De la Génération et de la Corruption/Livre I/Chapitre II

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CHAPITRE II

Insuffisance de la théorie de Platon ; retour sur la théorie de Démocrite et de Leucippe. — Théorie nouvelle sur la production et l’altération des choses ; méthode à suivre ; importance de la question des atomes ; opinion de Démocrite et de Leucippe ; opinion du Timée ; erreur des uns et des autres. C’est surtout à l’observation des faits qu’on doit s’appliquer ; mérite de Démocrite à cet égard. Idées de la divisibilité des choses ; on peut la supposer infinie. Difficultés de cette théorie ; difficultés non moins grandes de la théorie des atomes ; réfutation de cette théorie. Idée générale qu’Il faut se faire de la production des choses.

§ 1.[1] Platon n’a donc étudié la production et la destruction qu’en considérant la manière dont elles sont dans les choses, et encore n’a-t-il pas étudié la production dans toute sa généralité, mais seulement celle des éléments. Il n’a rien dit sur la formation de tous les corps du genre de la chair, des os et autres corps analogues ; il n’a pas parlé non plus, ni de l’altération ni de l’accroissement, et il n’a pas montré comment il les conçoit dans les êtres.

§ 2.[2] Du reste, on peut affirmer que personne, si l’on en excepte Démocrite, n’a parlé d’aucun de ces sujets autrement que d’une façon toute superficielle. Quant à lui, il semble bien avoir songé à toutes les questions ; mais il diffère de nous en expliquant la manière dont les choses se passent. Personne, comme nous venons de le dire, n’a pensé à expliquer l’accroissement, si ce n’est peut-être dans le sens où tout le monde comprend ce phénomène, c’est-à-dire en disant que les corps s’accroissent, parce que le semblable vient se joindre au semblable. Mais comment ce phénomène a lieu, c’est ce qu’on n’a point encore expliqué.

§ 3.[3]D’ailleurs, on n’a pas étudié non plus davantage la question du mélange, ni aucune des questions de ce genre, et par exemple, la question de savoir comment les choses peuvent agir ou souffrir, et comment telle chose produit et telle autre souffre les actions naturelles.

§ 4.[4] Démocrite et Leucippe, en ne s’attachant qu’aux formes des éléments, en font sortir l’altération et la production des choses. Ainsi, c’est de la division et de la combinaison des atomes que viennent la production et la destruction ; c’est de leur ordre et de leur position que vient l’altération. Mais comme ces philosophes trouvent la vérité dans la simple apparence, et que les phénomènes sont à la fois contraires et en nombre infini, ils ont dû faire les formes des atomes infinies aussi, de telle sorte que, selon les changements de la disposition, la même chose peut sembler contraire à tel ou tel observateur. Elle semble transformée, pour peu que la moindre parcelle étrangère vienne s’y mêler et s’y ajouter, et elle semble totalement différente par le déplacement d’une seule de ses parties. C’est ainsi qu’avec les mêmes lettres on peut faire à son choix une tragédie et une comédie.

§ 5.[5] Mais, comme tout le monde, presque sans exception, croit en général que la production et l’altération des choses sont des phénomènes très différents, et que les choses, pour se produire ou se détruire, doivent se combiner ou se séparer, tandis qu’elles s’altèrent par les changements de leurs propriétés, il faut nous arrêter à ces questions, qui offrent, en effet, de nombreuses et réelles difficultés. Si l’on ne fait de la production des choses, par exemple, qu’une combinaison, cette théorie a une foule de conséquences insoutenables. Mais il y a d’autres arguments en sens contraire non moins décisifs, et qu’il est très difficile de réfuter, démontrant que la production ne peut pas être autre chose qu’une simple combinaison, et que, si la production n’est pas une combinaison, dès lors il n’y a plus du tout de production, et qu’elle n’est qu’une altération. Il n’en faut pas moins essayer de résoudre ces difficultés, toutes graves qu’elles sont.

§ 6.[6] Le point essentiel, au début de toute cette discussion, c’est de savoir si les choses se produisent, s’altèrent, et s’accroissent, ou souffrent les phénomènes contraires à ceux-là, parce qu’il y a des atomes, c’est-à-dire des grandeurs primitives indivisibles ; ou bien s’il n’y a pas du tout de grandeurs indivisibles. Ce problème est de la plus haute importance. D’autre part, en supposant qu’il y ait des atomes, on peut se demander encore si, comme le veulent Démocrite et Leucippe, ces grandeurs indivisibles sont des corps, ou si ce sont de simples surfaces, comme on le dit dans le Timée.

§ 7.[7] Mais il est absurde, ainsi que nous l’avons démontré ailleurs, de pousser l’analyse des corps jusqu’à les réduire en surfaces ; et par conséquent, il serait plus raisonnable de croire que les atomes sont des corps. J’avoue du reste que cette opinion offre aussi bien peu d’apparence de raison. On peut néanmoins, dans ce système, ainsi qu’on l’a dit, expliquer l’altération et la production des choses, en métamorphosant le même corps selon sa rotation, selon son contact, ou selon les différences de ses formes. C’est là ce que fait Démocrite, et voilà ce qui l’amène à nier la réalité de la couleur, attendu que, selon lui, c’est la rotation seule des corps qui la produit. Mais ceux qui admettent la division des corps en surfaces ne peuvent plus rendre compte de la couleur ; car en accumulant des surfaces qui ont de la largeur les unes avec les autres, on arrive uniquement à produire des solides ; mais l’on ne saurait jamais réussir à en tirer aucune qualité corporelle.

§ 8.[8] La cause qui a fait que ces philosophes ont aperçu moins bien que d’autres les phénomènes sur lesquels tout le monde est d’accord, c’est le défaut d’observation. Au contraire, ceux qui ont donné davantage à l’examen de la nature sont mieux en état de découvrir ces principes, qui peuvent s’étendre ensuite à un si grand nombre de faits. Mais ceux qui, se perdant dans des théories compliquées, n’observent pas les faits réels, n’ont les yeux fixés que sur un petit nombre de phénomènes ; et ils se prononcent plus aisément.

§ 9.[9] C’est encore ici qu’on-peut bien voir toute la différence qui sépare l’étude véritable de la nature et une étude purement logique ; car pour démontrer, par exemple, qu’il y a des atomes ou grandeurs indivisibles, ces philosophes prétendent que, s’il n’y en avait pas, le triangle même, le triangle idéal, serait multiple, tandis que, sur cette question, Démocrite paraît ne s’en être rapporté qu’à des études spéciales et toutes physiques. Du reste, la suite de cette discussion fera mieux voir ce que nous voulons dire.

§ 10.[10] C’est une grande difficulté de supposer que le corps existe, qu’il est une grandeur divisible à l’infini, et qu’il est possible de réaliser cette division. Que restera-t-il, en effet, dans le corps qui puisse échapper à une division pareille ? Si l’on suppose qu’une chose est divisible absolument, et qu’on puisse réellement la diviser ainsi, il n’y aurait rien d’impossible à ce qu’elle pût être absolument divisée, bien qu’elle ne le fût pas en réalité, ni à ce qu’elle le fût effectivement. Il en est donc de même si l’on divise la chose par moitié ; et, d’une manière toute générale, si une chose naturellement divisible à l’infini, vient à être divisée, il n’y aura point là d’impossibilité, pas plus qu’il n’y a rien d’impossible à supposer qu’elle puisse être divisée en dix mille fois dix mille, bien que personne ne puisse pousser la division jusque-là.

§ 11.[11] Puisque le corps est censé doué de cette propriété, admettons qu’il soit absolument ainsi divisé. Mais alors que restera-t-il donc après toutes ces divisions ? Sera-ce une grandeur ? Mais cela n’est pas possible ; car alors il y aurait quelque chose qui aurait échappé à la division ; et l’on supposait, au contraire, que le corps était divisible sans aucune limite et absolument. Mais s’il ne reste plus ni corps ni grandeur, et qu’il y ait cependant encore division, ou bien cette division ne portera que sur des points, et alors les éléments qui composeront le corps seront sans aucune grandeur ; ou bien, il n’y aura plus rien du tout.

§ 12.[12] Par conséquent, soit que le corps vienne de rien, soit qu’il soit composé, c’est toujours réduire le tout à n’être qu’une apparence. Même en admettant que le corps puisse venir de points, il n’y aura pas là encore de quantité. En effet, quand tous ces points se touchaient pour former une seule grandeur, que la grandeur était bien une, et que tous y étaient, tous ces points réunis ne faisaient pas que le tout fût plus grand ; car divisé en deux ou plusieurs points, le tout n’est ni plus grand ni plus petit qu’auparavant ; de telle sorte qu’on aurait beau réunir tous ces points, on n’arriverait jamais à en composer une vraie grandeur.

§ 13.[13] Si l’on dit que, par la division, on arrive à ne plus avoir qu’une sorte de sciure du corps, même dans cette hypothèse c’est toujours d’une certaine grandeur que le corps provient, et il reste la même question : à savoir, comment ce dernier corps est divisible à son tour. Si l’on dit que ce qui s’est détaché n’est pas un corps, mais que c’est quelque forme séparable, ou quelque propriété, il en résulte que la grandeur se réduit à des points et à des contacts modifiés de cette façon. Alors il est absurde de croire que la grandeur puisse jamais venir de choses qui ne sont pas des grandeurs.

§ 14.[14] Mais de plus, dans quel lieu seront ces points, soit qu’on les suppose sans mouvement, soit qu’on les suppose mobiles ? Il n’y a bien toujours qu’un seul contact pour deux choses ; mais il faut aussi supposer qu’il existe quelque chose qui n’est ni le contact, ni la division, ni le point. Si donc l’on admet que tout corps quelconque, quelque dimension qu’il ait, peut être toujours divisible absolument, voilà les conséquences auxquelles on arrive.

§ 15.[15] D’autre part, si, après la division, je puis recomposer le bois que j’ai scié, ou telle autre matière, en lui rendant sa première unité et en la refaisant toute pareille à ce qu’elle était, il est clair que je puis toujours faire la même chose, en quelque point que je coupe le bois. Donc, en puissance le corps est toujours divisible absolument et sans limite. Qu’y a-t-il donc ici en dehors et à part de la division, si l’on dit que c’est une propriété du corps ? On peut toujours demander comment le corps se résout en des propriétés de ce genre, comment il peut en être formé, et comment ces propriétés peuvent être séparées du corps.

§ 16.[16] Si donc il est impossible que les grandeurs se composent de simples contacts, ou de points, il faut nécessairement qu’il y ait des corps et des grandeurs indivisibles. Mais cette supposition même des atomes crée une impossibilité non moins insurmontable. Bien qu’on ait examiné cette question ailleurs, on n’en doit pas moins essayer de la résoudre encore ici ; et pour y parvenir, il faut la reprendre tout entière dès le principe.

§ 17.[17]Nous dirons donc d’abord qu’il n’y a rien d’absurde à soutenir que tout corps sensible est à la fois divisible et indivisible en un point quelconque, attendu qu’il se peut qu’il soit divisible en simple puissance, et indivisible en réalité. Mais ce qui paraît tout à fait impossible, c’est qu’un corps soit ensemble l’un et l’autre en puissance ; car si cela était possible, ce ne pourrait jamais être de cette façon que le corps eût tout ensemble les deux propriétés d’être indivisible et divisible en réalité, mais seulement de pouvoir être réellement divisible en un point quelconque. Il n’en restera donc absolument rien, et le corps se sera perdu dans quelque chose d’incorporel. En admettant qu’il pût renaître, soit en venant de points, soit même en ne venant absolument de rien du tout, comment cette reproduction du corps serait-elle possible ?

§ 18.[18] Ce qui est évident, c’est que le corps se divise réellement en parties distinctes et séparées, et en grandeurs toujours de plus en plus petites, qui s’éloignent les unes des autres, et qui s’isolent. Mais ce qui n’est pas moins certain, c’est que ce morcellement partiel ne peut être poussé à l’infini, et qu’il n’est pas non plus possible de diviser le corps en un point quelconque ; car cette division indéfinie n’est pas praticable, et elle ne peut aller que jusqu’à une certaine limite.

§ 19.[19] Il faut donc qu’il y ait des atomes ou grandeurs invisibles, surtout si l’on admet que la production et la destruction des choses se font, l’une par désunion, l’autre par réunion. Tel est le raisonnement qui semblerait démontrer qu’il y a nécessairement des grandeurs indivisibles, des atomes. Mais nous nous faisons fort de prouver que ce raisonnement repose, sans le savoir, sur un paralogisme caché, que nous allons dévoiler.

§ 20.[20] Comme le point ne tient pas au point, la divisibilité absolue peut, en un sens, appartenir aux grandeurs, et en un autre sens, ne peut pas leur appartenir. En admettant cette thé orie, on semble admettre aussi qu’il n’y a plus que le point, qui est partout et en tous sens. Par une conséquence nécessaire, la grandeur en se divisant se réduit à rien ; car le point étant partout, le corps ne peut se composer que de contacts ou de points.

§ 21.[21] Or cela revient à dire que le corps est absolument divisible, puisqu’il y a partout un point quelconque, que tous ensemble sont comme chacun en particulier, et qu’effectivement il n’y en a pas plus d’un seul ; car les points ne sont pas à la suite les uns des autres. Par conséquent non plus, le corps n’est pas absolument divisible ; car si le corps est divisible à son milieu, il le sera également dans le point qui tient à celui-là. Mais l’instant ne continue pas l’instant, non plus que le point ne continue le point. Or, c’est en cela précisément que consistent la division et la composition des corps, de telle sorte qu’il y ait aussi union et désunion de parties. Mais le corps néanmoins ne se réduit pas en atomes, et il ne provient pas d’atomes, théorie qui renferme bien des difficultés insolubles. Le corps ne peut pas être formé non plus de manière à ce que la division y soit possible sans aucune limite. Si le point suivait en effet le point, il en serait ainsi ; mais le corps se résout en parties de plus en plus petites, et la combinaison a lieu entre les plus petites parties.

§ 22.[22] La production absolue et parfaite des choses ne se borne pas, comme on le prétend, à l’union des éléments et à leur désunion, pas plus que l’altération n’est un simple changement dans le continu. Mais c’est là une erreur complète, que tout le monde commet. Encore une fois, il n’y a pas de production et de destruction absolues des choses, par union et désunion d’éléments ; il y en a seulement, quand une chose tout entière change, en venant de telle autre.

§ 23.[23] Parfois aussi, l’on pense que l’altération est un changement quelconque du même genre ; mais il y a ici une différence considérable. Dans le sujet, une partie se rapporte à l’essence, et l’autre à la matière. C’est seulement quand il y a changement dans ces deux choses qu’il y a vraiment production et destruction ; il n’y a que simple altération, quand il y a changement dans les propriétés et les qualités accidentelles de la chose.

§ 24.[24] C’est en se désunissant et en s’unissant que les choses deviennent facilement destructibles ; par exemple, quand les eaux se divisent en petites gouttelettes, elles deviennent plus vite de l’air, tandis que, si elles restent en masse, elles le deviennent plus lentement.

§ 25.[25] Ceci, du reste, sera plus clair dans ce qui va suivre. Mais ici nous avons voulu seulement prouver qu’il est impossible que la production des choses soit une simple combinaison, comme l’ont prétendu quelques philosophes.[26]

  1. Ch. Il, § 1. Platon n’a donc étudié, Aristote revient à examiner les systèmes de ses prédécesseurs. — Donc, cette conjonction est dans le texte, sans qu’on voie bien ce qui la justifie. — La manière dont elles sont dans les choses, Aristote veut dire probablement que Platon n’a étudié la production que dans l’état actuel des choses, sans essayer de remonter à l’origine. Si c’est bien là sa pensée, elle ne serait peut-être pas très juste ; et on trouverait dans le Timée de quoi la contredire. — Celle des éléments, et non celle des qualités, qui se succèdent dans les éléments. — De l’altération, ni de l’accroissement, c’est-à-dire les deux autres espèces de mouvements.
  2. § 2. Si l’on en excepte Démocrite, cet éloge de Démocrite peut paraître bien grand, après la critique précédente sur Platon. — Toutes les questions, le texte n’est pu aussi précis. — Dont les choses se passent, ceci n’est pas très clair ; mais le texte est encore plus concis que ma traduction. Aristote vent dire sans doute que Démocrite est d’accord avec lui, en admettant la production des choses, mais qu’il n’est plus d’accord avec lui sur la manière dont ce phénomène a lieu. — A expliquer l’accroissement, on ne voit pas qu’Aristote lui-même ait comblé cette lacune ; voir la Physique, Livre VI, ch. 16, § 5, de ma traduction.
  3. § 3. D’ailleurs on n’a pas étudié non plus, une partie de ces questions ont été étudiées, soit dans la Physique, soit dans le quatrième livre de la Météorologie ; mais je ne sais si Aristote les a poussées beaucoup plus loin que ses devanciers.
  4. § 4. En ne s’attachant qu’aux formes des éléments, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. Ce sens est celui de Philopon. On pourrait traduire aussi : « Après avoir imaginé les formes des éléments. » - Des atomes, j’ai ajouté ces mots ; car le système de Démocrite est bien connu ; et la doctrine des atomes n’admet en effet que la division et la combinaison, l’ordre et la position, comme causes de tous les phénomènes. — Trouvent la vérité dans la simple apparence, c’est la doctrine reprise plus tard par les Sophistes, et tant combattue par Socrate ; voir le Protagoras. — Les formes des atomes, j’ai encore ajouté ces derniers mots. — Les changements de la disposition, Philopon cite le cou de la colombe, qui, selon la direction de la lumière, et la position des spectateurs, présente les couleurs les plus diverses. — D’une seule de ses parties, le texte n’est pas aussi précis. — Avec mêmes lettres, ce serait plutôt : « avec les lettres de l’alphabet. »
  5. § 5. Tout le monde, en y comprenant Anaxagore et Empédocle. — La production et l’altération des choses, il est difficile en effet de confondre ces phénomènes et de les réduire l’un à l’autre. La distinction que fait le texte est fort claire. — Il faut nous arrêter, ce sera l’objet de tout ce chapitre et des chapitres suivants. — Une foule de conséquences insoutenables, c’est bien vague.
  6. § 6. C’est de savoir, s’il y a ou s’il n’y a pas d’atomes. — Se produisent, s’altèrent et s’accroissent, ce sont les trois espèces de mouvements, dont les choses sont susceptibles. — Les phénomènes contraires à ceux-là, c’est-à-dire la destruction, l’altération en une qualité opposée, et le décroissement. — Des atomes, c’est-à-dire, j’ai ajouté ces mots. — Ce problème est de la plus haute importance, aussi Aristote y est-il revenu à plusieurs reprises. — Comme on le dit dans le Timée, voir plus haut, le Traité du ciel, livre III, ch. 7, § 14.
  7. § 7. Ailleurs, dans le Traité du Ciel, livre III, comme le dit aussi Philopon. — Jusqu’à les réduire en surfaces, cette opinion n’est pas celle de Platon dans le Timée, au point où Aristote semble le dire ici. — J’avoue du reste, l’expression du texte est moins nette. — Ainsi qu’on l’a dit, Philopon croit que termes dont se sert ici Aristote, d’après Démocrite, sont particulièrement empruntés à l’idiome d’Abdère. — Sa rotation son contact, ces expressions ne sont pas plus précises en français que les expressions correspondantes ne le sont en grec. — Ceux qui admettent la division des corps en surfaces, comme Platon, ou d’autres philosophes. — Rendre compte de la couleur, ou de toute autre qualité des corps. Le texte grec n’est pas aussi précis.
  8. § 8. Sur lesquels tout le monde est d’accord, l’expression du texte est un peu vague ; et je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi le sens. — C’est le défaut d’observation, Aristote recommande ici l’observation des faits, comme il l’a toujours recommandée ; mais nulle part, il n’a été aussi net et aussi décisif ; voir la préface à ma traduction de la Météorologie, pages et suivantes. — Qui peuvent s’étendre ensuite, ou suivant une variante indiquée par Philopon : « dans lesquels on peut ensuite comprendre un si grand nombre de faits. » La différence est insignifiante. — Se perdant dans des théories compliquées, le texte peut vouloir dire encore : « Mais ceux qui, loi n des idées vulgaires, etc. » - Plus aisément, et plus légèrement.
  9. § 9. L’étude véritable, j’ai ajouté ce dernier mot. — Ces philosophes, Platon et son école. — S’il n’y en avait pas, j’ai ajouté ces mots, qui semblent indispensables. — Le triangle même, le triangle idéal, ces derniers mots ne sont que la paraphrase des précédents. Le triangle même signifie, dans le langage du Platonisme, l’idée du triangle. — Serait multiple, c’est-à-dire divisible, ce qui est tout à fait contraire à la théorie des idées. — La suite de cette discussion fera mieux voir, Aristote sent lui-même qu’il n’en dit pas assez ici pour être parfaitement clair. Philopon défend Platon contre Aristote, qui n’a pas très bien reproduit la pensée de son maître. Il croit que cette théorie pouvait se trouver tout au plus dans les Doctrines non écrites de Platon.
  10. § 10. C’est une grande difficulté, toute la pensée de ce § est obscure. La voici réduite à son expression la plus simple : « Il est difficile de comprendre que le corps puisse être divisible à l’infini, et qu’il n’y ait plus d’atomes ; car cette division à l’infini épuisera le corps tout entier, dont il ne restera plus rien, et l’on arrivera ainsi à composer le corps de simples points, qui n’ont plus aucune dimension. » - Et qu’il est possible de réaliser cette division, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Qui puisse échapper à une division pareille, puisqu’elle fera évanouir définitivement tout ce qui peut composer le corps. — Il n’y aurait rien d’impossible, c’est une supposition qu’on peut toujours faire, et qui n’implique rien d’absurde. — Si l’on divise la chose par moitié, c’est-à-dire, si l’on partage toujours en deux ce qui reste de la chose, dans les divisions successives, ou si on la divise par parties inégales. De l’une et l’autre façon, on arrive à l’épuiser totalement par cette division indéfinie. — Ne puisse pousser la division jusque-là, par l’insuffisance des instruments dont l’homme dispose.
  11. § 11. Est censé doué de cette propriété, le texte n’est pas aussi précis. — Que restera-t-il ? répétition de la question posée dans le § précédent. — Après toutes ces divisions, j’ai ajouté ces mots, pour éclaircir un peu la pensée. — Une grandeur, qui serait encore divisible. — Sans aucune limite et absolument, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Sans aucune grandeur, parce que les points mathématiques sont supposés n’en point avoir.
  12. § 12. Vienne de rien, c’est-à-dire de points, qui n’ont aucune dimension. — A n’être qu’une apparence, c’était la conséquence que les Sophistes avaient tirée de la doctrine de Démocrite. — Que le corps puisse venir de points, le texte n’est pals tout à fait aussi formel. — De quantité, parce que les points ne peuvent représenter aucune quantité quelconque. — Ni plus grand ni plus petit qu’auparavant, quel qu’ait été le nombre des points de division. — Une vraie grandeur, j’ai ajouté le mot vraie.
  13. § 13. Une sorte de sciure du corps, le texte est un peu concis, et la pensée parait obscure, bien qu’au fond elle soit claire. Aristote suppose qu’on veut prouver qu’il y a des atomes et que la division du corps ne peut aller à l’infini. Si par la division poussée aussi loin que possible, on arrive à réduire le corps en poussière, comme la sciure du bois que l’on coupe, ces fragments de sciure, tout ténus qu’ils sont, n’en ont pas moins eux-mêmes une dimension ; et alors la question revient pour ces petits corps, aussi bien que pour le corps qu’ils formaient primitivement par leur union. — D’une certaine grandeur, les fragments de la sciure, quelque petits qu’on les suppose, ont cependant une grandeur appréciable. — A son tour, j’ai ajouté ces mots. — Que ce qui s’est détaché, par la division poussée à son dernier terme. — Séparable, Philopon atteste qu’il y avait ici une variante, et que certains manuscrits portaient « inséparable » au lieu de « séparable. » Le contexte semblerait prouver que c’est cette dernière version qui est la bonne. Cependant Philopon paraît approuver davantage l’idée « d’inséparable. » La forme est en effet inséparable du corps, en ce sens qu’elle périt quand le corps périt lui-même, et qu’elle ne peut être rien sans lui. J’ai conservé dans ma traduction la version la plus ordinairement reçue ; mais l’autre pourrait convenir aussi. — A des points et à des contacts, théories déjà réfutées plus haut. — Des choses qui ne sont pas des grandeurs, les points et les contacta ne pouvant avoir par hypothèse aucune dimension, en quelque sens que ce soit.
  14. § 14. Dans quel lieu, c’est-à-dire : « dans quelle partie du corps ?  » - Soit qu’on les suppose, mobiles, comme le font les mathématiciens, quand ils admettent qu’en se mouvant le point engendre la ligne, comme la ligne engendre la surface, et la surface le corps. Philopon remarque qu’on peut indifféremment donner à cette phrase la forme interrogative, ou la forme affirmative. — Qu’il existe quelque chose, c’est-à-dire, les deux parties matérielle qui se touchent, ou sont divisées mutuellement en un point qui les sépare. — Si donc l’on admet, voir plus haut, § 10. Ceci est le résumé de la première partie de toute cette discussion.. Si l’on n’admet pas les atomes, et qu’on croie que tout corps est absolument divisible, voilà les conséquences insoutenables où mène cette théorie ; on en conclut avec Démocrite la vérité de la théorie des atomes. Ce résumé d’ailleurs peut sembler un peu prématuré.
  15. § 15. D’autre part, nouvel argument pour démontrer l’existence des atomes. — Toute pareille à ce qu’elle était, ceci semble en contradiction avec ce qui a été dit plus haut, § 13. — En quelque point que je coupe le bois, et le nombre des
  16. § 16. Si donc, résumé en faveur de la théorie de Démocrite. — Des corps et des grandeurs indivisibles, en d’autres termes, des atomes, comme Démocrite le soutenait. — Des atomes, j’ai ajouté ces mots, pour que la pensée fût plus claire. — Ailleurs, voir le IIIe livre du Traité du Ciel, ch. 4, § 5 ; voir aussi la Physique, dans divers passages, où le système des atomes est plutôt indirectement désigné que positivement indiqué. Philopon cite en particulier le VIIe livre de la Physique, où je ne trouve rien de pareil. Il cite également le petit traité des Lignes insécables, qu’il attribue aussi à Théophraste, au lieu d’Aristote, d’après l’opinion de quelques auteurs.
  17. § 17. A la fois divisible et indivisible, en réalité, c’est impossible ; mais il se peut que l’un soit une simple possibilité, et que l’autre soit réel. Ainsi, par la pensée, le corps est points peut être infini, puisqu’ils sont supposés n’avoir aucune dimension. — En puissance, si ce n’est en réalité, par l’insuffisance seule des instruments dont l’homme doit se servir. — En dehors et à part de la division, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — En des propriétés de ce genre, répétition de ce qui a été dit plus haut, § 13. divisible à l’infini ; mais effectivement la division s’arrête assez vite. — Divisible en simple puissance, et indivisible en réalité, le texte n’est pu tout à fait aussi précis. — Soit ensemble l’un et l’autre en puissance, c’est-à-dire à la fois divisible et indivisible en simple puissance. Malgré les explications de Philopon, et malgré tous mes efforts, ce passage présente une obscurité que je n’ai pu faire disparaître entièrement. Voici, je crois, comment on peut le comprendre. « Un corps ne peut pas être tout à la fois divisible et indivisible, même en simple puissance ; car s’il l’était en puissance il faudrait qu’il le fût en réalité ; et dans la réalité, les deux propriétés sont absolument incompatibles. Tout ce qui se peut réellement, c’est que le corps soit divisible en un point quelconque ; ce qui ne veut pas dire qu’il soit absolument divisible ; car alors il n’en resterait absolument rien après la division, et le corps s’évanouirait ainsi en quelque chose d’incorporel. » - Le corps…. incorporel, cette antithèse de mots est dans le texte. — De points, qui ne sont rien de sensible, puisqu’ils sont supposés n’avoir aucune dimension. — Absolument de rien du tout, ou peut-être : « Du néant, du rien. » - Cette reproduction du corps, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  18. § 18. Se divise réellement, j’ai ajouté ce dernier mot, pour que la pensée fût plus claire. — Toujours de plus en plus petites, selon la matière que l’on divise, et selon les instruments dont on se sert. — Qui s’éloignent, c’est l’expression même du texte, qui n’est peut-être pas très-convenable. — Et qui s’isolent, après que la division a été faite. — Le morcellement, ou l’amoindrissement, la réduction successive en des parties de plus en plus ténues. — Que jusqu’à une certaine limite, dans la réalité, bien qu’en pensée elle soit indéfiniment possible.
  19. § 19. Il faut donc, en ne s’en tenant qu’aux phénomènes sensibles et observables, le système des atomes semble très vrai, parce qu’en effet la division doit s’arrêter bientôt, et qu’elle semble rencontrer un obstacle insurmontable dans des particules qu’elle ne peut plus atteindre. — Par désunion, de certains éléments irréductibles et permanents. — Par réunion, de ces mêmes éléments. — Des atomes, j’ai ajouté ces mots. Les atomes sont indivisibles, comme leur nom l’indique ; et de plus, ils sont indivisibles pour nous, à cause de leur ténuité. — Nous nous faisons fort, le texte n’est pas tout à fait aussi précis ; mais j’ai voulu rendre par cette expression la vivacité de la tournure qu’il emploie. — Que nous allons dévoiler, les développements qui suivent peuvent paraître ne pas répondre tout à fait à cette promesse.
  20. § 20. Ne tient pas au point, puisque les points sont censés n’avoir aucune dimension. — En admettant cette théorie, que le corps est absolument divisible. — En se divisant, selon les points dont on le dit composé. — Que de contacts ou de points, voir plus, haut § 16.
  21. § 21. Que le corps est absolument divisible, c’est le sens adopté par Philopon, qui trouve d’ailleurs que l’expression n’est pas assez claire. Toute cette discussion est très confuse et il est bien difficile d’y discerner la véritable pensée de l’auteur. — Il y a partout un point quelconque, c’est-à-dire que la division peut toujours se faire en quelque point que ce soit. — Il n’y en a pas plus d’un seul, en réalité, il y en a tout autant qu’on veut ; mais tous se ressemblent, et l’on n’en peut jamais prendre qu’un seul à la fois. — Par conséquent non plus, le texte n’est pas aussi précis ; mais j’ai dû le préciser davantage, afin de le mettre d’accord avec l’alternative du § précédent. — L’instant…. le point, les deux mots dont se sert le texte grec, sont plus rapprochés entre eux que les deux mots dont je suis obligé de me servir dans la traduction. — De parties, j’ai ajouté ces mots. — Bien des difficultés insolubles, dont quelques-unes ont été exposées plus haut. — Soit possible sans aucune limite, ce qui détruirait le système des atomes. Ainsi, Aristote repousse tout ensemble et admet ce système, parce qu’il trouve de part et d’autre des difficultés insurmontables. — Si le point suivait en effet le point, ceci a l’air d’une glose, qui aurait été intercalée dans le texte par quelque commentateur.
  22. § 22. La production, toute cette fin de chapitre est une digression ; où l’auteur s’éloigne de plus en plus de la pensée qu’il semblait primitivement poursuivre. — Union et désunion d’éléments, parce qu’alors les éléments sont antérieurs au composé qu’ils forment. — En venant de telle autre, l’expression n’est pas très juste ; et là non plus, il n’y aurait pas de production proprement dite.
  23. § 23. L’altération, la digression continue de plus en plus. — Considérable, j’ai ajouté ce mot. — Dans le sujet, ou dans l’objet. — A l’essence, ou à la définition et à l’idée. — Ces deux choses, j’ai ajouté
  24. § 24. En se désunissant et en s’unissant, voir plus haut la fin du § 22. — Quand les eaux se divisent, l’observation est juste, et elle a dû être faite de très bonne heure, ce phénomène se représentant d’une manière très fréquente. Voir la Météorologie, livre II, ch. 2, § 18 de ma traduction. — Elles deviennent plus vite de l’air, en d’autres termes, elles se vaporisent.
  25. § 25. Ceci du reste sera plus clair, c’est que l’auteur lui-même a senti qu’il ne l’avait pas toujours été autant qu’on peut le désirer. — Une simple combinaison, soit réunion, soit désunion ; voir plus haut, § 19.
  26. Deux ; le texte n’a qu’un pluriel. — Vraiment, j’ai ajouté ce mot.