De l’Église gallicane dans son rapport avec le souverain pontife/Préface

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H. Goemaere (Œuvres de Joseph de Maistre, IVp. 81-82).



PRÉFACE.


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L’ouvrage qui suit formait primitivement le Ve livre d’un autre ouvrage intitulé Du Pape. L’Auteur a cru devoir détacher cette dernière partie des quatre livres précédents, pour en former un opuscule à part. Il n’ignore point au reste le danger d’une publication qui choquera infailliblement de grands préjugés ; mais c’est de quoi il avoue s’inquiéter assez peu. On en pensera, on en dira ce qu’on voudra : sûr de ses intentions, il ne s’occupe que de l’avenir. Celui-là serait bien aveugle et bien ridicule qui se flatterait d’échapper aux contradictions en attaquant de front des préjugés de corps ou de nation.

L’Auteur a dit au clergé de France : « On a besoin de vous pour ce qui se prépare. » Jamais on ne lui adressa de compliment plus flatteur : c’est à lui d’y réfléchir.

Mais, comme c’est une loi générale que l’homme n’arrive à rien de grand sans peines et sans sacrifices, et comme cette loi se déploie surtout dans le cercle religieux avec une magnifique sévérité, le sacerdoce français ne doit pas se flatter d’être mis à la tête de l’œuvre qui s’avance, sans qu’il lui en coûte rien. Le sacrifice de certains préjugés favoris, sucés avec le lait et devenus nature, est difficile sans doute et même douloureux ; cependant il n’y a pas à balancer : une grande récompense appelle un grand courage.

Quand même il arriverait à l’Auteur de traiter sans gêne, dans le cours de son ouvrage, des autorités qu’on respecte ailleurs à l’égal des oracles, il est persuadé qu’on lui pardonnerait sa franchise, l’innocente logique ne devant offenser personne.

Il n’y a d’ailleurs rien de si reconnaissable, pour toute oreille juste, que la voix amie ; et tout porte à croire que, dans cette occasion, personne ne s’y méprendra : s’il en arrivait autrement, la justice qu’on doit rendre à l’Auteur ne serait cependant qu’ajournée, et dans cette ferme persuasion il se croirait à peine obligé d’ajourner sa reconnaissance.

Quelques raisons, relatives à sa situation actuelle, l’engagent à faire remarquer que cet ouvrage, comme celui dont il est détaché, fut écrit en 1817, à cinq cents lieues de Paris et de Turin. Il est possible cependant, à ce qu’il croit, qu’on y rencontre quelques citations ajoutées postérieurement, mais qui commencent elles-mêmes à vieillir. Puisse le sujet du livre vieillir aussi à sa manière, et ne rappeler incessamment qu’une de ces misères humaines qui n’appartiennent plus qu’à l’Histoire ancienne.

Août 1820.