De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 29

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Chez Antoine Vitté (p. 363-365).

Chapitre 29


conditions d’un bon directeur fort bien establies par l’auteur. premiere, qu’il soit docte.

mais il est vray neanmoins que je suis encore obligé de vous donner cette loüange, que vous avez en ce point suivi tres-fidellement le sentiment de ces grands hommes, et que les conditions d’un bon directeur que vous avez marquées en peu de mots sont si justes et si raisonnables, que pourveu qu’elles soient bien entenduës, elles en peuvent former une idee tres-excellente, et on le pourra nommer hardiment, selon le langage de Platon, ipse director .

Vous voulez premierement qu’il soit docte ; et en effet comment les tenebres esclaireroient-elles, et comment un aveugle pourroit-il servir de guide ? Il faut que celuy qui se mesle de gouverner les consciences soit rempli des veritez de nostre foy : qu’il ait travaillé long-temps pour s’instruire luy-mesme, avant que d’instruire les autres. Il faut que l’estude et la pieté soient jointes ensemble pour former cette doctrine, et qu’il ne possede pas seulement cette science qui s’apprend parmi les contentions ; mais une plus haute et plus eslevée, que l’escriture nomme la science des saints, que nous devons attendre du Saint Esprit, et qui ne s’obtient que par des gemissemens, et par des prieres.

De sorte qu’on peut dire qu’il a besoin de trois sciences ; l’une est celle qu’on apprend dans les escholes : l’autre est celle qu’on apprend de la tradition de l’eglise catholique : la troisiesme est celle qu’on puise dans la source mesme par la communication familiere, et l’union intime, que la pieté et la devotion donne aux ames religieuses avec Jesus-Christ. La premiere le rend disciple de ceux qu’on appelle maintenant docteurs : la seconde le rend disciple de l’eglise catholique, selon le langage des peres : la troisiesme le rend disciple de Jesus-Christ, qui instruit et conduit les ames des pasteurs et des conducteurs de son eglise par les lumieres invisibles, qui les rendent docibiles dei , comme parle l’evangile ; et leur fait comprendre les veritez d’une maniere ineffable, que personne n’entend que celuy qui les reçoit. Ce qui fait dire si souvent à Saint Augustin, que le predicateur de la parole de Dieu, et le directeur des ames, ne leur doit rien dire que ce que Jesus-Christ mesme luy suggere au moment qu’il les exhorte, et qu’il ne doit pas moins avoir l’oreille du cœur attentive aux paroles interieures, et aux instructions secretes de Jesus-Christ, que celuy qu’il conduit doit avoir l’oreille de l’ame attentive à ses discours, et à ses entretiens exterieurs.