De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/13

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 155-157).


CHAPITRE XIII.
Comment on doit pratiquer l’obéissance, à l’exemple de Jesus-Christ.
Le Maistre.

Mon fils, c’est vouloir perdre la grace que de se soustraire de l’obéissance : & quiconque veut avoir des choses particulieres, se prive des avantages communs.

Celui qui resiste à son Superieur, montre que sa chair n’est pas bien soümise à l’esprit ; mais qu’elle tâche à secouer le joug, & qu’elle veut commander.

Apprenez donc à obéir promptement à vôtre Superieur, si vous desirez n’être pas esclave de vôtre chair.

Car l’homme interieur étant bien reglé, il est facile de se défendre des ennemis de dehors.

Vous n’avez point d’ennemi plus à craindre que vous-même, lorsque vôtre chair ne s’accorde pas avec l’esprit.

Il faut vous résoudre à vous mépriser & à vous humilier, si vous êtes résolu de vaincre la chair & le sang.

L’amour déreglé que vous avez pour vous-même, est cause que vous ne pouvez vous assujettir à la volonté d’autrui.

Mais ne vous imaginez pas faire beaucoup, vous qui n’êtes que poussiére, & qu’un vrai néant, lorsque vous obéissez à un homme pour l’amour de moi ; puisque pour l’amour de vous j’ai bien voulu obéir à tant de personnes, moi qui suis le Tout-puissant, & le Très-haut, moi qui de rien ai fait toutes choses.

Apprenez donc, terre & cendre, apprenez à ceder aux autres, à mortifier vôtre propre volonté, & à vous soûmettre à tout.

Concevez une juste indignation contre vous-même, & ne souffrez pas que la vaine gloire vous domine, abbaissez vous tellement, qu’on puisse vous fouler aux pieds, comme on fait la bouë dans les ruës. O homme de rien, quel sujet pouvez-vous avoir de vous plaindre ?

O abominable pecheur, qui avez tant de fois offense Dieu, tant de fois mérité l’enfer, qu’avez-vous à dire contre ceux qui vous reprochent vos désordres ?

Après tout, j’ai eu compassion de vous, & je vous ai pardonné : j’ai voulu vous faire voir combien je vous aime, combien vôtre ame m’est chere, combien je desire vôtre salut : j’ai voulu vous obliger à reconnoître toûjours mes bienfaits, à aimer l’obéissance & l’humilité, à supporter avec patience l’abbaissement & le mépris.