De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/43

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 227-230).


CHAPITRE XLIII.
Contre la science vaine & profane.
Le Maistre.

MOn fils, ne faites pas grand état des discours polis & étudiez : car ce n’est pas sur les paroles, mais sur la vertu du Saint-Esprit que le Royaume de Dieu est fondé.

Ecoutez attentivement ma parole, qui est la seule qui peut échauffer le cœur & éclairer l’esprit, donner de componction aux pecheurs, & de la consolation aux affligez.

Ne vous appliquez jamais à la lecture, dans le seul dessein de passer pour docte.

Attachez-vous à mortifier vos appetits déreglez : car cela vous servira beaucoup davantage, que ne pourroit faire la connoissance de plusieurs questions difficiles.

Quand vous aurez lû bien des livres, & employé bien des années à l’étude, il en faudra toûjours revenir à ce principe, qu’il n’y a que moi qui donne la science[1] aux hommes.

C’est moi en effet qui instruit les humbles[2] de toutes les choses qu’ils doivent sçavoir ; je leur en apprends plus moi seul que tous les Docteurs leur en sçauroient apprendre.

Ceux à qui je parle, deviendront bien-tôt sçavans, & feront de grands progrès dans la perfection.

Malheur à ceux qui ne cherchent qu’à satisfaire leur curiosité, qui ne pensent presque point aux moyens de me servir !

Il viendra un jour, auquel le Seigneur des Anges, le Maître des Maîtres Jesus-Christ descendra du Ciel, pour examiner les consciences, & pour voir combien chacun aura profité dans la science du salut. Alors, la lampe à la main, il visitera tous les recoins de Jerusalem[3] ; il découvrira ce qui est de plus caché, & les les choses étant éclaircies, il fera cesser toutes les disputes[4].

C’est moi qui en un instant communique aux ames humbles plus de lumieres sur les veritez éternelles, qu’elles n’en pourroient acquerir dans les écoles, durant dix années.

J’enseigne sans aucun bruit de paroles, sans aucune diversité d’opinions, sans disputer, & sans faire paroître de faste & d’orgüeil.

J’apprens à ceux qui m’écoutent, à fouler aux pieds les choses de la terre, à mépriser les biens passagers, à rechercher & à goûter les biens éternels, à fuïr les honneurs, à ne point suivre les mauvais exemples, à esperer en moi seul, à ne souhaiter rien hors de moi, à m’aimer sincerement & pardessus toutes choses.

Il y a des ames, qui brûlant d’amour pour moi, ont été fort éclairées dans les choses spirituelles, & en ont parlé admirablement.

Elles ont plus profité, en quittant tout pour l’amour de moi, qu’elles n’eussent fait en étudiant & examinant à fond des questions curieuses.

Je n’enseigne cependant à quelques uns que des choses fort comnunes ; j’en apprends à d’autres de particulieres.

J’instruis de certaines gens peu à peu, par des symboles, & par des figures ; mais il y a à qui je fais voir clairement & dans un grand jour les plus sublimes mysteres.

Les Livres parlent à tous également : mais ils ne font pas dans tous la même impression, parce qu’il n’y a que moi qui imprime les veritez dans l’esprit, qui penetre les pensées, qui entre jusques dans le cœur, qui excite aux bonnes œuvres, qui distribuë les talens & les graces, selon qu’il me plaît.

  1. Psal. 91. 10.
  2. Psal. 118. 130.
  3. Soph. 1. 12.
  4. 1 Corinth. 4. 5.