et d’arriver le plus tard possible. Or, qui mieux que l’homme d’esprit sait babiller sur le bord du chemin, s’arrêter à cueillir les fleurs, s’asseoir sous de frais ombrages, susciter des aventures, faire des détours ? Une boucle de cheveux mal arrangée, un salut rendu avec moins d’empressement que d’habitude, un son de voix discordant, un mot mal choisi, tout lui est prétexte pour ralentir la marche et prolonger les plaisirs de la traversée. Mais combien de femmes apprécient ces chastes manèges, et comprennent le charme de ces haltes au bord d’une eau vive qui reflète le ciel ? II leur faut de l’amour, de quelque nature qu’il puisse être, et celui que le sot leur offre leur suffit, si ennuyeux qu’il soit.