De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/03
Qu’il faut écouter la parole de Dieu avec humilité, & que plusieurs n’y font guéres de réflexion.
Mon fils, écoutez attentivement mes paroles, qui sont pleines de douceur, & qui valent mieux sans comparaison, que toute la science des Philosophes & des Sages de ce monde.
Mes paroles sont esprit & vie[1] ; & il n’en faut pas juger selon la raison humaine.
On n’y doit point rechercher une vaine satisfaction : mais on doit les écouter en silence, & les recevoir avec beaucoup d’affection & d’humilité.
Seigneur, j’ai dit en moi-même : Heureux est celui que vous instruisez, & à qui vous enseignez vôtre Loi, afin qu’avec vôtre grace il supporte doucement les miseres de cette vie[2] & qu’il n’en soit pas accablé.
C’est moi, répond le Seigneur, qui dès le commencement ai inspiré les Prophétes, & qui jusqu’ici n’ai point cessé de parler à tout le monde : mais plusieurs se rendent sourds à ma voix.
Ils écoutent plus volontiers le monde que Dieu, & paroissent beaucoup plus ardens à satisfaire leur sensualité, qu’à faire la volonté du Seigneur.
Le monde promet des biens fort petits, & de fort peu de durée : j’en promets de grands & d’éternels ; & cependant on s’empresse à le servir ; & on n’a pour moi que de la froideur.
Qui est ce qui fait paroître autant de zéle pour mon service, qu’on a d’affection & d’attachement pour les Grands du monde ?
Sidon, rougissez de honte, dit la mer ; & si vous en demandez le sujet, le voici.
Pour un petit benefice on entreprend de long voyages ; & pour la vie eternelle, à peine veut-on faire un pas.
On court après une apparence de gain ; une bagatelle est le sujet d’un long procès pour une chose de rien, pour un leger interêt, on ne craint point de suer jour & nuit.
Mais avoüez à vôtre confusion, qu’il n’y a point de travail, pour leger qu’il soit, que vous ne trouviez insupportables, lorsqu’il s’agit d’acquerir un bien qui ne change point, une couronne qui n’a point de prix, une gloire qui dure éternellement.
Rougissez donc, serviteur lache & paresseux ; rougissez de voir des gens plus empressez à se perdre, que vous ne l’êtes à vous rendre heureux ; plus passionnez pour la vanité, que vous ne l’êtes pour la verité.
Cependant ils n’obtiennent pas toujours ce qu’ils souhaitent : leurs esperances sont souvent trompées : mais ma parole ne trompe personne ; & quiconque espere en moi, n’est jamais frustré de son attente.
Ce que j’ai promis, je le donnerai ; ce que j’ai dit, je l’accomplirai ; si toutefois on est constant à m’aimer jusques à la fin.
Je recompense liberalement tous les Justes, mais ce n’est qu’après de rudes épreuves.
Gravez mes paroles au milieu de vôtre cœur, & meditez-les attentivement : car dans le fort de la tentation, elles vous seront d’un grand secours.
Ce que vous n’entendez pas en le lisant vous le comprendrez dans le tems de ma visite.
J’ai accoutumné de visiter mes Elûs en deux manieres ; par l’affliction, & par la consolation.
Je les instruits pareillement tous les jours en deux manieres ; en les reprenant de leurs vices, & en les exhortant à profiter en vertu.
Celui qui sçait mes Commandemens, & qui les méprise, a un Juge qui le punira severement au dernier jour[3].
O mon Seigneur & mon Dieu, ô tout mon trésor, qui suis-je pour oser paroître devant vous, & pour vous parler ? je suis le plus pauvre de vos serviteurs, un ver de terre plûtôt qu’un homme, beaucoup plus abjet & plus méprisable que je ne puis dire, ni penser.
Ne m’oubliez pas cependant : considerez que de moi-même je ne suis rien, que je n’ai rien, que je ne puis rien.
Vous seul êtes bon & juste. Vous pouvez tout, vous faites tout ; vous remplissez tout ; & il n’y a que les pecheurs qui soient privez de dons.
Souvenez-vous de vos misericordes[4], & comblez-moi de vos graces, vous qui ne souffrez rien de vuide en ce monde, & qui voulez qu’il ne manque rien en vos ouvrages.
Comment puis-je subsister en cette miserable vie, si vôtre misericorde & vôtre grace ne me soûtiennent ?
Ne détournez pas vôtre visage de moi ; ne differez pas à me visiter, ne me laissez pas sans consolation de peur que mon ame ne soit devant vous aussi aride qu’une terre qui n’a point d’eau[5].
Montrez moi, Seigneur, à faire vôtre volonté[6] ; apprenez-moi à marcher en vôtre presence, avec respect & avec humilité. Car vous êtes ma lumiere : vous me connoissez tel que je suis : vous m’avez connu avant que je fusse au monde, & avant la création même du monde.