De l'amour des femmes pour les sots/10

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Enfin, l’homme d’esprit, en vertu de ce qu’il est, inspire aux femmes une répulsion secrète. Sa timidité les étonne, sa délicatesse les embarrasse, sa distinction les humilie. Quoi qu’il fasse pour descendre jusqu’à elles, il ne réussit pas à les mettre à leur aise ; il Les choque, il les gêne ; et cette contrainte, dont à son insu il est la cause, jette du froid dans les conversations les plus indifférentes, éloigne la familiarité et effarouche l’inclination prête à naître.

Mais le sot ne déconcerte ni n’offusque les femmes. Dès la première entrevue, il les rassure, et il fraternise avec elles. Il s’élève sans gaucherie jusqu’à leurs entretiens les plus fades ; il jase comme elles, il minaude comme elles. Il leur sourit et elles lui sourient. Il les comprend et elles le comprennent. Loin de se sentir déplacées dans sa compagnie, elles la recherchent, parce qu’elles y brillent. Elles peuvent, devant lui, aborder tous les sujets et causer de toutes choses, innocemment, sans conséquence. Dans la persuasion qu’il ne pense ni mieux ni autrement qu’elles, elles viennent à son secours quand une idée lui manque : elles suppléent à sa disette. Comme elles se font valoir par lui, il est juste qu’elles le dédommagent, et elles consentent à tout écouter de lui. Elles lui livrent ainsi leur oreille, qui est le chemin de leur cœur, et un beau jour elles sont tout ébahies de s’être donné, dans l’ami complaisant, un maître impérieux.