De la longévité humaine et de la quantité de vie sur le globe/Partie III, chapitre I
I.
La vie n’a pas toujours été sur le globe.
Après avoir énuméré toutes les diverses phases de l’apparition successive des êtres vivants, telle qu’il l’entendait, M. Cuvier ajoute : « Ce qui étonne davantage encore, c’est que la vie n’a pas toujours existé sur le globe, et qu’il est facile à l’observateur de reconnaître le point où elle a commencé à déposer ses produits[1]. »
Voyons, d’un coup d’œil rapide, les trois progrès marqués qui nous ont conduits, d’abord à l’examen attentif des coquilles marines, répandues partout sur la terre sèche, preuve certaine, et partout empreinte, de l’antique séjour des mers sur les terres ; de ce premier point, à la détermination des couches du globe, effet évident de l’action des eaux ; et de la détermination des couches superficielles du globe à celle de ces roches profondes, d’une structure toute différente, qui nous décèlent un tout autre agent, et font passer notre imagination étonnée, du spectacle, déjà si grand, du travail des eaux, au spectacle, plus imposant encore, du travail du feu.
« Un potier de terre, qui ne savait ni latin ni grec, fut le premier, dit Fontenelle, qui, vers la fin du xvie siècle, osa dire dans Paris, et à la face de tous les docteurs, que les coquilles fossiles étaient de véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elles se trouvaient alors, que des animaux, et surtout des poissons, avaient donné aux pierres figurées toutes leurs différentes figures ; et il défia hardiment toute l’éeole d’Aristote d’attaquer ses preuves[2]. »
Ce potier de terre, qui défia toute l’école d’Aristote, était Bernard Palissy, « aussi grand physicien que la nature seule en puisse former un[3] ; » et, comme parle un écrivain de son temps, « homme d’un esprit merveilleusement prompt et aigu[4]. »
« Cet homme, dit Venel, qui n’était qu’un simple ouvrier sans lettres, montre dans ses différents ouvrages un génie observateur, accompagné de tant de sagacité et d’une méditation si féconde sur ses observations, une dialectique si peu commune, une imagination si heureuse, un sens si droit, des vues si lumineuses, que les gens les plus formés par l’étude peuvent lui envier le degré de lumière où il est parvenu sans ce secours, et cette tournure d’esprit qui l’a fait réfléchir avec succès… La forme même de ses ouvrages annonce un génie original. Ce sont des dialogues entre Théorique et Pratique ; et c’est toujours Pratique qui instruit Théorique, écolière fort ignorante, fort indocile, et fort abondante en son sens. Je le crois le premier qui ait fait des leçons publiques d’histoire naturelle[5]… »
Tout cela est aussi vrai que bien dit. On ne pouvait mieux sentir Palissy. Ce simple ouvrier touche aux questions les plus élevées de la science, et quelquefois il les résout. Il a résolu celle des coquilles fossiles.
« Et parce qu’il se trouve, dit-il, des pierres remplies de coquilles, jusques au sommet des plus hautes montaignes, il ne faut pas que tu penses que lesdites coquilles soient formées comme aucuns disent que nature se joue à faire quelque chose de nouveau[6]. » Il ajoute : « Quand j’ai eu de bien près regardé aux formes des pierres, j’ay trouvé que nulle d’icelles ne peut prendre forme de coquilles ni d’autre animal, si l’animal mesme n’a basti sa forme[7]. » — « Il faut donc conclure, dit-il encore, que, auparavant que ces dites coquilles fussent pétrifiées, les poissons qui les ont formées estoyent vivants dedans l’eau,… et que, depuis, l’eau et les poissons se sont pétrifiés en un mesme temps, et de ce ne faut douter[8]. »
Et de ce ne faut douter. On voit quelle est l’assurance de Palissy. Et cependant il avait contre lui toute l’école, qui voulait alors que les coquilles fossiles ne fussent que des jeux de la nature. Mais il écoutait peu l’école, et ne lisait pas ses livres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été bien aise de les lire, et cela par une raison qu’il nous dit fort naïvement, c’est qu’il aurait pu les contredire.
« J’eusse été fort aise, dit-il, d’entendre le latin et lire les livres des philosophes, pour apprendre des uns et contredire aux autres[9]. » Il se félicite de pouvoir lire Cardan, dont le livre De la subtilité[10] venait d’être traduit en français[11], et « d’y voir des fautes si lourdes[12] pour avoir occasion de contredire un homme tant estimé[13]. »
Dans ses Dialogues, Pratique est lui-même, et Théorique est l’École. Ou, si Ton aime mieux, Pratique est la méthode expérimentale, l’observation de la nature, et Théorique la méthode scolastique, l’abus de l’autorité des anciens, partout invoquée, et presque partout mal comprise.
« Je t’asseure, dit-il à son lecteur, qu’en bien peu d’heures, voire dans la première journée, tu apprendras plus de philosophie naturelle sur les faits des choses contenues en ce livre que tu ne saurois apprendre en cinquante ans, en lisant les théoriques opinions des philosophes anciens[14]. »
Ne pouvant lire les livres des savants, écrits en latin, il imagina d’assembler les savants eux-mêmes, pour voir s’il pourrait en tirer quelque contradiction[15] : « Sachant bien, dit-il, que si je mentois il y en auroit de grecs et de latins qui me résisteroyent en face, et qui ne m’espargneroyent point, tant à cause de l’escu que j’avois pris de chascun,… que parce que j’avois mis dans mes affiches que, partant que les choses promises en icelles ne fussent véritables, je leur rendrois le quadruple. Mais grâce à mon Dieu, jamais homme ne me contredit d’un seul mot[16]. »
Il dit ailleurs : « Je n’ai point eu d’autre livre que le ciel et la terre, lequel est connu de tous, et est donné à tous de connoître ce beau livre. »
Et ce qu’il dit là, on le sent à son style, qui a quelque chose de spontané, de soudain, de direct, de pur. Ce style est d’une clarté singulière : cette clarté vient du génie.
Dans Palissy, le génie était soutenu par une âme forte, et qui le fut constamment au milieu de l’adversité la plus rude. Lorsque, nous racontant ses longs et héroïques travaux sur l’émail[17], il se peint « n’ayant aucun secours, aide ni consolation, étant toutes nuits à la mercy des pluyes et des vents… n’ayant rien de sec sur lui[18]… » et, ce qui lui était bien plus cruel, se voyant soupçonné de faire de la fausse monnaie, « qui, dit-il, estoit un mal qui me faisoit seicher sur les pieds, et m’en allois par les rues tout baissé, comme un homme honteux[19],… » on ne peut le lire sans trouble ; il réussit enfin, et c’est alors qu’il fait entendre ces belles paroles :
« Quand je me fus reposé un peu de temps avec regrets de ce que nul n’avoit pitié de moy, je dis à mon âme : Qu’est-ce qui te triste, puisque tu as trouvé ce que lu cherchois ? Travaille à présent[20]… »
Sa mort fut admirable comme sa vie. Persécuté comme partisan de la religion réformée, et enfermé à la Bastille, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, il y mourut. Le roi Henri III, qui l’avait longtemps protégé et qui l’aimait, étant allé le voir, lui dit : « Mon bon homme, si vous ne vous accommodez sur le fait de la religion, je suis contraint de vous laisser entre les mains de mes ennemis. — Sire, répondit le noble vieillard, ceux qui vous contraignent ne peuvent rien sur moy, parce que je sçay mourir[21]. »
Palissy est donc le premier homme de son siècle[22] qui ait vu juste sur les coquilles fossiles. On s’étonne aujourd’hui d’entendre louer un homme de génie pour une chose qui paraît si simple. Il semble que l’idée absurde des jeux de la nature ne pouvait guère être qu’une idée d’école, et qu’il fallait être bien philosophe, à la manière de ce temps-là, pour ne pas voir dans les coquilles fossiles de véritables coquilles.
Eh bien ! cette idée absurde du xvie siècle règne encore au xviie où Stenon, Scilla, le grand Leibnitz, la combattent. Elle règne au xviiie, où Buffon la combat dans Voltaire, comme je l’ai dit ailleurs[23]. L’absurde a toujours quelqu’un qui le représente, et n’a pas toujours un Voltaire.
Je reviendrai tout à l’heure sur Leibnitz et sur Stenon pour d’autres faits et pour des idées nouvelles. Mais je dois parler ici de Scilla, dont le petit ouvrage sur les corps marins pétrifiés[24] est très-remarquable.
Scilla n’était pas naturaliste, mais il était peintre : il avait des yeux exercés ; il voyait bien, et, ce qu’il ne faut pas compter pour peu quand il s’agit de juger sainement des choses, ayant commencé par l’étude des faits, il jugeait les livres par les faits, et non les faits par les livres.
Voyageant un jour en Calabre, il eut occasion de voir, près de Reggio, une montagne de coquilles fossiles. Tandis qu’il admirait, avec surprise, cette masse énorme de corps marins, et qu’il se perdait en réflexions sur la cause qui avait pu les amener là, il lui passa par l’esprit de demander aux habitants du lieu ce qu’ils en pensaient. Ces bonnes gens lui répondirent, tout simplement, que cela venait du déluge : réponse qui le frappa beaucoup, quoique ni lui ni ceux qui la lui faisaient, ne se doutassent, assurément, de tout ce qu’en effet elle avait de vrai.
Le livre dans lequel Scilla combat de nouveau l’erreur, toujours persistante, des jeux de la nature est de 1670. L’année précédente avait paru celui de Stenon[25]; celui de Leibnitz parut quelques années après[26]. Tout conspirait. L’opinion de Palissy sur les coquilles fossiles, oubliée depuis un siècle, renaissait enfin pour ne plus disparaître ; et la géologie avait son premier grand fait, et, l’on peut le dire, celui-là même qui lui a valu tous les autres ; car, une fois la vraie nature des coquilles fossiles admise, on a cherché comment des corps marins se trouvaient sur la terre, l’idée des révolutions du globe est venue, et la géologie est née.
Stenon était né à Copenhague en 1658. Il commença par étudier l’anatomie sous Thomas Bartholin, illustre par la découverte des vaisseaux lymphatiques ; il le fut bientôt lui-même par celle du conduit excréteur de la salive, qui, aujourd’hui encore, porte son nom. Venu à Paris en 1664, on le remarqua souvent aux assemblées qui se tenaient chez Thévenot[27], et qui ont été le berceau de notre Académie des Sciences. C’est là qu’il lut son beau mémoire sur le cerveau. Winslow, le plus grand anatomiste du xviiie siècle, fut son neveu. Le Danemark a cette gloire d’avoir produit trois des plus grands anatomistes des temps modernes, Thomas Bartholin, Stenon et Winslow.
De Paris, Stenon passa à Florence. Florence était alors ce que Paris allait bientôt être, la patrie des sciences. L’Académie del Cimento, fille de l’esprit de Galilée, et qui possédait encore Borelli, Redi, Viviani, s’empressa de l’adopter.
En 1672, il revint à Copenhague, où le roi Christian V lui donna une chaire d’anatomie. Puis, il quitta de nouveau le Danemark pour la Toscane.
Dès son premier séjour à Florence, il avait embrassé la religion catholique : cette fois, il entra dans l’Église ; il fut évêque, puis vicaire apostolique pour le nord de l’Europe, et mourut à Schwerin en 1687.
Stenon était un homme de génie. Ses idées sur le cerveau sont les premières idées justes que l’on ait eues sur la structure de cet organe. Deluc l’appelle le premier vrai géologue[28]. Il a commencé l’anatomie du cerveau, et il a commencé la géologie.
Relativement au fait qui m’occupe ici, la disposition de la terre par couches, Stenon semble avoir tout vu. Il a, du moins, nettement vu ces trois grands points : le premier, que les couches de la terre ne sont que des sédiments déposés par un fluide ; le second, que la matière qui les compose a donc été, d’abord, suspendue dans ce fluide, et le troisième, que toutes ces couches ont commencé par être horizontales ; d’où il suit que toute couche, actuellement perpendiculaire ou inclinée, a été soulevée par quelque cause postérieure à sa formation, ou, en un seul mot, et comme on dit aujourd’hui, que toute couche inclinée est une couche redressée.
Il a vu, de même, les coquilles marines répandues partout sur la terre sèche, et prouvant partout l’irruption des mers sur les terres. « Partout, dit-il, où se trouvent des dépouilles marines, la mer a certainement séjourné, soit qu’elle y ait été portée par son propre débordement, soit qu’elle y ait été poussée par les matières vomies par les volcans[29]. »
Woodward, le célèbre Woodward, dont le principal mérite est pourtant d’avoir bien connu la disposition de la terre par couches, n’a guère fait qu’ajouter des détails à ce premier ensemble d’observations et d’idées.
« Quiconque voudra considérer, dit Woodward…, qu’on trouve une quantité prodigieuse de coquilles et d’autres corps, dont l’origine est dans la mer, incorporés et enfermés dans toute sorte de pierres, dans le marbre, dans la craie, etc., que ces corps sont logés dans la matière terrestre, à commencer près de la surface de la terre jusque dans les endroits les plus profonds…, qu’ils se trouvent dans toutes les parties connues du monde…, et même sur le sommet des plus hautes montagnes… Quiconque examinera comme il faut tout ceci n’aura pas besoin de chercher d’autres preuves pour comprendre que la terre fut effectivement dissoute, et qu’elle se forma ensuite de nouveau[30], »
Enfin, ce que Stcenon et Woodward ont encore vu tous deux, et tous deux presque de même, c’est l’étonnant rapport de toutes ces choses avec le déluge, raconté dans le plus ancien de nos livres.
« Relativement au premier état de la terre, dit Stenon, la nature et l’Écriture sont d’accord sur ce point, que tout était couvert par les eaux[31]. »
Et Woodward dit : « Quant à Moïse… je prends la liberté d’examiner la rigueur de ce qu’il nous a rapporté en le comparant avec les choses,… et, voyant que son histoire est tout à fait conforme à la vérité, je le déclare ingénûment[32]. »
Le titre du livre de Stenon est : Du solide contenu dans le solide[33], ce qui veut dire tout simplement : Des corps organisés fossiles contenus dans les roches solides.
La forme métaphysique, qui n’est pas bonne, même dans les ouvrages de métaphysique, gâte beaucoup celui de Stenon. C’était le vice du temps. Il faut laisser la forme et voir le fond, qui est admirable.
Les coquilles fossiles répandues dans les couches ordinaires de la terre prouvent bien que la mer a couvert la terre, et cela, sans doute, est beaucoup ; mais elles ne prouvent pas, ce qui est beaucoup plus, que plusieurs roches, actuellement solides, ont été liquides, ou tenues en suspension dans un liquide ; et les corps organisés, contenus dans ces roches, le prouvent[34].
Pour que des corps organisés, c’est-à-dire des corps solides, se trouvent contenus dans des roches solides, il faut que ces roches aient commencé par être liquides.
Tel est le grand fait démontré par Stenon, et que Palissy avait déjà indiqué.
« J’ay trouvé, dit Palissy, des montaignes où il y a par milliers de diverses coquilles pétrifiées, si près rune de l’autre, que l’on ne sauroit rompre le roc d’icelles montaignes en nul endroit, que l’on ne trouve quantité desdites coquilles, lesquelles nous rendent tesmoignage que elles… ont été pétrifiées en mesme temps que la terre et les eaux où elles habitoient furent aussi pétrifiées[35]. »
Leibnitz fut chargé, vers 1680, d’écrire l’histoire des princes de Brunswick. De l’histoire de ces princes, il passa à celle du Brunswick, et de l’histoire du Brunswick à celle de la terre. C’était la tournure de son génie : cherchant, en toute chose, l’origine et la fin, et concluant, presque toujours, que les choses n’ont ni origine ni fin. J’ai déjà cité ce mot de Fontenelle, à propos de lui, « qu’on eût vu le bout des matières, ou qu’elles n’ont point de bout. »
Il publia, en 1685, son histoire de la terre sous le litre de Protogæa[36].
Il voit, d’abord, que les coquilles fossiles ne sont que les dépouilles, les restes de véritables animaux ; il voit, ensuite, que la mer a longtemps couvert la terre ; et, jusque-là, il est d’accord avec Palissy, Stenon, Woodward, qui veulent tous, en effet, que tout ait commencé par l’eau. Mais ce qu’ils appellent commencement ne l’est pas pour lui. Sa vue se porte bien plus loin. Avant l’état aqueux du globe, il en voit un autre et beaucoup plus ancien, qui fut l’état igné. La terre a commencé par être brûlante ; tout y a subi l’action du feu ; tout y est du verre ou de la nature du verre[37].
Le vaste génie de Leibnitz embrasse toute l’étendue des temps. Le premier des hommes, il pose les deux principes qui ont successivement formé et reformé le globe, le feu et l’eau ; et, désormais, tout l’effort de la géologie sera de démêler les effets distincts de ces deux grands agents[38].
Les faits dont je viens d’écrire l’histoire, au point de vue de l’époque actuelle, ont eu un historien immédiat et contemporain, Fontenelle. N’est-il pas curieux de voir comment les a jugés Fontenelle ?
La première fois qu’il en parle est en 1703, à l’occasion d’un mémoire de Maraldi sur des pierres figurées à empreintes de poissons et sur des coquillages fossiles.
« Qui peut avoir porté, dit Fontenelle, ces poissons et ces coquillages dans les terres, et jusque sur le haut des montagnes ? il est vraisemblable qu’il y a des poissons souterrains comme des eaux souterraines, et ces eaux, qui s’élèvent en vapeurs, emportent peut-être avec elles des œufs et des semences très-légères ; après quoi, lorsqu’elles se condensent et se remettent en eau, ces œufs peuvent éclore et devenir poissons ou coquillages[39]. »
La seconde fois est en 1706, à L’occasion d’une communication de Leibnitz ; et déjà, comme on pense bien, il n’est plus question de l’ascension des œufs et des semences légères. L’esprit de Fontenelle allait vite. « Il paraît à plusieurs marques, dit-il, qu’il doit s’être fait de grands changements physiques sur la surface de la terre. M. Leibnitz croit que la mer a presque tout couvert autrefois… De là viennent les coquillages des montagnes[40]. »
La troisième fois est en 1708, à propos de Stenon, et Fontenelle va bien plus loin. Il conçoit et pose la fluidité primitive (c’est-à-dire la dissolution, le délaîment dans l’eau) des couches superficielles du globe. « Des parties d’animaux terrestres ou aquatiques, des branches d’arbres, des feuilles, etc., trouvées dans des lits de pierre, même assez profonds, confirment le système de la fluidité de la terre. Quel autre moyen que tout cela eût été enfermé où il était[41] ? »
Entin, en 1727, il dit : « Il y a eu de grands bouleversements sur notre globe terrestre, et surtout de grandes inondations… Il est seulement à craindre qu’on ne néglige trop désormais les nouvelles preuves qu’on découvrira d’une vérité si bien établie[42]. »
Fontenelle avait tort de craindre : quelques années après l’époque où il écrivait ces mots, Buffon publiait sa Théorie de la terre.
Et ici il est une remarque que je ne puis m’empècber de faire. Le dernier éloge qu’ait écrit Fontenelle est celui de Dufay. Dans cet éloge, il annonce Buffon. « Le choix de M. de Buffon, que proposait M. Dufay, était, dit-il, si bon, que le roi n’en a pas voulu faire d’autre. »
Singulière succession de génie et de gloire ! Fontenelle annonce Buffon ; Buffon allait être bientôt suivi de Cuvier.
- ↑ Discours sur les révolutions de la surface du globe.
- ↑ Histoire de l’Acad. des sciences, année 1720, p. 5.
- ↑ Expressions de Fontenelle : Ibid., p. 6.
- ↑ La Croix du Maine : Bibliothèque, etc. 1584.
- ↑ En 1575, à Paris. — Venel : article Chimie de l’Encyclopédie.
- ↑ Œuvres de Bernard Palissy, p. 88, édition de Faujas de Saint-Fond.
- ↑ Œuvres de Bernard Palissy, p. 98, édition de Faujas de Saint-Fond.
- ↑ Ibid.. p. 90.
- ↑ Œuvres de Bernard Palissy, p. 75.
- ↑ Hieronymi Cardani… De subtilitate, 1553.
- ↑ Par Richard Leblanc. Paris, 1556.
- ↑ Mais la faute lourde est ici du côté de Palissy et non pas de Cardan. — Théorique : « Et comment voudrois-tu contredire à un tel savant personnage, toy qui n’es rien ?… En ce qu’il a dit que les coquilles pétrifiées qui étoient éparses par l’univers étoient venues de la mer ès jours du déluge… » (P. 80). — Ici Cardan a tout à fait raison, et son érudition le sauve. Il se rappelle tout ce que les anciens avaient déjà remarqué touchant les grands déplacements des mers, et ces vers d’Ovide :
Vidi ego quod fuerat quondam solidissima tellus
Esse fretum..........
Et procul a Pelago conchæ jacuere marinæ.Metam., lib. xv. - ↑ Œuvres de Bernard Palissy, p. 79.
- ↑ Œuv. de B. Palissy, Advertissement, p. lxxv.
- ↑ Expressions de Palissy, p. 75.
- ↑ Expressions de Palissy, p. 75.
- ↑ La découverte de la composition de l’émail pour la poterie lui coûta plus de vingt-cinq années d’essais et d’études : « Sçaches, dit-il à son lecteur, qu’il y a vingt et cinq ans passez qu’il me fut montré une coupe de terre, tournée et esmaillée d’une telle beauté, que dès lors j’entrai en dispute avec ma propre pensée… et je me suis mis à chercher les esmaux, comme un homme qui taste en ténèbres. » Œuvres de Palissy, p. 14.
- ↑ Œuvres de Palissy, p. 32.
- ↑ Ibid., p. 22.
- ↑ Ibid., p. 22.
- ↑ Voyez la notice sur Bernard Palissy : Édit. de ses œuvres par Faujas de Saint-Fond.
- ↑ Ou, plus exactement, l’un des premiers : Léonard de Vinci, Fracastor, Cardan, etc., eurent, vers le même temps à peu prés, les mêmes idées. Celui qui les a développées avec le plus de force est Palissy.
- ↑ Voyez mon Histoire des travaux et des idées de Buffon, p. 204.
- ↑ La vana speculazione disingannata dal senso : lettera risponsiva circa i corpi marini che petrificati si ritrovano in varii luoghi terrestri. 1670.
- ↑ De solido intra solidum contento, etc.
- ↑ Protocæa, etc. 1683.
- ↑ Elles s’étaient tenues, d’abord, chez Montmort. — Voyez mon livre intitulé : Fontenelle, ou de la philosophie moderne relativement aux sciences physiques.
- ↑ Abrégé de géologie, p. 8. Paris. 1816.
- ↑ De solido intra solidum, etc., p. 28 : « … Certum est eo loci aliquundo mare exstitisse, quocumque modo, sive propria exundatione, sivc montium eructatione eò pervenerit. »
- ↑ An essay towards the natural history of the earth, traduction française, p. v.
- ↑ De solido intra solidum, etc., p. 69. « De prima terræ facie in eo Scriptura et natura consentiunt, quod aquis omnia tecta fuerint. »
- ↑ An essay towards the natural history of the earth, etc. : trad. franç., p. viii.
- ↑ De solido intra solidum naturaliter contento dissertationis Prodromus, 1669. Ce n’était, en effet, que la préface d’un ouvrage qu’il n’a point publié ; mais on peut regarder cette préface comme un résumé, comme l’admirable résumé de toutes ses observations et de toutes ses découvertes sur les révolutions du globe en général, et particulièrement sur les divers états de la terre dans la Toscane (variaæ mutationes quæ in Etruria contigerunt).
- ↑ « Il est présentement certain que toutes les pierres, sans exception, ont été fluides ou du moins une pâte molle, qui s’est desséchée et durcie. Il suffirait, pour en être sûr, d’avoir vu une seule pierre où fut renfermé quelque corps étranger qui n’aurait pas pu y entrer, si elle avait toujours été de la même consistance, car cette seule pierre conclurait pour toutes les autres ; mais on en a vu sans nombre, et on en voit tous les jours qui renferment des corps étrangers, et ce n’est plus la peine de les remarquer. De plus, il y a une infinité de pierres qu’on appelle figurées, qui ont été moulées très-finement et très-délicatement en différents coquillages, ce qui fait voir que la pâte dont elles ont été formées devait être extrêmement molle et fine. » Hist.de l’Acad. roy. des sc., p. 8 (1716).
- ↑ Œuvres de Bernard Palissy, p. 92.
- ↑ Protogæa, sive de prima facie telluris, etc. : Act. Lips. 1683. Gott. 1748.
- ↑ « … Hinc facile intelligas vitrum esse velut terræ basin, et naturam ejus sub cæterorum plerumque corporum larvis latere… » Protogæa, p. 5, édit. de 1748.
- ↑ « Leibnitz, le premier, avait essayé de distinguer sur la terre des parties élevées par le feu, et d’autres déposées par les eaux. » (Cuvier, Éloge de Saussure, p. 414.)
- ↑ Histoire de l’Académie, année 1703, p. 23.
- ↑ Ibid. année 1706, p. 9 et suiv.
- ↑ Histoire de l’Académie, année 1708, p. 30.
- ↑ Ibid., année 1727, p. 4.